Ce roman est paru en 1967 sous le titre All the little live things. Il est paru en version française trente années plus tard, en 1999, aux éditions Phébus sur la recommandation de Michel Le Bris.
Wallace Stegner (1909 - 1993) était écrivain, historien, écologiste, il est souvent présenté comme le père de la nouvelle littérature de l'Ouest dont le représentant le plus connu aujourd'hui est Jim Harrison.
Dans ce roman, le narrateur, Joe Allston, agent littéraire en retraite, raconte les six derniers mois qu'il vient de passer avec sa femme Ruth dans son "île de Prospero" pas loin de San Francisco. L'endroit idéal pour deux jeunes retraités plein de tendresse l'un pour l'autre, qui aspirent à se retirer du monde et à s'adonner aux plaisirs simples de la vie : promenades, jardinage, bricolage, petits plats, lecture, aimables conversations de voisinage...
Deux années se sont écoulées depuis leur installation et tout va pour le mieux. Et puis la vie s'insinue et va emporter ce paradis. Il y a l'arrivée sur un bout de terrain de Joe de Jim Peck, sorte de beatnick ahuri qui aspire à expérimeter toutes les libertés, drogue, sexualité, orientalisme... qui va faire école et qui rappelle trop à Joe son fils Curtis disparu prématurément. Les voisins, Les Weld qui transforment la colline en lotissement et les LoPresti, monomaniaques, qui s'adonnent, lucio, à la construction en adobe, Fran, à la sculpture de bois flotté et Julie, leur fille, à l'équitation.
Et puis arrive un jour Marian, son mari John et sa petite fille Debby. Au début du roman, Joe et Ruth reviennent de l'enterrement de Marian, on sait dès le début de l'ouvrage quel est son destin. Joe se sait comme un sachet de thé oublié au fond de la tasse : le produit de ma macération ne cesse de devenir plus opaque et plus amer. Il fait preuve de clairvoyance désanchantée. Marian, enceinte, se sait condamnée par la récidive d'un cancer qui l'a déjà mutilée. Mais elle adore la vie, la dévore à pleine dents, et se conduit en accord permanent avec ses principes, la nature est bonne, il faut la respecter, pas la domestiquer et donc, par exemple, renoncer au jardinage...
D'où un dialogue philosophique empreint de mélancolie et de lucidité entre Joe, toujours partisan de la raison, souvent un peu aigri, et Marian, enjouée, tolérante, sauf avec elle-même, bien décidée à conduire sa grossesse à terme malgré la maladie.
Un très beau livre, où la nature occupe une place importante, un vocabulaire d'une richesse incroyable. J'ai découvert les adobes, les thomomys, le chat haret, le verdier, le pycaranthe et le photinia...