Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Cas@d€i - Page 91

  • L'olivier

    Ils sont rares les oliviers sur les trottoirs de Beyrouth. Les arbres les plus répandus en bordure de voie sont le laurier rose, le ficus, l'acacias, le jacaranda,  le pin, le palmier dattier sur la corniche... Les cèdres, ceux qui restent, sont dans la montagne

    CIMG0013.jpg

    Cet olivier, dans la rue qui descend de la place Sassine à l'Université saint Joseph, a été planté il y a un peu moins de cinq ans.

    Il perpétue la mémoire de Samir Kassir, historien et journaliste, français et libanais, études d'histoire et de philosophie à la Sorbonne, éditorialiste à An Nahar, fondateur de la version arabe du Monde diplomatique, assassiné à cet emplacement le 2 juin 2005 dans un attentat à la voiture piégée.

    Il n'est jamais trop tard pour lire son Histoire de Beyrouth et surtout son dernier livre, toujours actuel : Considérations sur le malheur arabe.

  • Vacarme

    Tôt le matin, on entend l'appel du muezzin et les cloches au son aigrelet des églises chrétiennes, à moins que ce ne soient les camions de Suckleen qui réveillent le visiteur, ils vident les grandes bennes à ordure, en tôle verte, puis on entend les premiers klaxons, les premières sirènes hurlantes des FSI, Beyrouth s'éveille. Un peu plus tard les chantiers se mettent en route. Ici les ouvriers, syriens la plupart, démolissent une vieille demeure de style ottoman, là, on creuse des trous profonds pour abriter les parkings souterrains, plus loin, on construit des tours toutes sur un modèle quasi identique, 10 à 30 étages, des appartements de 300 à 500 mètres carrés pour des arabes du Golfe ou des émigrés libanais, enrichis qui en Afrique qui au Moyen-Orient, qui aux Amériques... Les pelleteuses, les marteaux piqueurs, les bulldozers, les camions remplis de gravats s'en donnent à coeur joie. Impossible d'y échapper, il y a un chantier dans chaque pâté de maison, Beyrouth, le vieux Beyrouth, du moins ce qu'il en reste, disparait.

    jBeyjuin10 008.jpg

    C'est l'été ou presque, il fait déjà très chaud, ouvrir les fenêtres, c'est s'exposer à la poussière des chantiers, omniprésente, et au bruit, alors va pour la clim, mais il y a les coupures d'électricité, annoncées désormais sur Internet par EDL, l'EDF locale, les générateurs privés d'électricité de quartier tournent à plein régime, ils fonctionnent au fuel, d'où, avec la circulation automobile, le nuage de pollution qui domine la ville en permance et qu'on découvre lorsqu'on descend de la montagne.

    La circulation est toujours infernale, il y a plus de feux rouges et même, quelle audace, des signaux lumineux pour les piétons mais traverser la rue Charles Malek à pied relève de l'aventure périlleuse, tant l'automobiliste libanais est impatient d'arriver, désireux de montrer qu'il va vite avec son 4x4. Et il faut aussi compter avec les scooters qui filent à toute allure dans tous les sens et les livreurs de pizzas payés à la course qui risquent leur vie à tout instant au point qu'on les appelle parfois les livreurs de greffons...

    Le soir, rien ne se calme, c'est le Mondial de foot-ball et donc, à chaque but, s'élèvent des clameurs, en fin de match, des feux d'artifice, quand ce ne sont pas dans certains quartiers des tirs de Kalachnikov en l'air. Heureusement les pays de la région ne sont pas de la partie.

    De ce point de vue l'équipe de France a jusqu'ici contribué au calme, qu'elle en soit remerciée!

  • Le festin de Babette

    babette.gifJ'avais trois raisons de lire ce livre, avoir vu le film à sa sortie en 1987, j'en garde le souvenir d'un repas fastueux et c'est à peu près tout,  achever les recommandations de lecture d'Un coeur intelligent d'Alain Finkelkraut et puis lire des nouvelles danoises de Karen Blixen l'auteur d'Une ferme en Afrique dont a été tiré le célèbre film Out of Africa, Karen Blixen, dont j'ai eu l'occasion de visiter la maison en Afrique près de Nairobi.

    I fallait lire ce livre ou plutôt cette courte nouvelle pour en saisir ex post le message on ne peut plus religieux. Babette, cuisinière au Café français, à Paris, fuit les massacres de la Commune de Paris et se réfugie gràce à un mécène parisien au fin fond du Danemark, sur la côte du Jutland, dans une petite communauté religieuse luthérienne un peu intégriste chez les deux filles d'un pasteur qui vient de disparaître. La communauté spirituelle qu'il a créée s'attache, non sans mal à pousuivre l'oeuvre entreprise et conserver son unité mais tout cela manque d'allègresse et tourne à la division.

    Deux vieillles filles qui ont sacrifié leur jeunesse, effrayées de tout changement possible, accueillent donc notre Babette, dont elle ne savent rien. Babette va tout donner. Son travail, dans l'humilité et la discrétion, puis son savoir et sa fortune. Babette qui était une grande cuisinière à Paris, une artiste, gagne un jour 10000 francs à la loterie, les deux soeurs sont persuadées qu'ellle va les quitter. Au lieu de cela, Babette va les convaincre d'offrir un repas français à leur communauté, un vrai repas, luxueux, qui va engloutir toute sa fortune, un repas qui va ressouder les liens de cette communauté, réunir ses membres de nouveau, les ouvrir les uns aux autres.

    Soupe de tortue, blinis, cailles, fromages, baba au rhum, Clos Vougeot 1845, beaucoup d'amour et de don de soi et vous obtenez un miracle mais c'est une parabole...

  • Rendez-vous

    Blois, Blois, deux minutes d'arrêt. On y est, dans quelques instants on va se retrouver. Depuis un an, on s'est donné rendez-vous Place du chateau pour, après une petite promenade en attelage, un déjeuner-buffet dans un cimetière, un cimetière renaissance, le cloître Saint Saturnin.

    TC Blois 002.jpg

    Il y a ceux que l'on reconnait et puis ceux que l'on ne reconnait pas, ceux dont on se souvient et ceux qui ne nous disent rien, ceux qui ont du ventre, ceux qui n'en ont pas, ceux qui sont à la retraite, ceux qui travaillent encore, ceux qui fument encore, ceux ont arrêté, ceux qui avaient la barbe et l'ont toujours, ceux qui ont maintenant la moustache, ceux qui sont venus avec leurs compagnes et ceux qui sont venus sans, ce n'est pas leur histoire, ceux qui ont des souvenirs précis et ceux qui comme moi en ont peu, ceux qui sont bavards et ceux qui le sont moins, les mêmes qu'autrefois en général.

    Bref, on se la joue à la Patrick Bruel : Rendez vous dans dix ans, mais nous c'est quarante! Je retrouve mes camarades de la section BTS technico-commerciale de l'industrie des métaux du Lycée Raspail à Paris, promotion 1970. Merci Bruno pour l'initiative.

    Et puis il y a ceux, les plus nombreux, qui ne sont pas là, ceux qui n'ont pas pu venir, ceux qui n'ont pas voulu venir, celui qui est décédé, ceux qu'on n'a pas réussi à localiser.

    En quelques heures, on voit défiler des souvenirs, ils reviennent d'ailleurs affleurer notre mémoire, et on voit défiler en accéléré des condensés de vies, de parcours, autant de voies qu'on aurait pu emprunter, affaire de circonstances, affaire de rencontres, affaire d'opportunités saisies ou écartées.

    Et on médite cette belle citation extraite de Train de nuit pour Lisbonne de Pascal Mercier : s'il est vrai que nous ne pouvons vivre qu'une partie de ce qui est en nous - qu'advient il du reste? 

  • La Boudeuse : triste fin annoncée

    Il y a un peu plus d'un an, j'avais eu l'occasion d'écrire une petite chronique cf : http://casadei.blogspirit.com/archive/2009/03/16/la-boudeuse.html sur "la Boudeuse", ce trois mâts, parti depuis ce séjour face à la Très Grande bibliothèque vers les Amériques mesurer les effets du changement climatique sur les peuples de l'eau. Le Monde nous a appris hier que cette mission Terre-Océan venait d'être brutalement interrompue, différents sponsors, au premier rang desquel notre ministre du développement durable,  n'ayant pas tenu leurs promesses de financement alors que ce même ministre aurait commandé la mission dans le cadre du Grenelle de la mer : cf également : http://www.la-boudeuse.org/ le mot de la fin du capitaine Franceschi.

    visuel_equipage_accueil.jpgOn sait bien que les finances publiques connaissent des jours difficiles. alors financer une opération qui allie développement des connaissances scientifiques, aventure, rencontres des cultures, un peu de rêve n'était évidemment pas prioritaire... Il y a d'autres urgences, le changement climatique peut attendre...

    D'ici là,  La Boudeuse risque d'être vendue pour éponger les dettes accumulées dans l'attente des financement promis. Il y a vraiment quelque chose qui va mal dans l'allocation des fonds publics. Sans l'audace de Christophe Collomb et un peu de financement public, la découverte de l'Amérique aurait tardé...

    visuel_grenelle_mer.jpg

  • Les dimanches de Jean Dézert

    jean-ville-mirmont-dimanches-jean-dezert-L-1.jpgLui aussi est mort à la guerre, la première, en novembre 1914, volontaire alors qu'il avait été réformé pour myopie : enterré vivant, "surpris dans l'attitude du combat, la tête levée, l'arme en avant, prêt à bondir... " comme l'écrit François Mauriac dans la belle préface de l"unique roman de Jean de la Ville de Mirmont, son condisciple et ami bordelais.

    Ce roman est très largement autobiographique, il est à la fois léger, tant Jean Dezert est ridicule, et tragique, tant il est, résigné : il considère la vie comme une salle d'attente pour voyageur de troisième classe, se sachant interchangeable dans la foule.

    Le dimanche, pour rompre l'ennui, il déambulerdans le Paris d'il y a 100 ans, boue, pavés de bois, rue du bac, rue Monge, Jardin des plantes, Montmartre, cinématographe et même une escapade vers Viroflay, tramway à vapeur. Et puis, contre toute attente, Jean Dézert rencontre Elvire, une enfant qui va "bouleverser ses notions"...

    Excellente découverte!

  • Mémoire des hommes

    JacquesSallerin-Tombe.jpg

    Mort au combat à La Bassée près de Lille le 25 mai 1940, il y a 70 ans aujourd'hui, il a été enterré rapidement sur place avec ses camarades. Il avait été mobilisé en septembre 1939 au sein d'une compagnie du génie au 43ème régiment d'infanterie de ligne avec lequel il s'est retrouvé en mai 1940 pris en tenaille par l'offensive allemande, soumis à d'importants bombardements. Il n'aura pas la chance de pouvoir être évacué de Dunkerque en Angleterre. On peut trouver sa notice sur : http://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/.

    JacquesSallerin-militaire.jpgIl était né le 1er septembre 1908 à Paris, avait donc 31 ans, était ingénieur agronome, rédacteur au ministère de l'agriculture. Célibataire, sans enfants, il n'y a sans doute plus grand monde pour se souvenir de lui en ce 70ème anniversaire. Alors je lui consacre cette petite chronique. Son nom est mentionné sur la plaque commémorative des deux guerres mondiales au ministère de l'agriculture. Il repose maintenant au Père La Chaise aux côtés de ses parents et de son frère. Mort pour la France. Je ne l'ai pas connu. C'était mon oncle. Merci Jacques Sallerin. Ta mémoire est bien vivante.

  • Survivre aux crises

    attali crise.jpg

    Il est de bon ton de critiquer Jacques Attali. Je ne lis pas ses chronques dans la presse magazine, il est bien sûr un peu agaçant dans les medias, mais, à l'épreuve, la lecture de ses ouvrages ou de ses rapports est toujours stimulante. C'est le cas pour Survivre aux crises ou sept leçons de vie paru en poche récemment.

    Six euros pour survivre aux crises, c'est donné!

    La première partie traite de la crise financière, économique, sociale, la crise de l'endettement, c'est un peu technique j'imagine pour les non spécialistes, mais tout de même assez clair. Disons que grâce aux marchés financiers, nous avons, nous les français, les européens, américains en général, vécu pendant des années au dessus de nos moyens grâce à l'endettement. C'était trop beau pour durer. L'ajustement est inéluctable et il manque cruellement une gouvernance mondiale pour les marchés financiers qui sont le marché le plus globalisé aujourd'hui.

    C'est la seconde partie la plus intéressante. Jacques Attali y décrit comment survivre concrètement aux crises, qu'il s'agisse des particuliers, des entreprises, des États, des nations ou de l'humanité. Ces sept principes sont l'estime de soi, se projeter dans l'avenir, l'empathie ou comprendre son environnement, la résilience ou se préparer à résister, transformer les menaces en opportunités par la créativité, développer son ubiquité, penser révolutionnaire ou opérer des ruptures...

    Où que vous soyez, quelle que soit votre activité, vous serez, après lecture, mieux équipé pour survivre aux crises.

  • Mémoire berlinoise

    Le 7 mai dernier a été inauguré à Berlin un nouveau lieu de mémoire intitulé Dokumentationzentrum Topographie des Terrors (centre de documentation sur la topograpie de la terreur) sur le lieu même où se situait le commandemant des SS du troisième Reich : http://www.topographie.de/topographie-des-terrors/nc/1/

    Il ne restait rien de Berlin ou presque après la guerre :

    baptiste 053.jpg

    berlin 087.jpgAujourd'hui, les lieux de mémoire du génocide contre les populations juives ne manquent pas, qu'il s'agisse du Mémorial aux victimes de la Shoah,  des synagogues, du musée du judaïsme... Mais il y a aussi des lieux de mémoire privés, discrets et non moins émouvants tel que celui-ci découvert scellé au sol, dans les rues de Berlin

    baptiste 065.jpg
    Ici habitait Leo Aronbash, né en 1872, déporté en 1943, assassiné à Auschwitz
    Ici habitait Flora Aronbash, née Flieg, en 1869, déportée en 1943, assassinée à Auschwitz
  • La plaisanterie de Kundera

    kundera.jpg
    Opiniâtrement, je continue, tel un métronome, à lire les livres commentés par Alain Finkelkraut dans Un coeur intelligent, livre que je lirai quand il sera paru en poche , ce qui me permettra de renouer avec distance avec les lectures qu'il aura provoquées.
    J'avais réservé Kundera pour la fin, ou presque,  ne sachant plus très bien si j'avais déjà lu ce roman. Je ne l'avais pas lu et j'avais eu tort au moment de sa sortie car c'est un roman formidable, à double lecture.
    On peut le lire comme un témoignage de la vie quotidienne en Tchécoslovaquie après la seconde guerre mondiale. L'émergence d'un homme nouveau pour les naïfs rapidement déçus, celle, plus durable, d'un appareil répressif qui traque tout un chacun jusque dans les replis les plus privés de la vie quotidienne, les mesures disciplinaires, la privation de liberté, l'interdiction de voyager. Tout cela, au fond, aujourd'ui est bien connu, bien documenté.
    Le seconde lecture est celle d'un monde dévasté, un monde où tous les personnages, Ludvik, Helena, Lucie, Pavel... sont désorientés, en situation d'échec, sans estime de soi, sans horizon, où toute entreeprise est vouée à l'échec, professionnelle, familiale, amours, amitiés, où la perte de sens est générale, un monde sans Dieu, sans projets, sans valeurs.
    Ce monde là n'a pas disparu avec le communisme, il nous guette, ce qui rend le roman de Milan Kundera universel.