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Livre - Page 33

  • Istanbul

    istanbul.jpgJe reviens d'Istanbul que j'ai enfin découvert à l'occasion d'un séjour de cinq jours. Dans mes bagages le livre d'Ohran Pamuk, Istanbul, non pas comme guide mais comme compagnon. Un livre magnifique, illustré de photos, quelques une de l'auteur, beaucoup d'Ara Güler et des reproductions des tableaux de Melling qui montrent l'Istanbul de la fin du XVIII° siècle.

    Istanbul est à la fois un livre des souvenirs d'enfance de l'écrivain, prix nobel de littérature en 2006, et un hommage mélancolique à Byzance, Constantinople, Istanbul, cette ville-monde, capitale de l'empire ottoman déchu.

    Orhan, du nom du second sultan ottoman, un sultan, sage et discret pour la mère de l'écrivain, a vécu son enfance dans une famille désunie, riche mais en voie d'appauvrissement, attirée par le mode de vie à l'occidentale, dans un environnement marqué par la défaite, le déclin, avoir été.

    L'Istanbul de Pamuk est une ville sale, grise, pauvre dont les maisons de bois le long du Bosphore et de la Corne d'or disparaissent au gré des incendies. Le jeune Orhan, s'évade de cet univers en comptant les bateaux sur le Bosphore et surtout en peignant ses paysages, un réel talent qui le conduira à engager des études d'arhitecture avant de réaliser que sa vocation est d'écrire. Ecrire comme Flaubert, Baudelaire, Nerval qui ont fait le voyage en Orient mais aussi comme Yahia Kemal ou Ahmet Rasim les épistoliers d'Istanbul. Un livre très attachant.

  • Le Cygne Noir

    cygne noir,nassim nicholas taieb,incertitudeAvant la découverte de l'Australie, l'Ancien monde était convaincu que tous les cygnes sans exceptions étaient blancs...la preuve?  Personne depuis des centaines, des milliers d'années n'en avait vu de noirs...

    Avant Fukushima, personne n'avait imaginé qu'un centrale nucléaire puisse être victime d'un tremblement de terre puis d'un Tsunami avec une vague de plus de dix mètres. Fukushima est un Cygne Noir, cest à dire une aberration, à l'impact fort, qu'on aurait pu prévoir mais qu'on n' a pas prévu.

    Des Cygnes Noirs, il y en a partout et ils sont de plus en plus fréquents. La découverte de l'Amérique, la révolution française, le laser, Internet, le 11 septembre, le printemps arabe sont des Cygnes Noirs. réflechissez, vous allez en trouver bien d'autres.

    Qui a prévu ou même esquissé l'idée en 1913 de la révolution bolchévique, de la montée du nazisme? Qui a imaginé dans les années d'après guerre la montée de l'islamisme. Lorsque j'étais étudiant au début des années 1970, le pays cité comme modèle pour la sortie du sous développement était la Côte d'Ivoire, pas le Bostwana ou l'Ile Maurice.

    A partir de ce constat simple, mais que l'on oublie trop rapidement pour s'en remettre à nos habitudes de pensée, aux dires des experts, Nassim Nicholas Taleb, trader américano-libanais devenu philosophe nous promène sur les chemins de l'incertitude et nous conseille sur les différentes façons d'en tirer le meilleur parti : s'intéresser au hasard, respecter ceux qui disent avec courage : je ne sais pas, préférer avoir grosso modo raison que tort avec précision, faire preuve le plus souvent de scepticisme mais s'engager à fond pour profiter d'un Cygne Noir positif (une opportunité exceptionnelle qui peut faire perdre un peu mais rapporter beaucoup).

    Il y a dans cet ouvrage des chapitres techniques sur les probabilités et les fractales mais on peut allègrement sauter sur le conseil de l'auteur ces différents passages et profiter d'une érudition et d'un ton rares.

  • Retour à Dori

    dori.jpgDori se situe au Burkina Faso, autrefois en Haute Volta. Bernard Delmond, l'auteur de ce livre, y est né, dans les années quarante. Son père y était administrateur de la France d'outre mer, y a pris des notes, a tenu un journal qu'il a transmis à ses enfants.

    Bernard Delmond nous livre un triple roman, policier à certains égards. Il nous raconte une des tournées de son père qui enquête sur des meurtres mystérieux dans la région du Liptako, il nous narre la guerre de Noël qui opposa en 1985 le Burkina Faso et le Mali, avec au passage quelques considérations peu amènes sur le socialisme de Thomas Sankara et puis sa propre redécouverte, soixante plus tard, du pays de son enfance à l'occasion d'une mission pour le compte de la Cour de justice internationale afiin de délimiter la frontière entre les deux pays précités.

    Ceux qui aiment l'Afrique et les légendes africaines, les mythes africains, apprécieront ce livre hommage à l'Afrique, aux africains, la vie du père et de la mère de l'auteur. On est au Sahel, une région magnifique, difficile d'accès, plus dangereuse aujourd'hui  qu'hier, menacée par le terrorisme... La lecture permet de s'y transporter.

  • Iro mo ka mo - La couleur et le parfum

    naga_.jpgLa couleur et le parfum dit-on en japonais pour signifier l'apparence et la substance.

    Ce beau livre d'Ito Naga a été édité et fabriqué par Cheyne Editeurs, maison d'édition trentenaire sise au hameau de Cheyne au Chambon sur Lignon en Haute-Loire. Une petite start-up qui a réussi!

    Ito Naga n'est pas japonais, je l'ai rencontré à la Halle des Chartrons à Bordeaux dans le cadre de la semaine de la poésie. Il est astrophycien au CNRS et il s'intéresse au Japon, il laisse supposer qu'il est amoureux d'une japonaise mais c'est de la poésie.

    En cette période d'intense intérêt pour le Japon, ce petit livre nous aide à percevoir un peu mieux cet autre qu'est le Japon et ses traditions, sa manière d'appréhender le monde, l'omniprésence de la nature.

    Extraits :

    Dans la cuisine japonaise raffinée (kaiseki) où l'on prépare de nombreux petits plats, le but n'est pas d'avoir du style mais pluiôt de satisfaire les goûts inconnus des invités en essayant discrétement différentes saveurs.

    Rien ne se réalise comme on s'y attend. C'est ainsi que les japonais appellent ce monde ukiyo (le monde flottant)

    Comment s'injecter une langue? comment se souvenir que Fuukei que l'on traduit par paysage signifie littéralement atmosphère de vent?

    Interroger le quotidien en poète, en philosophe, c'est la méthode d'Ito Naga.

    Encore deux citations : Il ne dit pas je ne sais pas, il dit : je ne sais pas exactement, et, cette mère n'a pas dit que son fils mentait. Elle a dit : la plupart du temps, je crois que ce qu'il dit est vrai.

  • Marie-Antoinette

    Après avoir regardé sur Arte le film et l'interprétation de Sofia Coppola, j'ai décidé d'en savoir plus et je me suis tourné vers Stefan Zweig, qui nous a donné en 1932 une biographie de sa compatriote Marie- Antoinette.

    marie ant.jpg

    A lire! Stefan Zweig retrace avec le souci d'un historien, s'en tenant aux sources, souvent tardivement révélées comme la correspondance de Fersen. Il nous épargne toutes les légendes ressassées du "qu'on leur donne de la brioche" au "pardon monsieur" lorsqu'elle aurait marché sur le pied du bourreau.

    Cela donne le portrait psychologique et intime d'une fille puis d'une femme somme toute assez ordinaire, moyenne, spontanée, attachante, sans aucun sens politique au premier abord mais habitée au fil des épreuves par un grand sens du devoir, de la dignité, de la fidélité à sa lignée, ses ascendants, ses enfants. Pas à son pays, mais, à l'époque, la Nation n'est qu'en devenir, on est d'abord de sa famille, et elle est une Habsbourg, la fille de Marie-Thérèse, impératrice d'Autriche, même si elle est bien seule à s'en souvenir tant son neveu désormais sur le trône à Vienne se soucie peu d'elle...

    Et c'est aussi l'occasion de réfléchir au déroulement des révolutions au moment où celles-ci se multiplient dans le monde arabe, il y a toujours de la casse et le mieux met souvent longtemps à émerger de la violence révolutionnaire avec des avancées et des reculs.

  • En étrange pays

    pays.jpgA la fin du XIXéme siècle, Versluis, un bourgeois néerlandais, apprend par son médecin qu'il est condamné par la tuberculose. et que peut-être un séjour en Afrique du sud, au bon air, serait de nature à améliorer son état de santé. 

    Nous étions déjà allé dans le Veld avec Karel Shoeman pour Cette Vie (cf. chronique du 20 septembre 2010), témoignage poignant de la vie de trois générations d'Afrikaners.Shoeman.jpg

    Ici, on accompagne Versluis pendant seulement quelques mois, il a tout laissé, ses habitudes bourgeoises, son éducation, une étiquette et affronte le monde des colons, un mode à la fois plus ouvert et plus fermé, composé d'allemands, de hollandais, de juifs. La vie est difficile, le climat rude, froid l"hiver, torride l'été. Versluis reste sur son quant à soi, choqué par le comportement de la petite colonie européenne, sans réellement de contacts avec la population indigène, quasi invisible. Il ne s'engage pas, tout son effort est tourné vers le détachement de son passé, de ses habitudes, de la vie. Mais la maladie progresse...d'autres européens malades meurent autour de lui... et puis il finit par céder, par ouvrir sa carapace, par écouter l'autre, il est prêt, au bout de son chemin.

    Un livre à la fois cruel dans sa peinture de la société afrikaner et empreint de sérénité.

  • La nuit viennent les renards

    Cees.jpgHuit petites nouvelles merveilleuses de Cees (Cornelius) Nooteboom, indispensable écrivain néerlandais, grand voyageur, qui nous emmène à Venise, en Ligurie, en Espagne, en Sardaigne, dans les casinos du nord de la France, à Saragosse...peu importe.

    Peu importe, ce qui compte c'est le souvenir des morts, le dialogue avec eux. Huit nouvelles autour de la mort, Ist das etwa der Tod? (est ce que c'est à peu près cela la mort?). Cees Nooteboom ne croit pas aux esprits mais ils croit aux photos, il les regarde, il se remémore ses rencontres, ses vieux amis, ses amours, et il sait, puisque sa grand-mère le lui disait quand il était petit enfant, que la nuit viennent les renards.

  • Dore-L'église - On peut vous faire à dîner

    "Tout au sud du Puy de Dôme, un tout petit village Dore-l'Eglise.Le portail roman, très bas, très arrondi, est connu mais aucun risque d'être troublé par des touristes même en plein coeur du mois d'août....

    dore.jpg

    ...Quand la patronne vient ramasser les verres, vous osez pourtant tenter comme une chance infime cette question que vous posez avec un ton à l'avance dénégatif, comme pour conjurer la probable réponse : "Vous ne faites pas restaurant?" La femme ne répond pas tout de suite, et le fléau de la balance oscille entre contrainte et possibilité. Et puis : "Je peux vous faire à diner". Elle n'a pas vraiment répondu. Elle ne fait pas restaurant, elle peut vous faire à diner, d'un merveilleux  menu car il n'y aura rien à choisir. Vous dinerez à coups de petits étonnements sereins - excellent ce saucisson.... tu as vu la taille du morceau de cantal?... Vous n'aurez pas quitté la table ronde un peu rouillée. Le portail va flamber, prendre un ton de corail à l'heure du café. Dore-l'Eglise. On peut vous faire à diner." (Philippe Delerm - Le trottoir au soleil - Gallimard)

    Quelle bonne surprise pour un casadéen que de dévouvrir que Philippe Delerm fréquente Dore-l'Eglise, prieuré de La Chaise-Dieu dès le XIIéme siècle sur la route d'Ambert!

  • Requiem pour la planète bleue

    requiem.jpgJean Sérisé est vieil homme par l'âge, il est né en 1920, et il attend sereinement de se mettre la toge sur sa tête.

    Comptable national et macroéconomiste, conseiller de Pierre Mendes France et de Valery Giscard d'Estaing, c'est visiblement un homme actif, un honnête homme, qui malgré l'accélération des connaissances scientifiques s'est sans doute essayé toute sa vie à maitriser la philosophie, l'histoire, la biologie, la physique, la sociologie...

    Il nous livre ici la quintessence de ses reflexions dans un essai très attachant, une brève histoire de la vie et des hommes. Trois parties, l'apparition de la vie, fruit du hasard et de la nécessité que l'on découvre en compagnie de Papimami, cellule asexuée qui se reproduit à très grande vitesse par simple division, l'histoire de l'homme, celle de la tribu de Bonpapah, dirigée par Groskostau, qui s'attribue les meilleures parts du produit de la chasse mais qui se méfie de Silicium, dont il sent bien qu'à terme, il va menacer son pouvoir. Et puis , la fin de notre histoire ou comment homo sapiens ou plus probablement son successeur tentera d'échapper à la mort et l'extinction qui lui est promise, puisque, chacun le sait, notre Terre est vouée à la disparition dès lors que le Soleil, notre étoile se désintégrera dans quelques milliards d'années. A moins que d'ici là notre espèce, pas très intéressante au fond, ne se soit suicidée elle-même.

    C'est très plaisant à lire, pleins de notations très juste sur notre condition, notre place dans l'univers, nos travers, et d'un pessimisme lucide de bon aloi.

  • Ô ma mémoire

    mémoire.jpgJe n'ai pas lu Indignez vous de Stéphane Hessel, mais le succès de cet opuscule a eu au moins un intérêt c'est de remettre sur les tables des libraires les anciens livres de Stéphane Hessel, et notamment ce Ô ma mémoire sous titré la poésie, ma nécessité publié en 2006.

    Stéphane Hessel a eu 88 ans en 2006, deux fois l'infini comme il le dit élégamment et à cette occasion il a décidé de publier 88 poèmes, en français, en anglais et en allemand, les trois langues qu'il maitrise. 88 poèmes qu'il connait pas coeur!

    C'est beaucoup mieux que les mots fléchés ou les Sudoku!

    Alors si vous vous voulez vous exercer à réciter comme autrefois des poèmes appris par coeur, il y a là devant vous un bel ouvrage! Le choix est vaste de Shakespeare à Keats, de du Bellay à Queneau, de Goethe à Rilke... (Les poêmes en anglais et allemand sont traduits à la fin de l'ouvrage).

    Ce n'est pas facile, j'ai commencé par Queneau (si tu t'imagines) et je poursuis par Rimbaud, (On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans)...

    A vous!