Yasmina Khadra, ce militaire algérien retraité s'est surtout fait connaître avec Les hirondelles de Kaboul, puis avec l'Attentat qui met en scène une femme kamikaze au coeur du conflit isaélo-palestinien.
Ici, avec l'Irak, l'objectif est le même : essayer de comprendre ce "dialogue de sourds entre l'Orient et l'Occident" qui s'est bel et bien installé dans les relations internationales et dans nos têtes, n'en déplaise à ceux qui nient le choc des civilisations.
On suit donc, au rythme d'un roman policier, le parcours d'un jeune bédouin qui va décider de rejoindre la résistance à l'occupation américaine après avoir vu sa famille subir de plein fouet les effets dévastateurs d'une bavure de l'armée US, une parmi celles qui nous sont relatées par la télévision au journal de 20 heures.
On découvre au fil de l'itinéraire du jeune homme tous les aspects de la vie quotidienne en Irak, sur les routes, les checkpoints, à Bagdad même, la méfiance généralisée, la corruption des policiers, les logements crasseux, la misère sexuelle, la condition des femmes, mais aussi les points de vue des résistants, des partisans du nouvel ordre, les méthodes expéditives et barbares de la guérilla, les projets démentiels de 11 septembre plus plus plus. Tout cela est bien décrit, bien argumenté. Il y a bel et bien un mur d'incompréhension entre des populations humiliées depuis plusieurs décennies qui développent une rationalité qui nous semble totalement étrangère.
La fin du roman apporte un mince espoir, l'humanisme est en effet au fond de chaque individu et c'est un des éléments sur lesquels il faut sans doute parier pour un jour restaurer le vrai dialogue des civilisations qu'il nous faut en attendant promouvoir sans cesse.
De belles pages sur Beyrouth, en introduction à ce roman, mais qui ne plairont pas à tous les libanais :
Ce n'est qu'un ville indéterminable, plus proche de ses fantasmes que de son histoire, tricheuse et volage, décevante comme une farce...Elle a vécu le cauchemar grandeur nature - à quoi cela lui a t-il servi?...Il y a dans sa désinvolture une insolence qui ne tient pas la route. Cette ville ment comme elle respire. ses airs affectés ne sont qu'attrape-nigauds. Le charisme qu'on lui prête ne sied pas à ses états d'âme; c'est comme si on couvrait de soie une vilaine flétrissure.
A chaque jour suffit sa peine, martèle t'elle sans conviction. Hier, elle braillait ses colères à travers ses boulevards au vitrines barricadées. Ce soir, elle va s'envoyer en l'air...Dans le slalom des phares, les grosses cylindrées se prennent pour des coups de génie...Les gens vont s'éclater jusqu'au petit matin, si copieusement que les clochers ne les atteindront pas.
Voilà Beyrouth et donc un peu l'Occident vu par le héros des Sirènes de Bagdad .
Un livre à lire qui vaut tous les bulletins d'informations. Ainsi va le monde!