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Livre - Page 39

  • L'Antigone d'Henry Bauchau

    antigone_bauchau.jpgJ'avais bien quelques souvenirs de l'Antigone d'Anouilh étudié en classe, je ne me souviens pas avoir étudié la pièce de Sophocle, avoir entendu Georges Steiner parler des Antigones...

    La lecture du roman d'Henry Bauchau tout simplement intitulé Antigone a été un réel emerveillement par la beauté de l'écriture, l'universalité des thèmes traités, le côté épique du récit. Au contraire de la pièce d'Anouilh qui débute peu avant la mort d'Antigone, Henry Bauchau remonte le temps, celui où Antigone revient à Thèbes après la mort de son père Oedipe. Elle va tenter avec l'appui de sa soeur Ismène de jouer les médiatrices pour éviter la guerre que se mènent ses deux frères, les jumeaux rivaux Etéocle, qui est roi de Thèbes, et Polynice, qui veut prendre la place. Vaines tentatives, on voit se dérouler les prémices de la bataille, les complots, l'épidémie, l'assaut, la mort tragique des deux frères, Créon au fait de sa puissance...

    Au contraire de l'image de fragilité que j'avais en mémoire, Antigone se révèle très forte, à cheval avec Jour et Nuit, au tir à l'arc, elle est sculptrice, elle mendie pour trouver les ressources pour soigner les pauvres lors de l'épidémie, poussant un cri improbable quii fait s'ouvrir les bourses, elle fait plier Polynice, elle est tendre, comple avec Ismène que l'on découvre totalement ici, amoureuse d'Hémon, le fils de Créon,  Créon, son oncle, qui va la condamner à moins qu'elle ne se condamne elle-même en allant, on le sait, recouvrir de terre le corps de Polynice que le nouveau roi de Thèbes a voué aux vautours.

    Un très beau roman qui donne envie d'aller découvrir un autre ouvrage de Bauchau : Oedipe sur la route.

  • De la lutte des classes à la lutte des places

    C'est le livre d'un géographe, un peu savant, qui s'essaie à decrypter la société contemporaine à partir de la notion d'espace, de distance, de franchissement..places.gif

    Comme toutes les analyses univoques, elle est criticable mais elle nous offre un éclairage original, un regard spécifique qui nous permet après lecture de voir autrement notre époque. La thèse soutenue par Michel Lussault est illustrée de nombreux exemples. Il nous emmène dans un hall d'immeuble près du Havre, sur la plage au sud est de l'Inde face au temple de Mahabalipuram, au sein du collège de Jena en Louisiane à l'ombre d'un vieil arbre...

    A chaque fois, on découvre combien les individus existent par l'importance de l'espace qu'ils occupent, de celui qu'ils conquierent, de celui qu'ils perdent, de la nécessité pour eux de réglementer l'accès à leurs espaces, de créer des bulles homogènes (résidences privées, clubs fermés), d'en réserver le franchissement à certains individus (cartes d'accès, digicodes, portiques) de l'importance de connecter tous ces espaces entre eux et de savoir à tout instant qui se trouve où (t'es où?) et de conserver trace des passages des uns et des autres (passe navigo, caméras de surveillance...)

    La lutte pour les places est un combat permanent. Deux exemples à La Chaise-Dieu où je me trouve ces jours-ci:

    1/ les conflits quotidiens relatifs au stationnement, tel ou tel café préfererait ne pas avoir de camionnette garée devant sa terrasse afin d'en dégager la vue alors que le commerçant d'à côté reste vigilant pour que le stationnement de ses clients soit le plus facile possible.

    2/ Il y avait autrefois de belles expositions de peinture dans la salle Picasso et le scriptorium de l'abbaye mais depuis que les moines sont  revenus à La Chaise-Dieu, ces salles ont été réallouées à l'exposition du trésor de l'Abbatiale, trésor autrefois visible dans la sacristie à la tour Clémentine. Il était sans doute important pour les moines de marquer leur territoire et d'affecter les espaces abbatiaux à l'exposition d'oeuvres non profanes. Du coup La Chaise-Dieu manque d'espaces publics pour des expositions temporaires qui permettraient de diversifier son offre culturelle.

    ...exemples à compléter là où vous vous trouvez!

  • Dans les pas d'Hélène Berr

    C'est là au 5 avenue Elisée Reclus, entre le Champ de Mars et l'avenue de la Bourdonnais qu'habitait Hélène Berr et sa famille.

    Paris 001.jpgSon journal commence comme une bluette, étudiante brillante en anglais, elle rencontre un grand jeune homme au yeux gris, Jean,  qui l'invite à écouter des disques, elle rend visite à bonne maman, participe à des goûters, recoit des cartes par le courrier de cinq heures, des pneumatiques, va à ses cours de violon, la vie insouciante d'une jeune femme dont l'avenir est plein de promesses. Famille bourgeoise, le père polytechnicien, école des mines, dirige les usines Kuhlmann, dans la chimie, c'est à dire l'armement.Paris 002.jpg

    On parcourt avec Hélène, le quartier latin, les Champs élysées, on va à la campagne, à Aubergenville, ramasser les fruits de l'été... et puis c'est la première rupture, il faut porter l'étoile jaune, obligatoire, premier dilemne, la porter, par solidarité avec ceux qui le font ou résister? Pas de bonne solution, il y a les premières rafles, les premières rumeurs sur Drancy, sur ces transports vers l'Est en wagon et puis l'arrestation de son père, deuxième rupture, le départ de Jean en zone libre, le courrier...

    L'interrogation permanente, pourquoi tout cela, faut il partir, se cacher, rompre la solidarité familiale, abandonner ses proches, comment feront-ils? les vieux, les malades? Attendre l'inexorable, s'y préparer. Pendant ce temps là, Claude Lanzmann, au même age ou presque, fait le coup de feu contre les allemands en Auvergne, comment comprendre?

    HB.jpgUn jour le journal s'arrête, il y a une dernière lettre, et puis, soixante ans après,  la publication de ce journal, poignant,  par sa nièce, une lettre de Jean très digne.

    Le journal d'Hélène Berr, celui d'une vie fauchée, une oeuvre littéraire à mettre dans toutes les mains.

  • Vivre

    Entendu sur France-Culture dans "les matins" perec2.gif  : «  Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner  ».

    Georges Perec - Avant propos "Espèces d'espaces" - 1974.

    Cette citation va faire fureur cet été! A raison. Elle s'applique très bien à propos de beaucoup de situations, les cages d'escalier des cités, le Proche-orient, les quartiers de Paris, la vie de bureau, celle de village...

    Michel Lussault, géographe, vient de remettre cette citation dans l'actualité avec la parution de son ouvrage "De la lutte des classes à la lutte des places". Ce doit être passionnant! Je me précipite à la Librairie!

  • Le théorème du Perroquet

    Denis_Guedj.jpgDenis Guedj n'est à proprement parler un mathématicien, il est professeur d'histoire des sciences et d'épistémologie à Paris VIII, mais il est célèbre pour ses livres sur les mathématiques, et plus récemment pour son soutien à la "ronde des obstinés" contre la loi LRU sur les universités. Le théorème du Perroquet, paru en 1998, est sans doute le plus fameux de ces ouvrages.

    Cet ouvrage de tout de même 650 pages au format de poche a pour ambition de faireperroquet.jpg découvrir de façon ludique et chronologique l'histoire des mathématiques. Pour que ce soit ludique, le roman met en scène des personnages qui se veulent truculents, Pierre Ruche, 84 ans, libraire à Montmartre, près de la rue Lepic, philosophe de formation, Elgar Grosrouvre, mathématicien de la même génération, retiré dans la forêt amazonienne,  qui passe sa vie à tenter de démontrer les conjectures célèbres de Fermat et de Goldbach, No Futur, un perroquet récupéré aux puces par Max, un des enfants, sourd, avec Lea et Jonathan de Perette Liard qu tient au quotidien la librairie de Pierre Ruche. L'intrigue policière consiste à trouver ce qui va in fine relier tous ces personnages.

    C'est la résolution de cette énigme qui nous fait découvrir l'histoire des mathématiques. On y redécouvre, l'histoire du théorème de Thales, l'invention du nombre un, puis celle du zéro, l'étymologie d'isocèle : du grec iso= même et skelos = jambe, d'où l'appellation de scalene des triangles inégaux puisque scalene signifie boiteux...l ou d'algèbre, de l'arabe al jabr, le rebouteux, l'algèbre étant une discipline dans laquelle on fait passer des termes de droite à gauche et inversement,  le calcul du nombre pi, celui de e, les nombres rationnels, irrationnels, imaginaires et enfin la résolution de la conjecture de Fermat qui dit qu'il n'existe pas d'entiers non nuls x, y et z, tels que x à la puissance n plus y à la puissance n égale z à la puissance n dès que n est supérieur à 2.

    Ce n'est pas de la grande littérature mais c'est agréable à lire, on se laisse prendre, on révise les notions de sinus, cosinus, tangente, cotangeante que l'on avait oubliées, on découvre une foule d'anecdotes sur Pythagore, Euclide, Al Kwarizmi, Tartaglia, Ferrari, Abel, Galois, Euler, Gauss... que l'on aurait bien aimé découvrir au lycée.

    Ce livre est-il efficace pour donner le goût des mathématiques à nos petits têtes blondes ou brunes? Aux jeunes générations et à leur professeurs de mathématiques de nous le dire. 

  • Feu Brentano's

    Plus on vieillit, plus on va aux enterrements et à chaque fois c'est un peu de notre mémoire qui disparait et que l'on accompagne. Malheureusement, il n'y a pas de cérémonie pour l'enterrement des librairies.

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    Brentano's, librairie française et américaine fondée en 1895 par Arthur Brentano, a été mise en liquidation judiciaire le 12 juin dernier. Sise avenue de l'Opéra, elle était la plus ancienne librairie anglophone de Paris.

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    Les expatriés mais aussi les adeptes des publications de langue anglaise en étaient des habitués. C'est donc un peu de nous même, un lieu de mémoire,  qui disparait.

    Il nous reste W. H. Smith et Galignani, rue de Rivoli , Shakespeare & Co dans le Quartier latin...

    D'après Mediapart, Brentano's n'a pas été en mesure de payer le loyer, passé de 7000 € à 20000 € mensuel, exigé par son propriétaire. Le propriétaire s'appelle BNP Paribas.

  • Portraits de femmes

    sabour.jpgSyngue sabour, c'est le prix Goncourt 2008. Atiq Rahimi, écrivain d'origine afghane a écrit ce livre directement en français. C'est le portrait d'une femme afhane, une femme mariée par ses parents à un combattant afghan, qui veille quelques années plus tard le corps de son mari blessé, inconscient et qui pour le faire vivre, le réveiller, lui livre ses secrets, ses secrets de petite fille, de femme, de mère... C'est terrifiant, sur la condition des hommes, des femmes, des parents, des enfants, la religion, toutes les religions. Un conte à portée universelle à lire de toute urgence.

    Les braises est moins connu. Ce roman est écrit par Sandor Maraï, écrivain hongrois né avec le XX siècle et mort l'année les braises.jpgde le chute du rideau de fer. On retrouve le plaisir maintes fois éprouvé à lire Stefan Zweig, l'Europe centrale, la grande plaine et les forêts de Hongrie. Livre sur l'amitié entre deux hommes, l'amitié impossible en fait entre un militaire issu de la noblesse et un artiste d'extraction plus modeste égaré dans l'armée. En creux, c'est aussi le portrait de Christine, femme du premier et maitresse du second dont on décrouvrira le destin au terme d'un roman construit comme un roman policier. Un huit clos qu'on verrait bien adapté au théâtre.

    Le destin de Christine est il plus enviable que celui de l'héroïne de Syngue Sabour? Et les hommes civilisés de l'empire austro-hongrois plus délicats que les mercenaires afghans?

  • les 100 mots de l'énergie

    9782130565956.gif"L'histoire de l'énergie au XXI° siècle sera violente car exacerbée par des contradictions nouvelles et brutales. D'une part une population croissante qui va passer de 6,5 à 9 milliards d'habitants en 2050, avide de développement économique et de standing, d'autre part, une raréfaction des ressources (énergie, eau) et une aggravation des effets du changement climatique. Une puissante dialectique est en marche, qui pourrait être génératrice d'inégalités explosives."

    Ce diagnostic vient clore l'excellent "Que sais-je" de Jean-Marie Chevalier intitulé "les 100 mots de l'énergie". Une excellente mise en point sur les besoins, les ressources, les échanges, les marchés et les prix, les acteurs et les enjeux. Le principal enjeu étant de maintenir notre planète dans un état acceptable pour les générations futures tout en assurant le développement économique des plus pauvres.

     

  • Le lièvre de Patagonie est aussi de Brioude

    Lièvre.jpgLe livre de mémoires de Claude Lanzmann, Le lièvre de Patagonie, est formidable. Je ne l'ai pas encore terminé mais d'ores et déjà je peux en recommander la lecture à tout un chacun. C'est le livre d'un homme qui aime passionnément la vie, un journaliste, un portraitiste remarquable, un écrivain, un cinéaste. Toute sa vie il a livré des combats justes, dans la résistance, pour l'indépendance de l'Algérie, pour Israël, et il est bien sûr l'auteur de l'indispensable Shoah... Directeur de la revue "Les temps modernes", il a aussi beaucoup écrit sous des pseudonymes dans Elle, France Observateur...

    Claude Lanzmann a aussi beaucoup aimé les femmes, beaucoup de femmes, Simone de Beauvoir, dans un curieux ménage à trois avec Sartre, Judith Magre, une infirmière nord coréenne, Angelika... Mais ce n'est pas l'essentiel. Toute sa vie, il a fait preuve d'une grande vitalité et d'un courage, intellectuel et physique, exceptionnel.

    Le livre s'ouvre par un magnifique chapitre, très bien écrit, sur la peine de mort, qui laisse sans voix et qui, il faut l'espèrer, parviendra à convaincre quelques partisans de la peine de capitale de changer d'avis. Ce seul chapitre justifie la lecture du livre.lanzmann.jpg

    Suivent des pages passionnantes sur sa résistance en Auvergne. les transports d'armes du Lycée Blaise-Pascal, où il est étudiant en khagne, à la gare de Clermont-Ferrand, les embuscades contre les allemands à Saint Jacques des Plats et les courses poursuites avec l'occupant dans les rues de Brioude. Lanzmann cite aussi un groupe de résistants d'un certain Commandant Raffy à La Chaise-Dieu dont on comprend qu'il a bien fait pour sa vie de ne pas le rejoindre.

    A dévorer sans plus tarder, chaque page est un enchantement, et pour compléter, regarder, à partir du site de France 5, l'épisode de la série Empreintes qui lui a été consacré.

  • Guns, germs and steel - the fates of human societies

    guns.jpgAvec cet essai paru en 1996, Jared Diamond répond à la question suivante : pourquoi les européens ont ils conquis le monde? Un observateur il y a 70000 ans aurait sans doute conclu que l'homme africain, celui qui selon NS n'est pas entré dans l'histoire, avait toutes les chances de conquérir la planète. Il l'a fait puisqu'il est à l'origine de l'humanité mais s'est fait ensuite dépasser non pour des raisons biologiques mais en raison de son environnement.

    L'Eurasia avait en effet les bonnes dotations initiales en plantes et en animaux à domestiquer pour faire émerger l'agriculture et supplanter  le chasseur cueilleur. Plus facile de domestiquer un cheval qu'un zèbre, d'utiliser une vache comme force de traction qu'un hippopotame. Et puis l'orientation est ouest de l'Eurasia facilite le transfert des technologies agricoles d'un espace à l'autre au contraire d'un axe nord sud comme en Afrique ou en Amérique qui vous fait passer d'un climat à un autre.

    Une belle histoire de l'humanité avec en conclusion les raisons pour lesquelles l'Europe a jusqu'ici devancé la Chine et bien d'autres considérations, un grand plaisir de lecture d'un auteur iconoclaste puisque tout successivement physiologue, biologiste, spécialiste des oiseaux de Nouvelle Guinée et historien de l'environnement.

    L'ouvrage a été traduit en français sous le titre De l'inégalité parmi les sociétés - Essai sur l'homme et l'environnement dans l'histoire