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Livre - Page 12

  • Dernières nouvelles du futur

    Avec ces 14 nouvelles Patrice Franceschi, grand aventurier, ami des afghans et des kurdes (cf. Avant la dernière ligne droite : chronique du 2 décembre 2016 et Première personne du singulier Quatre nouvelles : chronique du 1er juin 2015) nous livre des récits d'anticipation qui visent à nous mettre en garde. Le progrès technique peut être l'ennemi de la liberté , conduire à une société de surveillance. C'est dans la ligna d'Aldous Huxley et de l'Orwell de 1984.

    Au nom de la protection des populations, l'Etat nous surveille, jour et nuit, questionne dès que l'on s'écarte du droit chemin, il est interdit par exemple de faire de l'alpinisme, c'est devenu trop dangereux d'exposer sa vie inutilement, l'Etat rend obligatoire le transhumanisme, on vit désormais très vieux.

     Difficile d'échapper aux caméras de surveillance, dans le même temps, les tensions s'exacerbent face à la déferlante démographique, Franceschi imagine, rêve, une guerre en plein Paris, un peu analogue à la guerre qui vient de se dérouler en Syrie...

     

    Heureusement, il subsiste dans toutes ses nouvelles, parfois un peu naïve, un réseau de résistants, le Réseau Sénèque, qui continuent de promouvoir les valeurs du stoïcisme, qui n'utilisent par leur téléphone portable, ne communiquent pas toute leurs vies sur l'Internet, ce qui leur vaut des convocations à la police...Ils montent une Arche de Noé pour faire face aux dégâts du changement climatique.

    Mais dans l'ensemble la catastrophe apparait inéluctable. Alors il faut relire Sénèque.

     

  • Couleurs de l'Incendie

    Cela se lit très bien et c'est très différent d'Au revoir la-haut. Après avoir suivi Edouard, on suit ici le destin malheureux de Madeleine sa soeur, héritière du banquier Périccourt, et accessoirement de son fils Paul.

    Impossible et inutile de résumer ici les nombreuses péripéties. Pierre Lemaître nous tient très habilement en haleine tout au long de ce roman qui illustre bien les années trente sans oublier de susciter des parallèles avec le climat politique d'aujourd'hui : affairisme, corruption, technocratie...

    Il y avait beaucoup de poésie dans Au revoir la-haut. il y a en moins ici, le thème dominant est celui de la vengeance, machiavélique, et au final il y a peu de portraits flatteurs, pas plus du côté des hommes que de celui des femmes dans ce roman aux allures de feuilleton.

    On attend le troisième tome de cette trilogie annoncée et peut être le film...

  • CRAC

    Jean Rolin met cette fois ses pas dans ceux de Lawrence d'Arabie, jeune, lors de son premier voyage au début du XX siècle dans ce qui deviendra le Liban et la Syrie. Lawrence fait une thèse sur les châteaux construits par les francs pendant les croisades. Sa thèse : The Influence of the Crusades on European Military Architecture - To the End of the 12th Century. Il tient à cette occasion un journal qui sert de guide à Jean Rolin.

    L'occasion de parcourir cette région de château en château, en ruines, le plus célèbre est le Krach des chevaliers, et de noter les évolutions en un siècle de ces territoires marqués depuis par les conflits, les guerres civiles, les mouvements de réfugiés.

    Jean Rolin aime aborder les choses par les côtés, la périphérie, retrouver des traces, s'intéresser aux détails et... aux oiseaux. C'est fantasque. il est souvent accompagnés par des militaires, des agents des services secrets, qui se demandent bien ce qui peut l'intéresser. On se laisse prendre au jeu. C'est très agréable à lire.

  • Sur les chemins noirs

    C'est bien, on n'est plus surpris par le discours de Sylvain Tesson. Cela se lit vite avec plaisir. Ce récit est autobiographique à plus d'un titre. Sylvain Tesson a encaissé en quelque mois le décès de sa mère, et la chute d'un toit et ses conséquences dramatiques sur sa santé, sa vitalité physique, son visage. Comme il le dit "heureusement que Picasso avait déjà inventé le cubisme, ma tête dans les bars faisait moins peur."

    Son champ visuel est réduit, il n'entend bien que d'une oreille et pourtant, il trouve la force de traverser la France à pied du Mercantour au Cotentin en empruntant les chemins noirs, ceux qui figurent en noir sur les cartes IGN, ceux qui ont souvent disparu.

    Ses copains de toujours, Gras, Gasque, sa soeur l'accompagnent de temps à autre un bout de chemin, il marche à bonne allure, dort à la belle étoile et ce n'est pas la France que l'on découvre , c'est l'époque, la nôtre.

    L'occasion pour le lecteur de réfléchir à sa condition d'individu connecté dans ce monde de flux... A la fin on a envie de se réfugier dans une abbaye cistercienne...

  • L'art de perdre

    Elle tombe bien cette parution en poche de l'Art de perdre d'Alice Zeniter au moment où peut-être l'Algérie s'éveille de nouveau. Le livre comprend trois parties que nous parcourons accompagné par la narratrice, Naïma, une jeune femme contemporaine qui revient sur ses origines à la recherche de son identité. L'occasion de revivre ce qu'à vécu l'Algérie et les algériens.

    La première partie est centrée sur la vie d'Ali, un agriculteur kabyle, qui règne sur son village, ses oliviers, sa famille, donne du travail, règle les affaires avec les autorités. Les enfants s'accumulent. les premières hostilités entre français et militants du FLN apparaissent, il fat choisir son camp, sous les menaces, les assassinats, la torture, des deux côtés, pour des intérêts qui le dépasse, il va choisir la France, réussir à sauver sa famille et se retrouver dans un camp au delà de la méditerranée,il est harki pour le reste de sa vie.

    Son fils Hamid, brillant, devient rapidement au sein des camps de Rivesaltes pus de la cité HLM de Flers, le pilier indispensable de la Famille, il sait lire, Ali et Yema, sa mère, sont illettrés en arable et en Français, le père est épuisé par le travail d'OS, il a la nostalgie du pays où il n'a pas le droit de revenir, il s'enferme, il n'est plus algérien et pas vraiment français. Hamid va s'émanciper, de cette faille, réussir des études, trouver un emploi à la CAF, rencontrer sa femme Clarisse, s'intégrer mais pas plus que cela finalement. Il est né en Algérie mais lui non plus n'a pas le droit d'y aller.

    Ce sont les deux parties les plus intéressantes, la troisième voit Naima, la trois!ème génération, complètement émancipée, intégrée partir à la recherche de son identité, essayer de comprendre ce dont on ne parle pas chez elle, chez ses parents, et ses grands-parents, elle rencontrera ses grands oncles et tantes là-bas au pays, ses cousins.

    L'Algérie si lointaine et si proche, je n'y suis jamais allé, j'aimerai y aller mais il y a un tel contentieux entre nos pays. Un tel gâchis!

  • A son image

    Antonia, jeune photographe pour un quotidien local corse a eu un accident de voiture entre Calvi et Ajaccio. elle est morte, nous sommes à son enterrement en présence de ses parents, ses amis, ses anciens amants, son parrain, prêtre, qui procède aux obsèques religieuses. Dans ce moment de recueillement, chacun se souvient.

    Le livre est articulé sur les différentes étapes de la cérémonie, Kyrie, Sanctus... un beau choeur corse ajoute à la gravité du moment.

    Antonia a toujours été photographe, rapidement elle s'est liée à un nationaliste, Pascal B, qui ne réalisera que trop tard qu'il s'est fourvoyé, après quelques années d'attentats, de conférences de presse en cagoule, de prison et de luttes fratricides, il sera abattu dans un bar. Antonia n'arrivera que difficilement à s'en détacher. Elle dit elle même qu'elle ne sait faire que de la photo mais la photo qu'elle aime, le coup d'oeil, l'instant décisif, cela n'intéresse pas son employeur qui l'envoie en reportage sur les inaugurations, les lotos, les compétitions sportives, faire du grand angle afin que les lecteurs se voient sur la photo.

    Las de cette vie entre amant nationaliste éconduit, substitut un peu lâche, elle part en Yougoslavie, en guerre civile,  sur le front, rencontre Bogdan, un jeune partisan serbe idéaliste, enfiévré, qui découvre ce qu'est la guerre, la misère des soldats, la mort des camarades, celle des ennemis, la violence, la sauvagerie. il parviendra à s'échapper à rejoindre la France, pour incorporer la Légion, qui l'enverra à ... Sarajevo.

    Le seul qui comprenne Antonia, mais sans pouvoir l'aider, c'est son parrain, le prêtre, lui qui lui a offert son premier appareil photo, lui qui n'a sans doute plus la foi, et qui fait le décompte des victimes, de cet enfer, cet enfer qui est notre quotidien, qui conduit tous les personnages de ce roman à l'échec.

    Pas très optimiste le monde de Jérome Ferrari!.

  • Desert solitaire

    Si vous avez envie de changer de vie, ce livre peut être une solution! Il est paru pour la première fois en 1968. Ecrit par Edward Abbey (1927-1989), il a eu un retentissement extraordinaire.

    Ce livre est d'abord d'une grande qualité littéraire, très bien écrit, avec bien sûr des pages magnifiques sur le désert américain de l'Utah.

    Edward Abbey y  a travaillé plusieurs saisons, du printemps à l'automne, comme ranger, précisément dans le parc national des arches. A une époque, les années 50 et 60, où les parcs nationaux étaient d'abord des parcs de conservation de la nature et non pas des parcs de loisirs avec des routes goudronnées.

    Edward Abbey a une conscience écologique claire, son livre est un manifeste contre la croissance, l'industrialisation, la civilisation moderne, il est d'abord épris de liberté, de liberté individuelle, il était favorable au port d'arme sans restriction,  et n'a que mépris pour les touristes qui viennent visiter son parc, ne quittent pas leurs boites à sardine pour marcher pieds nus dans le sable bouillant , aller explorer les canyons, se frotter aux genévriers, avoir soif...se perdre escalader les rochers, chasser les scorpions, les fourmis rouges...descendre le Colorado et ses affluents... Tout ce qu'il fait pendant ses jours de repos

    S'il voyait ce que sont devenus les parcs aujourd'hui, Edward Abbey serait on ne peut plus malheureux d'avoir eu raison.

    Edward Abbey est aussi philosophe, il définit la civilisation comme la force vitale de l'histoire humaine et la culture comme la masse inerte d'institutions et de règles qui s'accumulent et deviennent un fardeau pour le progrès de la vie et comme exemple, j'en cite deux, il écrit : la civilisation c'est Giordano Bruno affrontant la mort par le feu et la culture le cardinal Bellarmino l'envoyant au bûcher après dix ans d'inquisition, ou, la civilisation c'est  le soulèvement, l'insurrection, la révolution, la culture c'est la guerre Etat contre Etat, machines contre peuple comme en Hongrie ou au Viet-Nam, voire le juge, le policier...

    Aujourd'hui Edward Abbey aurait peut-être un gilet jaune! quoique? il était trop individualiste pour suivre aveuglément des mots d'ordre et il détestait les comportements moutonniers...

  • Maria Chapdelaine

    J'ai relu ce roman par hasard en fouillant dans ma bibliothèque à la recherche d'une petit livre à lire rapidement.

    C'est un beau roman et c'est pour moi une découverte car j'ignorais tout de son auteur Louis Hémon, dont on ne parle plus guère. Et pourtant.

    L'erreur est d'abord de parler d'un roman canadien, c'est un roman français par un auteur on ne peut plus français parti vivre au Quebec et qui y mourra dans un accident de chemin de fer à l'âge de 32 ans.

    Un auteur on ne peut plus français : son père Félix était agrégé de lettres classiques, ancien élève de Normale sup, Louis ira lui  faire sa scolarité au Lycée Charlemagne et à Louis le Grand. Un peu rebelle le Louis, admis à l'école coloniale, il refuse son affectation en Algérie, c'est en Asie qu'il voulait aller, il avait appris le vietnamien, et part pour Londres où il devient chroniqueur sportif mais un chroniqueur littéraire, avant de partir au Canada, abandonnant quasiment sa compagne Lydia, internée en psychiatrie, et sa fille ...

    Maria Chapdelaine est un roman naturaliste, qui fait l'éloge de la rude vie des colons français au Quebec, des familles qui travaillent dur pour faire de la terre, défricher les bois, avec des hivers de sept mois, dans des villages isolés de tout, où toute la famille, homme, femme, enfants est mobilisée jour et nuit pour survivre dans la misère au prix d'une abnégation qui force l'admiration.

    Maria, adolescente, connait ses premiers émois et elle va devoir choisir entre trois prétendants le premier beau et fort travaille à la conduite des grumes sur le fleuve, mais cette promesse de bonheur va disparaitre au coeur de l'hiver en s'écartant de la lisière des bois, il y a Lorenzo, parti faire sa vie aux Etats qui promet une vie douce, pleine de lumières, confortable et Eutrope Gagnon, un voisin, qui promet que rien ne change.

    Que fera Maria? Contre toute attente au regard de la biographie de l'auteur, opposé au mariage, rebelle, Maria finira par choisir le statu quo et d'épouser à moitié résignée, Europe Gagnon qui avait lui même compris qu'il a avait peu de chance, mais la force de l'habitude, le devoir filial, les voix de l'église vont finalement l'emporter. La révolte viendra plus tard, peut-être, l'histoire ne le dit pas.

  • Deadwood

    J'ai découvert ce livre grâce à l'émission La Grande Librairie sur France 5, un des cinq livres recommandés dans le reportage consacré à la librairie Delamain place de la Comédie française, la librairie que je fréquentais lorsque je travaillais aux Finances près du Louvre...

    Plus que d'un policier, c'est un récit écrit par Pete Dexter, récit de la vie quotidienne  Deadwood (bois mort), ville illégalement construite au tournant des années 1875 au moment de la ruée vers l'or. Tous les personnages de ce récit, à l'exception de quelques uns ont réellement existé : Will Bill Hicock, Charley Utter, Calamity Jane, Boone May, Swearingen, Solomon star, Lurline, Langrische, Agnès Lake...

    C'est un monde peu recommandable, aucun des personnages n'est réellement sympathique, ils sont ivres la plupart du temps, tirent des coups de feu à tout bout de champ, trichent, maltraitent les femmes, assassinent les indiens ou les mexicains, viole des enfants, il pleut très souvent, on y trouve peu d'or. Le sherif fait régner l'ordre quand cela lui chante et en profite pour faire ses affaires. Les chinois vivent dans la fange... il y a la variole...

    Seul Charley finit par apparaitre aimable et empreint d'une certaine morale, d'une fidélité, même s'il tient un moment un bordel aux marges de la ville, bordel où les filles ne sont pas battues. Et il y a, personnage inventé, le maniaque aux bouteilles, un fou qui garde les bains publics, c'est un dollar pour l'eau chaude, un fou qui est peut être le seul sage de la bande.

    Donne une bonne idée de ce qu'était sans doute le far west, à force de le légender on finit par ne plus savoir vraiment comment c'était! le livre a donné lieu à une série que je n'ai pas vue.

    Tout cela se termine par un vaste incendie qui ravage et le quartier chinois  et la ville elle-même alors toute en bois. Elle a été reconstruite depuis.

    On ne s'ennuie pas même s'il n'y a pas réellement d'intrigue.

  • Quelques uns des cent regrets

    Pas du tout d'actualité car publié dans la collection folio en 2006. J'avais beaucoup aimé Le rapport de Brodeck sur l'exclusion dans un village du fait de la différence "supposée".

    Ici, il y a une résonance avec la crise des gilets jaunes dans cette description d'un village de l'Est de la France, du Grand Est, qui a perdu sa Grande Industrie, souvent inondé, abandonné de tous et dont les habitants qui sont admirablement décrits par Philippe Claudel inspirent la compassion. L'aubergiste, qui a acheté un hôtel qui n'a plus de clients, sa femme, fausse paralytique, le croque mort, épris de nouvelles technologies, le curé du village qui n'a plus de paroissiens, les clients du bistrot.

    Et puis les personnages qui hantent le narrateur, sa mère qui vient de décéder, qu'il vient enterrer, qu'il n'a pas revue depuis tant d'années, depuis qu'il est parti à seize ans, son père, son grand-père, sa grand-mère, tous disparus depuis longtemps, des malheureux, pas toujours étrangers à leur malheur.

    C'est très bien écrit, comme d'habitude, court, vif, on ne s'ennuie pas une seconde même si l'intrigue, puisqu'il y a intrigue, se dévoile assez rapidement.