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Livre - Page 36

  • Les dimanches de Jean Dézert

    jean-ville-mirmont-dimanches-jean-dezert-L-1.jpgLui aussi est mort à la guerre, la première, en novembre 1914, volontaire alors qu'il avait été réformé pour myopie : enterré vivant, "surpris dans l'attitude du combat, la tête levée, l'arme en avant, prêt à bondir... " comme l'écrit François Mauriac dans la belle préface de l"unique roman de Jean de la Ville de Mirmont, son condisciple et ami bordelais.

    Ce roman est très largement autobiographique, il est à la fois léger, tant Jean Dezert est ridicule, et tragique, tant il est, résigné : il considère la vie comme une salle d'attente pour voyageur de troisième classe, se sachant interchangeable dans la foule.

    Le dimanche, pour rompre l'ennui, il déambulerdans le Paris d'il y a 100 ans, boue, pavés de bois, rue du bac, rue Monge, Jardin des plantes, Montmartre, cinématographe et même une escapade vers Viroflay, tramway à vapeur. Et puis, contre toute attente, Jean Dézert rencontre Elvire, une enfant qui va "bouleverser ses notions"...

    Excellente découverte!

  • Survivre aux crises

    attali crise.jpg

    Il est de bon ton de critiquer Jacques Attali. Je ne lis pas ses chronques dans la presse magazine, il est bien sûr un peu agaçant dans les medias, mais, à l'épreuve, la lecture de ses ouvrages ou de ses rapports est toujours stimulante. C'est le cas pour Survivre aux crises ou sept leçons de vie paru en poche récemment.

    Six euros pour survivre aux crises, c'est donné!

    La première partie traite de la crise financière, économique, sociale, la crise de l'endettement, c'est un peu technique j'imagine pour les non spécialistes, mais tout de même assez clair. Disons que grâce aux marchés financiers, nous avons, nous les français, les européens, américains en général, vécu pendant des années au dessus de nos moyens grâce à l'endettement. C'était trop beau pour durer. L'ajustement est inéluctable et il manque cruellement une gouvernance mondiale pour les marchés financiers qui sont le marché le plus globalisé aujourd'hui.

    C'est la seconde partie la plus intéressante. Jacques Attali y décrit comment survivre concrètement aux crises, qu'il s'agisse des particuliers, des entreprises, des États, des nations ou de l'humanité. Ces sept principes sont l'estime de soi, se projeter dans l'avenir, l'empathie ou comprendre son environnement, la résilience ou se préparer à résister, transformer les menaces en opportunités par la créativité, développer son ubiquité, penser révolutionnaire ou opérer des ruptures...

    Où que vous soyez, quelle que soit votre activité, vous serez, après lecture, mieux équipé pour survivre aux crises.

  • La plaisanterie de Kundera

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    Opiniâtrement, je continue, tel un métronome, à lire les livres commentés par Alain Finkelkraut dans Un coeur intelligent, livre que je lirai quand il sera paru en poche , ce qui me permettra de renouer avec distance avec les lectures qu'il aura provoquées.
    J'avais réservé Kundera pour la fin, ou presque,  ne sachant plus très bien si j'avais déjà lu ce roman. Je ne l'avais pas lu et j'avais eu tort au moment de sa sortie car c'est un roman formidable, à double lecture.
    On peut le lire comme un témoignage de la vie quotidienne en Tchécoslovaquie après la seconde guerre mondiale. L'émergence d'un homme nouveau pour les naïfs rapidement déçus, celle, plus durable, d'un appareil répressif qui traque tout un chacun jusque dans les replis les plus privés de la vie quotidienne, les mesures disciplinaires, la privation de liberté, l'interdiction de voyager. Tout cela, au fond, aujourd'ui est bien connu, bien documenté.
    Le seconde lecture est celle d'un monde dévasté, un monde où tous les personnages, Ludvik, Helena, Lucie, Pavel... sont désorientés, en situation d'échec, sans estime de soi, sans horizon, où toute entreeprise est vouée à l'échec, professionnelle, familiale, amours, amitiés, où la perte de sens est générale, un monde sans Dieu, sans projets, sans valeurs.
    Ce monde là n'a pas disparu avec le communisme, il nous guette, ce qui rend le roman de Milan Kundera universel.

  • Le premier homme

    belcourt.jpgC'est l'histoire d'un gamin élevé par sa mère et surtout sa grand mère, toutes deux illettrées, pauvres mais fières, une éducation à la dure, le nerf de boeuf jamais loin.

    C'est le récit dune réussite scolaire dans notre bonne vieille école républicaine avec ses maitres admirables.

    C'est la recherche d'un père trop tôt arraché à l'affection des siens au front pendant la grande guerre.

    C'est un portrait d'Alger, le quartier de Belcourt, où les petits français jouaient encore en toute innocence avec les petits arabes.

    Ce devait être un roman, c'est simplement l'autobiographe d'Albert Camus, manuscrit inachevé retrouvé le 4 janvier 1960 dans sa sacoche à la suite de l'accident qui lui coûta la vie aux côtés de son ami Michel Gallimard au retour de Lourmarin..

    C'est l"histoire des gens qu'il aimait, c'est aussi notre histoire.

  • Pour des agricultures écologiquement intensives

    griffon.jpgCe  n'est pas le premier livre que je chronique sur les questions agricoles. Sans doute que comme beaucoup de Français, j'ai une certaine nostalgie pour la chose rurale, j'aime par exemple aller au Salon de l'agriculture, je me rappelle lorsque tout gosse, j'allais quotidiennement acheter le lait frais chez le laitier à la ville, à la ferme des Baille en vacances à La Chaise-Dieu, j'ai beaucoup apprécié La vie moderne de Raymond Depardon... Mais, tout cela est terminé, l'agriculture est devenue une activité économique presque comme les autres qui fait l'objet de négociations commerciales internationales. Presque comme les autres, mais pas tout à fait.

    La question agricole, même si cette activité contribue peu au PIB de notre pays et emploie peu d'actifs, reste cruciale puisqu'il faudra bien nourrir une planète de neuf milliards d'habitants en 2050. Dans son ouvrage, Michel Griffon, qui est tout à la fois ingénieur du génie rural et économiste, montre bien les défis qui s'annoncent et il trace des pistes pour les affronter.

    Peu de pays demain seront en mesure d'assurer leur autosuffisance en matière agricole. Il faudra bien continuer de commercer. L'Asie en particulier ne sera pas autosuffisante. A l'inverse des territoires actuellement sous productifs comme l'Amérique latine, l'Ukraine, les plaines de Russie, sans parler de l'Afrique, offrent des potentialités importantes au regard de leurs populations. Et le changement climatique risque de changer la donne et la distribution géographique des avantages et des handicaps.

    Parallèlement, les contraintes environnementales sont de nature à freiner l'émergence d'une nouvelle révolution verte et risquent de limiter les rendements actuels si l'on veut limiter les gaz à effets de serre, réduire l'emploi des pesticides, préserver la ressource en eau, la biodiversité... Pour autant la généralisation de l'agriculture biologique ne permettrait pas de nourrir la planète et se traduirait pas des hausses de prix insupportables pour de très nombreuses populations. Il faut donc trouver des solutions intermdiaires, en particulier du côté de l'agriculture "raisonnée".

    Michel Griffon esquisse des pistes pour les pays en développement qui sont assez convaincantes, l'importance du retard à combler met ces solutions à portée de main pour peu que la gouvernace agricole se mette en place. Pour la réforme de l'agriculture européenne, la PAC, il est un peu moins convaincant, il y a en effet tout à inventer pour construire ou reconstruire une agriculture qui soit à la fois efficace, respectueuse de l'envionnement et rémunératrice pour les producteurs.

    Quoi qu'il en soit un ouvrage stimulant.

    PS : Francis Marmande a signé un excelllent article dans le Monde d'hier sur Charlie Haden, nous voilà rassuré (cf. chronique précédente "Marmandises")

  • L'âge de la peur

    peur.jpgCe petit livre de 150 pages rassemble des chroniques publiées par le Philosophe Dominique Lecourt dans le journal La Croix depuis 2003 sur le thème général de l'éthique, de la science et de la société. Chaque chronique compte moins de 4000 signes ce qui oblige l'auteur à aller à l'essentiel sans encombrer le lecteur de disgressions inutiles et fastidieuses. On ne s'ennuie pas le moins du monde avec cet ouvrage très abordable.

    Publié par La Croix, ce n'est pas pour autant de la philosophie chrétienne, Dominique Lecourt le précise dans sa préface, s'il a bien  cru dans son jeune âge scolaire être croyant, il ne croit plus l'être et il se réclame d'un rationalisme ferme et ouvert.

    Avec Dominique Lecourt, on revient ainsi sur les thèmes qui font l'actualité de ces dernières années : OGM, nanotechnologies, réchauffement climatique, trous noirs, robotique, greffes de visage, créationnisme, clonage...

    Le constat général c'est la montée en puissance du principe de précaution, la décadence de l'idée de progrès : la science est désormais percue comme une source de danger, la peur devient un sentiment dominant et nous nous voyons condamnés à devenir des spectateurs de l'inévitable.

    La lecture de ces chroniques nous invite à nous ressaisir, à maîtriser nos peurs afin de conjurer le pire pour faire advenir le meilleur.

    L'auteur ne le précise pas mais ce nous me semble concerner avant tout les européens. Les chinois, les indiens, les brésiliens ont foi en l'avenir alors que nous, européens, nous déchirons sur l'accessoire,  et abordons l'avenir sans envie, à reculons.

  • La Vie obstinée de Wallace Stegner

    9782859408183.jpgCe roman est paru en 1967 sous le titre All the little live things. Il est paru en version française trente années plus tard, en 1999, aux éditions Phébus sur la recommandation de Michel Le Bris.

    Wallace Stegner (1909 - 1993) était écrivain, historien, écologiste, il est souvent présenté comme le père de la nouvelle littérature de l'Ouest dont le représentant le plus connu aujourd'hui est Jim Harrison.

    Dans ce roman, le narrateur, Joe Allston, agent littéraire en retraite, raconte les six derniers mois qu'il vient de passer avec sa femme Ruth dans son "île de Prospero" pas loin de San Francisco. L'endroit idéal pour deux jeunes retraités plein de tendresse l'un pour l'autre, qui aspirent à se retirer du monde et à s'adonner aux plaisirs simples de la vie : promenades, jardinage, bricolage, petits plats, lecture, aimables conversations de voisinage...

    Deux années se sont écoulées depuis leur installation et tout va pour le mieux. Et puis la vie s'insinue et va emporter ce paradis. Il y a l'arrivée sur un bout de terrain de Joe de Jim Peck, sorte de beatnick ahuri qui aspire à expérimeter toutes les libertés, drogue, sexualité, orientalisme... qui va faire école et qui rappelle trop à Joe son fils Curtis disparu prématurément. Les voisins, Les Weld qui transforment la colline en lotissement et les LoPresti, monomaniaques, qui s'adonnent, lucio, à la construction en adobe, Fran, à la sculpture de bois flotté et Julie, leur fille, à l'équitation.

    Et puis arrive un jour Marian, son mari John et sa petite fille Debby. Au début du roman, Joe et Ruth reviennent de l'enterrement de Marian, on sait dès le début de l'ouvrage quel est son destin. Joe se sait comme un sachet de thé oublié au fond de la tasse : le produit de ma macération ne cesse de devenir plus opaque et plus amer. Il fait preuve de clairvoyance désanchantée. Marian, enceinte, se sait condamnée par la récidive d'un cancer qui l'a déjà mutilée. Mais elle adore la vie, la dévore à pleine dents, et se conduit en accord permanent avec ses principes, la nature est bonne, il faut la respecter, pas la domestiquer et donc, par exemple, renoncer au jardinage...

    D'où un dialogue philosophique empreint de mélancolie et de lucidité entre Joe, toujours partisan de la raison, souvent un peu aigri, et Marian, enjouée, tolérante, sauf avec elle-même, bien décidée à conduire sa grossesse à terme malgré la maladie.

    Un très beau livre, où la nature occupe une place importante, un vocabulaire d'une richesse incroyable. J'ai découvert les adobes, les thomomys, le chat haret, le verdier, le pycaranthe et le photinia...

  • Les pierres qui montent

    Il s'agit d'un journalDes_pierres_qui_montent.jpg, écrit en 2008, mais pas au sujet de 2008, on n'y trouvera pas de point de vue sur ce qui fait l'actualité, rien sur la crise dinancière par exemple, seulement, mais c'est bien plus intéressant, une suite de réflexions sur la littérature, le cinéma, des admirations, des coups de gueule, des croquis de la vie quotidienne, des exercices de lecture et d'écriture, une leçon de style. Un régal pour ceux qui aiment lire et écrire.

    Exemple - 30 juillet 2008: "De loin, le remorqueur a sifflé ; son appel a passé le pont, encore une arche, une autre, l'écluse, un autre pont, loin, plus loin... Il appelait vers lui toutes les péniches du fleuve, toutes, et la ville entière, et le ciel et la campagne et nous, tout qu'il emmenait, la Seine aussi, tout qu'on n'en parle plus. "

    C'est la dernière phrase du Voyage au bout de la nuit de Céline. Commentaire de Kaddour : L'appel, le tut, tut du remorqueur, et le texte qui fait "toutes... toutes... tout... tout..." Et face à ce "tout", le souvenir du "rien" de la première page du roman : "Moi, j'avais jamais rien dit. Rien." Tout un roman pour passer d'un indéfini à l'autre.

    Formidable lecteur, formidable écrivain.

    Autre exemple - 27 juin 2008 : "les phrases ne sont pas un simple médium. Elles doivent faire comme les héros du récit, s'aventurer. Cf. Flaubert : " Les phrases sont des aventures"...ou Claudel qui note que la réussite d'un tableau c'est quand on se dit devant lui : il va se passer quelque chose".

    Kaddour donne des cours dans un atelier de journalisme et relève les clichés dans la titraille de faits divers : Une voiture plonge dans un canal, un tracteur mord le bas-côté, un train happe un voyageur...Et que peut faire une moto à un piéton? Elle l'écharpe.

    Et aussi - 28 novembre 2008... Pierre Bergougnoux qui raccompagne à son appartement un ami qui habite entre Saint-Denis et Bonne Nouvelle, note : "Dans l'escalier, des seringues, des gens viennent se piquer à l'abri des regards. Quel monde habitons-nous?" ...Ernst Junger ou Jules Renard auraient coupé après seringues.

    Voilà, une grande découverte, faite aux matins de France Culture, il y a quelques semaines. L'homme a ses certitudes, ses détestations, il prend parti, je vais sans doute essayer Waltenberg (2005), prix du premier roman ou savoir-vivre, sorti parallèlement aux Pierres qui montent.

  • Vainqueurs et vaincus

    heisbourg.jpgDans ce petit livre visiblement rapidement écrit et même relu, François Heisbourg dresse le bilan de ce que Paul Krugman, économiste et éditorialiste au New-York Times a  appelé la grande récession. Il y a des vainqueurs et des vaincus. Chacun le pressent. C'est clairement exposé.

    Chine, Inde, Indonésie et Brésil représentent désormais 40 % du Pib mondial. ce sont des grands. Adieu le G7!

    Les grans pays, développés ou émergents ont mieux résisté à la crise que les petits. il vaut mieux avoir une base économique diversifiée : Dubaï, Islande, Irlande, Baltes...

    Les pays faibles peu développés ont bien traversé la crise, la téléphonie mobile et Internet ont continué d'y progresser et sont des facteurs de croissance

    Pétrole et dépendance aux matières premières sont des malédictions : Russie...

    Le Japon et demain l'Europe sont en péril : moins d'emplois, moins de revenus, menace de déclassement sont le fruit d'une démographie ralentie, du poids de l'endettement public et privé, de l'absence de stratégie de sortie de crise et de notre incapcité à nous redéployer.

    Il y a urgence à consentir d'énormes efforts de recherche et de développement pour relever les défis planétaires de demain, énergies renouvelables, capture et stockage du CO2...

    Un beau programme pour la France qui a plus que jamais besoin d'Europe.

  • L'Aiguille d'Arrigo Lessana

    aiguille.jpgPoint de bâti ou faufilage, surjet, surpiquage, point devant, arrière, de piqûre, de chausson, de côté ou point caché, de croix, de feston, de chaiînette, en nid d'abeille, de Venise...

    La chirurgie cardiovasculaire, c'est d'abord de la couture pour les sutures. Arrigo Lessana nous raconte dans ce court récit intitulé l'Aiguille que les chirurgiens ont perfectionné leur art en allant observer les couturières, ety les dentellières, notamment celles du Puy en Velay.

    Arrigo Lessana nous raconte aussi que c'est après avoir lu Claude Levi-Strauss qu'il a compris que pour étudier une situation complexe, il fallait d'abord la décomposer en éléments simples puis privilégier l'étude du rapport de ces éléments entre eux plutôt que celle des éléments eux-mêmes.

    Arrigo Lessana nous explique que son souci a toujours été d'apporter des solutions simples à des problèmes compliqués, des solutions élégantes, les solutions compliquées sont pleines de risques: plus on complique moins on maitrise.

    Parfois, il suffit de se souvenir de son cours de physique de seconde, un algorythme de Lavoisier, pour définir avec précision le débit du potassium et du magnesium à injecter dans le sang oxygéné qui irrigue le coeur pour le faire repartir après une opération à coeur ouvert. Un progrès considérable, qui permet de maintenir le coeur à tempéraure d'ambiance, sans refroidir ses cellules et les mettre en risque, le fruit d'un travail d'artisan.

    En dehors du bloc opératoire, Arrigo Lessana, chirurgien à Aubervilliers, petit fils d'un grand couturier d'origine hongroise immigré en Italie, est aussi un alpiniste aguerri.