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Livre - Page 42

  • Le croissant et le chaos

    C'est le titre d'un excellent petit livre d'Olivier Roy, publié dans la collection "Tapage" d'Hachette. En une après-midi, on se remet les idées en place sur le Moyen Orient et le prétendu clash des civilisations.

    d8a910e94bd5686a14f117708411acbc.jpgL'auteur montre en effet avec aisance que l'image d'un monde musulman miontant à l'assaut de l'Occident bannière de l'Islam au vent est totalement erronée.

    L'opposition historique entre Israël et les arabes fait de plus en plus place à une série de conflits opposant sunnites et chiites. Les régimes dits modérés voient avec effroi la montée en puissance d'un Iran nucléarisé.

    Face à cette évolution, l'Amérique de Bush a perdu sa crédibilité en raison de ses échecs en Irak, au Pakistan, en Afghanistan, alors que même que ses troupes n'ont jamais été aussi nombreuses et au moment où la Chine et la Russie s'affirment davantage sur la scène internationale.

    Le monde musulman connait donc des divisions croissantes, la stratégie du faible au fort utilisée par le Hamas, le Hezbollah, la Syrie, les milices sunnites en IrakAl Qaida réussit à paralyser la première puissance mondiale et inquiète des régimes peu légitimes qui n'ont pas réussi leur décollage économique. Les territoires non contrôlés par les Etats se multiplient Somalie, Gaza, zones tribales pakistanaises, Afghanistan...l'Etat libanais se délite peu à peu...

    La vision occidentale d'un complot musulman contre l'occident est donc totalement erronée mais la situation du monde musulmanne laisse pas d'inquiéter pour autant.

     

     

  • The Uncommon Reader - Alan Bennet

    La lecture de ce petit livre, non encore traduit en français, est tout simplement jubilatoire! La première scène raconte comment lors d'un diner officiel au Palais de Windsor, en la salle Waterloo, La Reine, interroge avec gourmandise le Président de la République française sur Jean Genet! Effroi dudit Président (Lequel d'ailleurs? 50 ans de règne...) qui va chercher vainement du secours du côté de sa ministre de la culture, mais en vain, et donc passer sans doute une très mauvaise soirée.

    3dcbd462d3522d6dd7d81765dd52bf82.jpg

    L'idée géniale d'Alan Bennet, auteur dramatique, connu en France pour être l'auteur de "La maladie du Roi Georges" adapté au cinéma, est de nous faire découvrir l'enthousiasme irrésistible qui s'empare de La Reine à la découverte tardive et par hasard de la lecture.

    Cet enthousiasme peut bien entendu concerner chacun de nous et ce livre est d'abors un plaidoyer en faveur de la lecture.

    C'est aussi un livre d'humour qui nous rend The Queen bien sympathique, roublarde, puisque son nouvel hobby va progressivement bouleverser tout le Royaume, ses rapports avec ses écuyers, le Premier Ministre, les visites officielles, le ronronnement de la cour, bref la fonction royale elle-même. Elle va même en délaisser ses chiens corki.

    C'est enfin, une invitation, si on en a la curiosité, à la littérature britannique, puisqu'y sont évoqués de grands noms, peu connus, comme Ivy Compton Burnett,  Cecil Beaton, Nancy Mitford, J.R. Ackerley, E.M. Forster, Dylan Thomas, John Cowper Powys, Kilvert, Vikram Seth., Hardy, Brookner...

    Consolation pour nous français, après l'ouverture un peu humiliante pour notre Président, Proust tient un rôle essentiel dans cet ouvrage, je vous le laisse découvrir...

  • La maison du retour de Jean-Paul Kauffmann

    2305ddb6ab001fea3f10a52163a721e9.jpgQuand on a quelques racines bordelaises et que l'on séjourne pour quelques années au Liban, on ne peut pas ne pas lire ce très beau livre.

    Jean-Paul Kauffmann a été enlevé par le Jihad islamique libanais le 22 mai 1985 et a été libéré le 4 mai 1988. Le corps de Michel Seurat, qui avait été enlevé le même jour,  a lui été remis aux autorités françaises en 2006 par le Hezbollah qui l'aurait découvert par hasard au sud de Beyrouth.

    Vingt ans après sa libération, Jean-Paul Kauffmann nous raconte les premiers mois de son retour qu'il passe dans la maison des Tilleuls dans la Haute Lande, un ancien bordel pour dignitaires SS qu'il décide de restaurer et d'aménager.

    Ce livre est un enchantement. c'est le plus bel hommage que j'ai lu sur les airiaux. Dans le département des Landes, un airial est une clairière au milieu des pins plantée d'essences diverses, une étendue de pelouse, sur laquelle ont été construits au fil du temps la maison d'habitation et les petits bâtiments d'exploitation nécessaires à une société rurale.

    Jean-Paul Kauffmann raconte comment, minimalement relié au monde par la radio, sa femme et ses enfants qui viennent en fin de semaine, un ami architecte, un agent immobilier, une famille de voisins et deux ouvriers immigrés portugais qui retapent la maison, comment il revient au monde et surtout comment il devient l'écrivain que nous connaissons aujourd'hui.

    Et quel bel écrivain. On prend grand plaisir à l'accompagner dans son admiration pour Les Géorgiques, Robinson Crusoé, les Dioscures (Castor et Pollux), François Mauriac évidemment. On plonge avec ravissement dans le dictionnaire pour découvrir le sens d'eaux témérantes, de végétation rudérale. On imagine le chant des oiseaux avec Jacques Duhamel, on redécouvre le Bleu Nattier et on envie le nez de Jean-Paul Kauffmann. Ah, humer toutes les odeurs qui emplissent l'airial, le matin, le soir, déguster les vins, le Palmer 1961, le Petrus 1971, le Mission Haut Brion 1975 qui accompagnent le poulet farci de Sabayon de foie gras. Le vin remarque Jean-Paul Kauffmann est évidemment la seule matière vivante qui devient délectable en vieillissant.

    Sentir le serein, cette fraîcheur qui tombe au soir d'une chaude journée!

    Il y a aussi un épilogue, seize ans plus tard. L'airial est un combat, il faut le protéger contre l'urbanisation et contre lui-même, le sable, les bambous, les chevreuils...

    Et cette réfexion sur le métier de vivre : Le métier de vivre est souvent pénible. On s'y éreinte. c'est souvent répétitif. Mais pour rien au monde, je ne renoncerai au charme douloureux de ma condition d'homme.

  • Dans le scriptorium - Paul Auster

    5aadb74573d06f0f23ab9385b643bde0.jpgExpérience intéressante que la lecture de ce livre.

    Le lecteur se retrouve aux côté du principal protagoniste du livre, un homme sans doute assez âgé, dans une chambre, où il est manifestement enfermé, avec un traitement et des visites. Il y a unité de lieu, cette chambre d'hôpital ou de prison, ou de laboratoire, on ne sait trop, de temps, les 100 pages et quelques décrivent le déroulement d'une journée, et d'action, la recherche par notre héros de ce qui lui arrive.

    C'est assez déroutant, les familiers de l'oeuvre d'Auster comprendront assez rapidement que les visiteurs de notre personnage sont les héros des romans de Paul Auster qui viennnent en quelque sorte demander des comptes à leur auteur, le personnage un peu énigmatique n'étant autre que Paul Auster lui-même à l'aube de ce naufrage qu'est la vieillesse.

    C'est construit comme un roman policier, c'est haletant et à clefs, tout le monde y trouvera son compte. Il y a une reflexion sur la vieillesse, sur l'automie des personnages de Roman, sur l'écriture, c'est diablement,presque trop bien, construit.

    Je crois que je vais reprendre la lecture d'Auster à son début pour mieux apprécier ses dernières oeuvres qui au fond n'en font qu'une! C'est un peu comme Modiano.

  • De la France

    "La civilisation européenne a deux âges, comme elle a eu deux foyers : l'un dans l'antiquité au sud, l'autre dans les temps modernes, au nord. Il n'est pas étonnant qu'il en ait été ainsi, puisque le système géographique de l'Europe est double. Une chaine de montagnes longue de 700 lieues, les Pyrénées, les Alpes et les Balkans, coupe ce continent en deux. Au sud, des presqu'iles, des montagnes et des torrents qui arrêtent les communications intérieures; au22 nord, une plaine immense, où les cours d'eau errent paresseusement comme ont erré longtemps les hommes qui habitaient leurs bords. D'un côté, les populations gréco-latines, le régime municipal, la vie sédentaire et une civilisation brillante, où l'art contenu par le goût, occupe la première place; de l'autre les tribus germaniques et slaves, le despotisme monarchique ou le gouvernement féodal, et une société sérieuse et triste, avec des moeurs volontiers nomades et une imagination vagabonde. Ici, sous le soleil, la vie tout au-dehors, sobre, mais bruyante et rieuse, souvent féroce; là, cachée au foyer domestique, souvent pensive et pourtant sensuelle. A Rome, Léon X et Raphaël, à Wittemberg, Luther et les colères iconoclastes de la Réforme. En un mot, une différence de constitution morale et politique qui n'a jamais permis à ces deux moitiés du monde européen de vivre des mêmes idées et de s'entendre.

    Or, cette ligne de montagnes, qui sépare deux mondes et deux sociétés, n'est coupée qu'en un seul point, et ce point se trouve en France. Entre les Alpes et les Pyrénées, il y a solution de continuité : par la vallée du Rhône, la France s'ouvre sur l'Italie, comme par celles de la Moselle et du Rhin elle s'ouvre sur l'Allemagne, ce qui a permis à ces deux moitiés de l'Europe de se rencontrer chez nous. Au lieu de s'y combattre éternellement et de faire le vide entre elles, les deux civilisations du nord et du midi, féodalité et régime municipal, droit coutumier et droit romain, langue d'oïl et langue d'oc, se sont modifiées aux bords de la Loire et de la Seine, l'une par l'autre, si bien que du mélange est sortie une civilisation nouvelle, à la tête de laquelle la france est restée.

    Touchant à tous et à toutes, la France n'a pu être exclusive ; de là son caractère sympathique. Elle ne peut avoir une existence solitaire : donc sa pensée sera générale, sa vie expansive, et mille fois elle sortira par les mille routes qui s'étendent devant elle aux quatre coins de l'horizon. Par là aussi, elle subira, plus qu'une autre, les influences étrangères ; ce qui la forcera de se replier sur elle-même pour se concentrer. Mais ce flux et ce reflux incessants de guerres et d'idées ont fait de la France le centre politique et moral de l'Europe, le pays chargé de traduire à tous les idées de chacun. (...)"

    f0254a3f8fca3b0c19b98b4e9e882179.jpgCe texte est la conclusion de l'Introduction à l'histoire de France de Victor Duruy. Il date de 1865. L'ensemble du texte est magnifique. Comment ne pas aimer l'histoire et la géographie quand elle est écrite de cette si belle manière!

    Et comment ne pas rappeller que Victor Duruy fut aussi ministre de l'instruction publique et que c'est à lui que l'on doit, bien avant Jules Ferry, l'obligation pour les communes d'ouvrir des écoles pour les filles, l'enseignement obligatoire de l'histoire et de la géographie et l'accès gratuit à l'instruction primaire pour les enfants des familles pauvres. Combien de pays de par le monde ont encore à mettre en place de telles réformes!

     

     

  • Oracle Night de Paul Auster

    Livre magnifique sur la littérature. Si l'on peut se demander parfois pourquoi on lit des livres, si la littérature a un avenir, il suffit de lire ce livre pour avoir la réponse.

    Paul Auster avec La nuit de l'Oracle nous livre en effet une construction romanesque à tiroirs, labyrinthique et à suspens qui ne peut que réjouir son lecteur.

    15bd22965a2f7b9a10ba3cfc043deb2d.jpgLe narrateur, Sidney Orr est assez banalement, comme l'auteur l'a été, un écrivain new yorkais promis à un bel avenir qui se remet d'une maladie qui a failli l'emporter. Il est marié et amoureux de Grace, une femme qui l'aime, et soutenu par un grand écrivain confirmé, John Trause,  qui l'encourage et le conseille. Tout va bien. Sur un cahier bleu, Sydney se lance après plusieurs mois de convalescence stérile dans l'écriture d'un roman dans lequel Nick Bowen, un jeune éditeur, reçoit un manuscrit jamais publié d'une auteure connue, la nuit de l'oracle. Trois histoires donc s'entremêlent.  Nick, qui échappe à un accident, réalise que notre destin est le fruit du hasard et part sur un coup de tête à Kansas city ou il rencontre Ed, un chauffeur de taxi qui collectionne les annuaires téléphoniques du monde entier. Nick sans y prendre garde s'emmure.

    Que faire de cette histoire? Comment sortir de là? Au fil des pages et de notes de bas de pages passionnantes, Sidney nous conte les sources de son inspiration, les personnages, les lieux, il a lui même un vieil annuaire téléphonique polonais...Puis il en vient à se demander si ce qu'il écrit n'est pas finalement prémonitoire de ce qu'il vit. John le conforte dans cette idée. Mais qu'en est il réellement de la complicité entre Grace et John, pourquoi une telle animosité entre Grace et le fils de John?

    Si l'Amérique heureuse, chaleureuse, marque le début du livre, une Amérique beaucoup plus sombre avec ses enfants perdus hante la fin de l'ouvrage. Un ouvrage magnifique, du début à la fin, haletant, sur l'Amérique et surtout l'art du roman.

  • L'élégance du hérisson

    4e24338ad60ab3444f8f18be6c206683.jpgDes centaines de milliers de lecteurs déjà pour ce livre très agréable à lire de Muriel Barbery qui a obtenu le Prix des libraires et qui est déjà traduit en plusieurs langues.

    L'action se déroule en un seul lieu, un immeuble sis au 7 rue de Grenelle où habitent plusieurs familles bourgeoises toutes aussi détestables, qu'elles soient réationnaires ou bobos. Le lecteur est invité, et il le fait volontiers, à s'identifier aux trois personnages principaux. Il y a Renée, concierge, veuve, grasouillette,  à l'haleine de mamouth, qui sous ses épines de hérisson cache une intellectuelle de premier ordre, éprise de philosophie, de littérature, de musique, de peinture, mais qui joue les idiotes pour ne pas révéler sa vraie personnalité à son entourage et jouir de son jardin secret.585914e8694def2d9268a8a826b17732.jpg Pour vivre heureux vivons cachés. Paloma, douze ans, fille surdouée d'un ménage bobo, père élu socialiste, mère en analyse permanente, soeur abonnée des rallyes, a déjà tout compris du monde qui l'attend et refuse de finir comme ses congènères dans le bocal à poisson. Elle a décidé de se suicider le jour de ses 13 ans. En attendant, elle nous livre un portrait au vitriol de la bourgeoisie et décèle peu à peu le secret de Renée.  A mi-parcours, emménage dans l'immeuble le personnage le plus exquis du livre, M. Ozu, veuf japonais, évidemment raffiné, qui va mettre au grand jour tous ces petits secrets, déstabiliser Renée et Paloma, faire fi de toutes les barrières sociales, au service de la culture, de l'art, du beau, créer un petit monde idéal, un monde rêvé, sans petitesses. Evidemment, à la fin du livre, il fallait bien une chute, le hérisson finit comme tous les hérissons, on échappe pas à son destin.

    Un livre bien agréable à lire, léger, brillant, qui n'appellera pas le lecteur à se remettre en question. C'est ce  que souligne très justement Philippe Lançon dans son excellente critique parue dans Libération : http://www.liberation.fr/culture/livre/265223.FR.php .

  • Cette histoire-là- Alessandro Baricco

    d3fa0e42f1b02cc5a32ce20be438af95.gifAvec ce dernier ouvrage, Questa storia, Cette histoire-là, Alessandro Baricco, l'élégant auteur de Soie, 48016b9673393a7b66e5529dc3dd60b1.jpgnous raconte une nouvelle fois une histoire d'amour. Celle d'Ultimo et Elizaveta. Ultimo, premier et dernier né d'une famille de petits éleveurs italiens qui au début du siècle fait le pari prématuré de se reconvertir dans l'automobile, et même la course automobile. Elizaveta, orpheline russe émigrée aux Etats-Unis en 1917.

    edca945e71f3e088b6950eecb519c6de.jpgAu travers d'une suite apparente de nouvelles, Allessandro Baricco nous raconte en effet succcessivement, la course automobile Paris Madrid de 1903, l'épopée de l'Itala, cette marque automobile qui fit les beaux jours de l'Italie avant le premier conflit mondial, la bataille de Caporetto de 1917, la promotion des pianos Steinway & Sons aux Etats-Unis, une base militaire aérienne britannique en 1947, le cricuit automobile des mille Miles...

    Le lecteur peut se contenter de ces histoires magnifiquement écrites, la langue est jubilatoire, les styles varient en fonction des circonstances et des personnages, l'auteur use, et parfois abuse, de la facilité apparente avec laquelle il compose au sens musical du terme l'enchainement des paragraphes. Toute la partie sur la bataille de Caporetto est magnifique, le récit obsessionnel par le frère d'Ultimo de l'envol du dernier avion de l'aérodrome de Sinnington aussi.0cc599d820c236df60f1937ef5bd2811.jpg

    Au delà de la narration, cette histoire d'amour et aussi une histoire de fidélité, fidélité à une idée, celle d'atteindre la perfection, une histoire qui met bien en relief, l'écart entre la vie réelle et la vie rêvée, bien illustrée par le journal d'Elizaveta.

    1adeb45492bb4f947b4c0aa0ec557fdd.jpgQuelqu'un qui peut t'attendre, il t'aime! Un bon résumé de ce livre plus complexe qu'il n'en a l'air. Une sorte de laboratoire d'écriture.

    PS : la page de couverture montre une photo d'une Bentley-Napier de 1929. Questa storia est publié en Italie avec quatre couvertures différentes, relatives à quatre des épisodes du roman.

     

     

     

     

     

  • Le rapport de Brodeck

    e093ba1e2bd1bbb21e3aade4d940948b.jpg Avec ce roman, Philippe Claudel a commis un grand livre, heureusement couronné au début de la semaine par le Goncourt des lycéens...Des lycéens qui donnent en cette semaine de tensions dans les universités une belle image de la jeunesse, loin de celle des apprentis Gardes rouges de Rennes qui feraient mieux de lire Claudel que de bloquer les universités. Ils y apprendraient où peut mener l'intolérance, le refus de l'autre, l'anderer.

    Par la voix de Brodeck, Claudel nous conte une sorte de fable sur la shoah, même si ce mot ou celui de juif, n'est jamais prononcé.

    A la suite d'un meurtre collectif dans son village, d'un étranger, d'une personne différente, l'anderer, Brodeck est chargé par les villageois d'écrire le rapport de ce qui s'est passé avec le but de les dédouaner.

    Le village se situe dans un pays imaginaire, de langue germanique, ce peut être en Pologne, en Alsace, en Tchéquie, peu importe où et peu importe quand, Brodeck va en fait raconter plusieurs histoires qui marquent sa vie. Son arrivée dans ce village, encore enfant, à la suite d'un pogrom, et sa prise en charge par la vieille Fédorine, elle-même mise sur les routes par ces évènements. Une sorte de Nuit de cristal dans la capitale voisine où il est étudiant, son retour au village avec sa bien-aimée, sa déportation dans un camp d'où il ne reviendra qu'après avoir accepté de se deshumaniser, de vivre au sens propre comme un chien, pour voir son nom sur le monument aux morts et sa femme, emmurée vivante dans son souvenir, après avoir été violée par ses voisins. Enfin, le mécanisme de la montée de l'intolérance envers ce visiteur étranger, l'anderer, différent, qui va révèler aux villageois comme dans un miroir leur histoire, leur démission, leurs tas de petits secrets, au point de faire d'eux des meurtriers.

    Une fable universelle, écrite avec beaucoup de talent, sur l'altérité. A lire d'urgence à côté de La stratégie des antilopes de Jean Hatzfeld qui aborde sous un autre angle la question du génocide.

  • Ap. J.-C.

    C'est le titre du dernier livre de Vassilis Alexakis, roman qui vient d'obtenir le Grand prix du roman décerné par l'Académie française, laquelle en l'occurence joue pleinement son rôle au service de la littérature au contraire, cette année, des Jurys Goncourt et Renaudot, si j'en juge par l'accueil trés réservé que leur décision a suscité.

    cf6e41b14efff5041ba19643b3c3ec51.jpgUn étudiant qui suit un cours de 3éme cycle sur la philosophie présocratique se voit confier par sa vieille logeuse quasi aveugle, Nausicaa, la mission d'enquêter sur le Mont Athos, ses moines, ses monastères, leurs secrets, leurs ressources.

    Le livre offre alors une approche par petites touches, pleines d'humour, d'érudition, de cette Sainte Montagne, qu'est le Mont Athos qui abrita à son apogée jusqu'à trente monastères comptant chacun un millier de moines et qui est encore aujourd'hui une République confédérale autonome sous la juridiction canonique du Patriarcat de Constantinople et le protectorrat politique de la Grèce

    Pour ceux qui n'ont comme moi jamais marqué un intérêt particulier pour l'intégrisme byzantin, c'est une vraie découverte. Encore aujourd'hui, la Sainte Montagne ,et pas seulement ses monastères, reste interdite aux femmes, tout en bénéficiant des subsides de l'Union européenne.

    Indéniablement notre étudiant narrateur, et donc Vassilis Alexakis a une préférence marquée pour les dieux de l'antiquité : Il faut croire qu'on ne renonce pas facilement à ses dieux, même lorsqu'on en est un peu déçu. Zeus et sa bande n'avaient pas de réponse à toutes les questions, ne promettaient rien. C'étaient de petits dieux, presque humains. Ils ont été les compagnons de rêve d'une philosophie qui savait en vérité bien plus de choses qu'eux.

    Mais dans le même temps, on ne peut que noter que l'auteur éprouve une certaine fascination pour certains de ses moines, leur choix de vie, en particulier celui de Dimitris, le frère de Nausicaa, , laquelle ne s'intéresse donc pas aux moines par hasard, et son voisin Andréas qui parle aux avions comme d'autres aux oiseaux.

    Un livre à relire une seconde fois, après s'être bien imprégné du contexte pour en apprécier sans être sûr de les repérer toutes les richesses.