Régis Debray aime aller à contre courant et il adore la provocation. C'est particulièrement réussi avec cet éloge des frontières, petit livre qui reprend une conférence prononcée au Japon.
Où mieux qu'au Japon d'ailleurs faire l'éloge des frontières. Le pays, même s'il est ouvert, est un des pays développés qui est le plus attentif à préserver ses traditions, son identité, sa littérature, sa cuisine, son kabuki...
Régis Debray s'en donne à coeur joie. Il sent bien qu'en Europe l'humeur est au retour sur soi, à l'abandon de l'euro, au repli identitaire alors il pourfend avec brio tous les "sans frontières", les médecins, les pharmaciens et même demain les douaniers (qui le sont déjà puisqu'ils peuvent intervenir sur tout le territoire), bref tous ces naïfs qui ont cru ou croient encore que lever les frontières libère alors qu'en réalité la frontière protègerait d'abord les faibles, les petits, les démunis des appétits de la finance internationale, des impérialismes. de tous poils La première frontière nous dit Régis Debray c'est l'embryon qui nous protège c'est aussi notre peau qui joue le rôle d'interface entre notre corps et l'extérieur... Une frontière est un lieu de passage, de voisinage, une frontière donne envie d'aller voir de l'autre côté. Bref, la frontière c'est le paradis.
Le livre refermé on est presque convaincu par le brio de la démonstration, on se rappelle les années csoixante lorsque le dimanhe on allait de l'autre côté de la frontière belge acheter du chocolat...
Et puis d'autres frontières surgissent à l'esprit que Debray n'évoquent pas ou peu : le mur de Berlin, les vopos, le mur de séparation érigé par Israel dans les Territoires palestiniens, et les frontières dans les têtes au Liban par exemple entre les 18 confessions qui le composent : sunnites, chiites, chrétiens de toutes obédiences, et les frontières non visibles mais bien présentes au Saint Sépulcre entre chrétiens qui se disoutent les prie-Dieu, puis tout ce qui se passe derrière les frontières et dont on nous dit que cela ne nous regarde pas comme en Côte d'Ivoire, en Iran, en Chine, en Corée du Nord...
Régis Debray a trouvé un public enthousiaste mais bien encombrant avec son éloge des frontières, celui de Debout la République, mais aussi celui de Français de souche, bref tout ceux qui à droite aspirent au repli identitaire, au protectionnisme, ceux qui n'aiment pas le grand large et préfèrent naviguer par petit temps.
A lire donc pour le brio mais avec l'esprit critique!