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Livre - Page 8

  • Âme brisée

    Beau roman,  très bien construit , très bien écrit, en français, par un écrivain japonais, qui fait monter les larmes aux yeux même si les personnages sont trop parfaits et le scénario totalement improbable.

    Le récit démarre en 1938 à Tokyo. Yu, professeur d'anglais répète, en quatuor, avec trois amis chinois,  Rosamunde de Schubert.

    Et d'un coup, sans crier gare, un petit commando de militaires brutaux, interrompt la répétition, humilie les musiciens, Yu a tout juste le temps de cacher son jeune fils Rei dans une armoire, son violon est piétiné par le chef de l'escadron qui fait embarquer tout le monde au poste. On ne les reverra plus. Seule l'intervention d'un jeune lieutenant japonais atténue un peu la tension. Il se rend compte de la présence de Rei dans l'armoire et une fois le commando parti lui remet le violon de son père.

    Quelques années plus tard, on découvre Jacques  à Mirecourt, le pays du luthier Jean-Baptiste Vuillaume (1798-1875), fabricant du violon de Yu,  il est lui aussi luthier.

    Il est impossible de raconter la suite des rebondissements de cette histoire toujours émouvante, un vrai conte de Noël, ou se côtoient les horreurs de la guerre sino-japonaise et la sérénité de la musique de Schubert et de Bach.

  • Psychisme ascensionnel

    Je l'envie Etienne Klein! autant de qualités en un même individu! Sans doute excellent physicien, spécialiste de la physique quantique que j'ai beaucoup de mal à appréhender, vulgarisateur de l'histoire de la physique, philosophe à ses heures, écrivain, animateur de radio à France Culture, il est aussi alpiniste et sur le tard avec l'âge compétiteur en ultra-trail!

    Dans ce livre, Etienne  Klein nous explique comment une sorte de force antigravitationnelle (sic) l'a conduit à se découvrir fait pour la montagne alors qu'il est né et a grandi dans l'Essonne.

    Il considère aussi que sans la Montagne, la physique quantique n'aurait peut-être pas vu le jour aussi tôt, la plupart de ses découvreurs étant de fait des passionnés des sommets. Il faut croire que s'arracher à la pesanteur rend les idées plus claires.

    Le livre est aussi l'occasion de réviser les expériences de Blaise Pascal sur la pression atmosphérique, de quelques considérations sur le vide, d'expliquer pourquoi le ciel est noir alors qu'il devrait être baigné de lumière avec toutes les étoiles qu'il contient... mais les étoiles vivent et meurent et certaines sont tellement loin que leur lumière ne nous est pas encore parvenue.

    Tout cela est fascinant et nous ouvre bien des horizons.

    La montagne c'est aussi et surtout une question de cordée, d'amitié, de courage, très bien illustrée par le texte admirable de Louis Lachenal sur les raisons qui l'ont conduit à accepter d'accompagner Maurice Herzog au sommet de l'Anapurna au prix de ses pieds gelés. Une question de cordée!

  • Lambeaux

    For-mi-da-ble! Très beau texte. J'ai revu Charles Juliet la semaine dernière à La Grande Librairie en compagnie de Jean-Marie Gustave Le Clezio, deux octogénénaires désormais. Charles Juliet est connu pour tenir un journal depuis plusieurs dizaines d'années qu'il publie à intervalles réguliers.

    Ici dans ce récit, il rend hommage à ses deux mères, l'esseulée et la vaillante, l'étouffée et la valeureuse, la jetée dans la fosse et la toute donnée, autrement dit celle qui lui a donné le jour et celle qui l'a recueilli et élevé comme un de ses enfants.

    La première a subi un père autoritaire, taiseux, agriculteur, dans une ferme isolé, sans aucune ouverture, a connu un amour de jeunesse malheureux, a fait un mariage de circonstance, eu quatre enfants et a sombré dans la dépression avant de tenter de se suicider ce qu'il l'a conduit à l'hôpital psychiatrique où elle est morte de faim pendant la seconde guerre mondiale, victime comme beaucoup d'hospitalisés en HP d'une forme d'élimination par le régime de Vichy qui ne voulait pas dire son nom (40000 morts a priori).

    La seconde, déjà mère d'une famille nombreuse a recueilli l'enfant pour lui éviter d'être placé dans un famille d'alcooliques par son père. 

    Charles Juliet décrit ensuite son enfance paysanne, sa scolarité comme enfant de troupe, l'école de santé navale et sa découverte progressive de la littérature, lui qui est ignorant, qui le conduit à renoncer à devenir médecin. il travaille comme professeur de physique, puis il a la chance de rencontrer sa compagne qui va lui offrir le gite et le couvert et lui permettre de se consacrer à l'écriture, lui qui passe des jours et même des années sans parvenir à écrire ou à publier quoi que ce soit au point de tomber dans une grave dépression.

    Il va finir par se relever et parvenir à être le grand écrivain qu'il est devenu.

    Ce récit, il l'a écrit entre 1983 et 1995, 150 pages magnifiques! Et dire qu'il était dans ma bibliothèque et que je ne l'avais jamais lu!

  • Crime et châtiment

    Voilà qui est fait. Depuis le temps que je me disais qu'il fallait lire Crime et châtiment de Fedor MikhaÏlovitch Dostoïevski (1821-1881). Mort à soixante ans donc, encore jeune.

    Le deuxième confinement, je n'ose pas écrire le second, m'aura convaincu de passer à l'acte. j'ai donc passé presque tout le mois de novembre à Saint-Petersbourg, près de la place Sennaia, la place aux foins, avec un jeune étudiant, noble, miséreux, ayant abandonné ses études, mais brillant, un assassin, Rodion Romanovitch Raskolnikov (qui signifie schisme, coupure, l'intéressé s'est coupé du monde).

    Le crime de Raskolnikov consiste à tuer une vieille usurière à coups de hache, et sa soeur, malheureusement témoin du meurtre, à la voler puis à cacher le butin.

    Ce n'est qu'à la toute fin du roman à la page 651 que Raskolnikov avouera son crime à la police, sans que celle-ci ait réuni quelques preuve que ce soient et lors qu'elle s'apprête à renoncer à le soupçonner parce que un autre individu, Nicolas, s'est accusé pour d'obscures raisons du crime.

    C'est donc un roman éminemment psychologique qui nous ait offert. Raskolonikov n'est pas tout à fait convaincu lui-même d'avoir commis un crime. Il souligne souvent que d'autre personnage éminents, Napoléon ont des morts sur la conscience bien plus importants mais qu'ils sont néanmoins portés au pinacle parce que ces crimes était la condition de la réalisation d'interêt supérieur. Qu'est qu'une vieille usurière finalement. En quoi est -elle utile à la société?

    Mais à la différence des êtres supérieurs qu'il admire, Raskolnikov se rend compte qu'il n'en est pas un. Son crime le dévore, il ne l'assume pas finalement et a peur d'être démasqué, par sa famille, ses amis, la police. C'est une grande déception, il est comme tout le monde. Et il manque de courage. Il est tenté par le suicide. C'est Sonia, une petite prostitué, qui va le sauver.

    Crime et châtiment est aussi un portait passionnant de la Russie au temps d'Alexandre II, une Russie qui vient d'abolir le servage qui s'ouvre aux idées nouvelles : psychologie, sociologie alors que son prédécesseur Nicolas 1er pendant trente ans avait régné pour faire prévaloir l'autocratie, l'orthodoxie et l'a russie éternelle.

    C'est aussi un roman qui montre les ravages de la prostitution, de l'alcoolisme, de la pauvreté, de la faim.

    On peut le lire comme une fable sociale ou comme un roman policier.

    Et il faut se souvenir en le lisant qu'en 1849 Dostoïevsky fut condamné à mort pour délit d'opinion, attaché au poteau d'exécution avec ses camarades, puis gracié et condamné au bagne pour dix ans. Il écrira à la suite de ce séjour, Le souvenir de la maison des morts qui aura un retentissement un peu analogue à celui du Goulag de Soljenitsyne.

  • Fantaisies quantiques

    Sur la photo de couverture de cet ouvrage prise en 1911, on voit les meilleurs savants de l’époque réunis par Ernest Solvay pour un congrès de Physique à Bruxelles. On peut reconnaître Albert Einstein, Max Planck, Hendrik Lorentz, Jean Perrin, Ernest Rutherford, Paul Langevin, Arnold Sommerfeld, Henri Poincaré et, seule femme, Marie Curie. dix prix Nobel et deux de plus pour Marie Curie en physique en 1903 et en chimie en 1911.

    Ernest Solvay, inventeur d’un procédé industriel de fabrication de la soude et curieux des sciences physiques et en particulier de comprendre la matière avait eu l’idée de la réunion de ce conseil de physique. Des conseils qui allaient se réunir tout au long du XX siècle à intervalle régulier et scander les progrès de physique quantique, de la connaissance de l’atome à la théorie du big bang.

    Ne sont pas sur la photo mais ont pris le relais de leur maître Erwin Shrödinger, Paul Dirac, Wolfgang Pauli, Niels Bohr, Richard Feynman, Satyendra Nath Bose,  Bragg père et fil, Werner Heisenberg, Louis de Broglie, Joseph, John Thomson, George Gamow, l'abbé Georges Lemaître... et j'en passe.

    C’est Marina Solvay, l’arrière-arrière-petite-fille d’Ernest qui nous raconte, avec Catherin Doultremont, au travers de portraits vivants des acteurs de cette épopée, des controverses scientifiques, des débats, sur fond de Grande guerre, de montée du fascisme, d’exil des savants juifs en Amérique, de repli européen, cette magnifique avancée de la science. Magnifique même si cette aventure est aussi celle qui conduit à la suite du projet Manhattan à Hiroshima et à la perspective de la fusion nucléaire avec le projet ITER.

    j’avoue qu’on ne comprend pas toujours tout mais les portraits sont attachants, les anecdotes savoureuses et cela donne envie d’en savoir plus.

  • La route étroite vers le nord lointain

    La route étroite vers le nord lointain est le titre d’un récit de voyage de Bashô un écrivain japonais du XVII siècle. Richard Flanagan, écrivain australien originaire de Tasmanie, une île au sud du continent australien, fait le récit dans ce roman qui couvre 70 ans de la construction pendants la seconde guerre mondiale de la ligne de chemin de fer enstérer le Siam et la Birmanie, 450 km dans la jungle, vous avez tous vu un épisode décevant chantier, le pont de la rivière Kwai.

    350000 travailleurs forcés par l ‘empire japonais y ont contribué. Des populations locales occupées, des prisonniers de guerre, anglais, australInès, que les japonais méprisaient parce qu’ils avaient choisi de se rendre plutôt que de combattre. Les conditions de travail étaient épouvantables, hygiène, soins, alimentation, cadences, humiliations de toutes sortes, punitions, exécutions... 200000 morts pour ce crime contre l’humanité.Mais là où il y a du désespoir, du malaxeur, il y aussi de l’espérance, de l’amour, des l’amitié, du respect et c’est ce que montre ce roman.

    Le narrateur est un médecin australien, tout jeune au début du conflit, qui tombe amoureux d’Amy, la jeune femme de son oncle, alors qu’il doit et va se marier, juste avant de partir au front. Une fois prisonnier et à la tête de ses troupes, il ne pensera qu’à Amy. Ce qui le fera tenir. Ses hommes le respectent, et il les respectent, les soigne, les opère, les voit mourir, de belles pages d’amitiés. L’encadrement japonais est tout entier dévoué à l’empereur, à tout prix, malgré les crimes de guerre. Sadiques, drogués…

    A l’issue du conflit, les cadres japonais trouvent refuge et se réemploient dans la société, les sous-fifres sont exécutés, l’empereur reste sur le trône, Le narrateur fait carrrière en Tasmanie dans la médecine, devient célèbre, fais des enfants avec sa femme légitime, multiplie les aventures toujours insatisfaisante, perisuadé qu’Amy est morte dans un incendie peu après sa mobilisation.

    c’est donc un roman d’aventure mais aussi un roman sur la passion, sur l’amour, la ffidélité, l’amitié, un grand roman qui par ailleurs mous permet de relativiser nos petite malheurs du moment.

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  • Kyoto

    Un très beau roman sur la beauté, les traditions du Japon et l'identité du prix Nobel de littérature qu'est Yasunari Kawabata, né en 1899 et qui se suicida peu après son ami Mishima en 1972. Kyoto est paru en 1962.

    C'est l'histoire de deux soeurs Chieko et Naeko, deux jeunes soeurs qui ne se connaissent pas. Elles ont en effet été abandonnées à la naissance et leurs parents ont rapidement disparu. Mais Chieko a été recueillie ou volée, on ne sait pas vraiment, par une famille dont le père est tisserand, assez aisé même si son entreprise est en déclin du fait de l'effacement progressif des kimonos dans l'habillement des japonais. Chieko est une jeune fille amoureuse des fleurs, des arbres, elles adore se promener dans les parcs de Kyoto, assister aux fêtes traditionnelles, sortir avec des jeunes gens. Un jour elle rencontre lors d'une promenade en montagne Naeko, dont elle ignore l'existence, sa soeur jumelle. Naeko est une paysanne qui travaille dans la montagne, elle soigne soigner des arbres, préleve leur écorce, un travail difficile, elle vit seule, très modestement mais elle sait depuis longtemps qu'elle a une soeur jumelle. Et pour elle la retrouver est un émerveillement.

    Les deux jeunes femmes se rencontrent une fois deux fois trois fois, se découvrent, admirent leur ressemblance et  constatent aussi leurs différences, de condition, d'éducation.

    L'intrigue se développe avec entre chaque épisode des développements nostalgiques sur le Kyoto traditionnel et sa disparition progressive. Jusqu'au dénouement que je vous laisse découvrir.

  • Sur les falaises de marbre

    Un roman étonnant. Une fable sur la lutte entre le bien et le mal, un poème en prose dans une langue exceptionnelle très riche. Beaucoup y ont vu une dénonciation du nazisme, assimilant Le Grand forestier à Adolf Hitler. Mais ce dernier s'opposa à l'interdiction du livre, car admiratif de l'héroïsme d'Ernst Junger pendant la première guerre mondiale. Une expérience de la cure très rare!

  • Récits d'Odessa

    C'est la lecture de Cavalerie rouge (cf. chronique du 29 juillet dernier) qui m'a poussé à entreprendre la lecture de Récits d'Odessa d'Isaac Babel.

    Et puis le fait qu'il s'agisse d'Odessa. Mon arrière-grand-père, y serait né en 1858, parce que son père, y était expatrié en qualité d'ingénieur mécanicien. En fait, les deux époques sont bien différentes et en effectuant un minimum de recherche, il s'avère que mon arrière-grand-père est né à Spikow, dans le gouvernorat de Podolie dans l'empire russe, aujourd'hui Shpykiv, en Ukraine, à 450 km d'Odessa.

    Il y avait bien vers 1900 une importante communauté juive de l'ordre de 2000 personnes pour une population aujourd'hui de 4000 âmes. Mon arrière grand-père, qui n'était pas juif, est-il allé à Odessa, combien d'années a-t-il vécu en Ukraine? A priori sept ans, mais la mémoire de ces années est perdue, sa vie professionnelle s'est déroulée à Paris dans une compagnie d'assurance...

    Les récits d'Isaac Babel se situent eux autour des années 1920-1930 après la révolution communiste dans la communauté juive. Ce sont des récits écrits dans une langue merveilleuse, très imagée, des récits de vauriens, de pègre, mais aussi des récits pus intimistes, de courtes nouvelles, des gens pauvres, peu instruits, qui tentent de survivre dans un univers hostile.

    Extrait : Hershélé s'assit. Ses narines s'enfilaient comme des soufflets de forgeron. ...Une poule grasse se dandinait dans un potage doré. Hershélé était recroquevillé sur un banc comme une parturiente avant la délivrance. Il lui naissait dans la tête plus de projets que le roi Salomon n'eut de femmes dans sa vie...

    ou bien : Dans le temps, les gens avaient encore la foi, c'était simple. ...puis, un jour, les polonais se sont révoltés. A côté de chez nous, il y avait un comte. Le tsar en personne venait chez lui. ... Après il y eut l'insurrection. Des soldats sont venus, et ils l'ont trainé sur la place. Nous on était tous autour de lui et on pleurait. Les soldats ont creusé un trou. Ils ont voulu bander les yeux du vieux. Il a dit "pas la peine", il s'est mis face aux soldats et a crié "feu".

  • Cavalerie rouge

    Voilà un livre terrifiant. Cavalerie rouge est un recueil de nouvelles, très courtes, écrites par Isaac Babel (1894-1940), écrivain russe puis soviétique, né à Odessa dans une famille juive. Désireux d''être écrivain il n'arrive pas à vivre de son art et Gorki lui conseille de courir le monde.

    Il soutient la révolution de 1917, travaille pour le commissariat du peuple à l'éducation,  et s'engage dans l'armée rouge en 1920. Il sert dans la cavalerie rouge comme correspondant de guerre dans la Première Armée de Cavalerie de Boudienny, futur Maréchal soviétique.

    Durant cette campagne il tient son journal qui fait l'objet de la seconde partie du livre. Ce journal qui servira d'inspiration pour les nouvelles est absolument terrifiant. Il décrit les comportements, brutaux, cyniques, dépourvus d'idéologie des cosaques incultes qui composent cette armée. Des hommes sans aucune conviction révolutionnaire qui s'adonnent sans vergogne aux exécutions sommaires, aux pogroms et aux viols.

    Cavalerie rouge est paru en France en 1928. Dans les années trente Isaac Babel est accusé à l'occasion des grandes purges de déviationnisme, le Maréchal Boudienny  lui reproche le portrait peu flatteur de ses hommes, il est finalement arrêté en 1939, accusé de trotskisme, d'espionnage...il sera exécuté le 27 janvier 1940 pour être ensuite réhabilité en 1954.