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Histoire - Page 7

  • Classé sans suite

    Plonger, dans les faits, essayer de les reconstituer...

    Claudio Magris part dans ce roman d'une histoire réelle, celle du professeur Diego de Henriquez un citoyen de Trieste, homme de grande culture, opiniâtre, qui passa sa vie a collectionner des armes de guerre pour en faire un musée de la paix... Musée qui partit un jour en fumée en même temps que son fondateur ce qui donna lieu à une enquête qui fut classée sans suite.

    Ce roman n'est pas une biographie, Claudio Magris s'est inspiré de cette histoire pour dresser celle de nos faiblesses face à l'histoire.

    A Trieste, l'ancienne usine de décorticage du riz, la Rizerie, fut transformée pendant la seconde guerre mondiale en camp d'extermination : 25000 personnes passèrent par ce camp, 20000 pour partir pour les camps allemands, 5000 environ pour être exterminées sur place. Arrestations, dénonciations, tournures, exécutions sommaires, résistants, juifs, 

    La fondateur du musée a récolté un maximum d'indices, les noms des prisonniers, des victimes, de ceux de leurs dénonciateurs, ceux des chefs du camp, des notables, des complices qui portaient des toasts à la gloire du Führer. Qui est coupable, qui sera jugé responsable?

    L'omerta va peser durant des années sur ces épisodes. Les roman est également l''occasion de narrer le travail d'un collaboratrice du fondateur Luisa , personnage fictif qui tente de reprendre le travail après l'incendie, organiser les salles du musée, de reconstituer les mémoires rassemblées mais tout est effacé, les murs blanchis à la chaux, les carnets brûlés, elle-même a un passé incertain, fille d'un soldat noir américain, Brooks, un descendant d'esclave, mort prématurément, juive par sa mère, sa grand mère Déborah a sans doute finit ses jours à la Rizerie mais a aussi probablement été dénonciatrice. Assumer le passé est difficile, ou est la vérité?

    De même pour ce soldat polonais, exécuté par les allemands parce qu'il aurait refusé de tirer sur des compatriotes, devenu héros national mais qui serait peut-être tout simplement un déserteur.

    Un roman d'une grande érudition très Mitteleuropa qui permet également de revivre la libération de Trieste, entre troupes néo-zélandaises, résistance italienne, occupants allemands, titistes, communistes...

    PS : je suis allé pour la première fois à Trieste l'an dernier passer une journée lors d'un séjour à Venise et j'ai omis, faute de connaissance, d'aller visiter ce lieu de mémoire qu'est devenu la Rizerie. La prochaine fois...

  • Repentir

  • Cavalerie rouge

    Voilà un livre terrifiant. Cavalerie rouge est un recueil de nouvelles, très courtes, écrites par Isaac Babel (1894-1940), écrivain russe puis soviétique, né à Odessa dans une famille juive. Désireux d''être écrivain il n'arrive pas à vivre de son art et Gorki lui conseille de courir le monde.

    Il soutient la révolution de 1917, travaille pour le commissariat du peuple à l'éducation,  et s'engage dans l'armée rouge en 1920. Il sert dans la cavalerie rouge comme correspondant de guerre dans la Première Armée de Cavalerie de Boudienny, futur Maréchal soviétique.

    Durant cette campagne il tient son journal qui fait l'objet de la seconde partie du livre. Ce journal qui servira d'inspiration pour les nouvelles est absolument terrifiant. Il décrit les comportements, brutaux, cyniques, dépourvus d'idéologie des cosaques incultes qui composent cette armée. Des hommes sans aucune conviction révolutionnaire qui s'adonnent sans vergogne aux exécutions sommaires, aux pogroms et aux viols.

    Cavalerie rouge est paru en France en 1928. Dans les années trente Isaac Babel est accusé à l'occasion des grandes purges de déviationnisme, le Maréchal Boudienny  lui reproche le portrait peu flatteur de ses hommes, il est finalement arrêté en 1939, accusé de trotskisme, d'espionnage...il sera exécuté le 27 janvier 1940 pour être ensuite réhabilité en 1954.

  • Cités à la dérive

    J'ignorai totalement l'existence de Stratis Tsirkas (1911-1980) et de cet ouvrage, ou plutôt de ces trois ouvrages, intitulés Le Cercle, Ariane et La chauve-Souris, et réunis sous ce titre de Cités à la dérive. le premier a pour cadre Jérusalem, le second Alexandrie et le troisième Le Caire. L'action se déroule dans les deux dernières années de la seconde guerre mondiale.

    C'est à la lecture de Zone de Mathias Enard que je dois la découverte de cette fresque qui relate la résistance de la gauche grecque, exilée au Proche-orient, alliée de circonstance des britanniques contre l'occupant nazi de leur pays.

    On y croise des résistants de tendance stalinienne qui organisent des brigades militaires prêtes à rejoindre le front, mais aussi des résistants idéalistes, humanistes, des diplomates de sa Majesté, des autrichiens qui rêvent de restaurer la dynastie des habsbourg sur l'Autriche, des espions, des espionnes. Tout ce petit monde s'observe, se surveille, élabore des stratégies, dénonce, les couples se forment et se séparent, il y a des victimes, un combat permanent entre aspiration aux libertés individuelles et exigences de la lutte.

    On découvre à cette occasion combien effectivement la Grèce, et partant les grecs a souffert, il y a une excellente introdution historique, et on sait bien entendu combien cette résistance aura été mal récompensée à la fin de l'histoire, la Grèce allant pour de nombreuses années de dictatures en dictatures.

    Pas toujours facile à lire tant il y a de personnages, historiques et romancés.

    Il existe une adaptation cinématographique en huit épisodes :

     

  • Zone

    Ouf! une seule phrase sur 515 pages soit le nombre de kilomètres entre Milan et Rome. Ce roman est le récit très érudit des pensées, des souvenirs, d'un ancien espion, mais aussi d'un ancien criminel de guerre en Bosnie et en Croatie, qui fait le voyage en train pour aller céder au Vatican une précieuse valise pleine de documents compromettants amassés au cours de son ancienne vie. Son ancienne vie car il a usurpé l'identité d'un de ses anciens camarade de jeunesse devenu interné psychiatrique que tout le monde a oublié et il compte refaire sa vie. 

    Mais avant d'arriver à Rome , il évoque tous les conflits qui ont eu lieu en Méditerranée orientale depuis la guerre de Troie, jusqu'à la guerre en ex-yougoslavie, et pas du tout sous l'angle de la géopolitique, mais sous celui du vécu des personnages, des acteurs de ces conflits, d'Achille aux pieds agiles, à Marwan le palestinien dont le corps git dans la rue à Beyrouth et que sa compagne Intissar est déterminée à à aller hercher sous le feu des israéliens. 

    Le narrateur lui -même se remémore ses crimes, les exécutions sommaires, la mort de son compagnon d'arme, dans la boue, frère qu'il n'ira pas chercher, pas le temps, trop risqué, pas de sépulture pour celui-là. Et pas de sépultures non plus pour les milliers de juifs assassinés par les nazis.

    Le monde de Matthias Enard n'est pas beau à voir et on se dit à la sortie de cette lecture que le monde d'après n'est pas pour demain.

    Prix du livre Inter et prix Décembre en 2008, avant le prix Goncourt pour Boussole

  • Pavés de mémoire

    Place Saint Pierre à Bordeaux, Günter Demnig, un artiste allemand,  rend hommage aux victimes du national-socialisme en scellant les trottoirs de nombreuses villes européennes des "stolpersteine" (littéralement: pierre sur laquelle on trébuche). Ces pavés dorés, gravés au nom des victimes, sont scellés devant leurs derniers logements.

    Ici la famille Baumgart, les deux parents, les trois enfants, des juifs. Des pavés de ce type, il y en aussi à Bégles pour rendre hommage à des résistants français et sur la place des droits de l'homme à Bordeaux devant le palais de justice.

    Un bon objectif de promenade.

  • Li chin

    Victor Collin du Plancy est diplomate. il est le premier représentant de la France en Corée en 1890. il a réellement existé et il est l'un des premiers à s'être intéressé aux arts coréens et on lui doit l'amorce des collections du musée Guimet à Paris

    Li chin est elle un personnage de fiction, une orpheline devenu danseuse à la cour royale de Corée, la plus belle, la meilleure, éblouissante...Elle est évoquée dans un manuscrit de quatre pages retrouvées dans les archives du successeur de Collin.

    A t-elle été réellement sa maitresse, qui était-elle, nul ne le sait vraiment.

    Tour l'art de Shin Kiung look est d'inventer une idylle entre Collin et Li Chin. Il la voit danser à la cour, en tombe immédiatement amoureux, elle n'y est pas insensible et il parvient à obtenir de la cour qu'elle vienne vivre à la légation, puis il l'emmène en France ou elle va découvrir la modernité de l'époque, la liberté, avant de revenir en Corée. En France Elle rencontre Maupassant, Guimet, les rues de Paris, les musées, où elle s'étonne de la présence abondante d'oeuvres d'art étrangères, grecques romaines...qui ne sont pas à leur place... elle gagne un peu sa vie en proposant des ouvrages à la fondatrice d'une grand magasin...mais le mal du pays fait son oeuvre...Elle rentre avec Collin dans un premier temps puis il repart et elle affronte son destin, je vous laisse le plaisir de le découvrir. Il sera tragique.

    Cette plongée dans la Corée du XIX siècle finissant est intéressante aussi pour cette partie de l'histoire.La Corée à l'époque est la proie des missionnaires européens qui tentent de la christianiser, il en reste un petit quelque chose aujourd'hui, mais surtout des appétits de la Chine et du Japon, qui la domine sans vergogne, le pouvoir de la cour coréenne est une fiction, sans oublier l'ombre de la Russie et des puissance occidentales.

    Un livre attachant.

     

  • 21 leçons pour le XXI siècle

    Très facile à lire en anglais mais il existe une version française chez Albin Michel.

    J'avais été enthousiasmé par Sapiens, qui visait à retracer l'histoire d'homo sapiens, un peu moins par Homo Deus, qui visait  à imaginer le futur à long terme de Sapiens, et j'ai été plutôt déçu par cet essai sur les défis pour Sapiens au XXI siècle.

    D'abord parce que le livre manque d'unité. C'est une recomposition de diverses contributions à des revues ou magazines sur des thèmes qui se recoupent et donc en dépit de la tentative d'ordonnancement, il y a d'inévitables redites.

    Comme dans Sapiens, les enjeux sont bien soulignés mais les solutions restent à trouver... Celle évoquées laissent parfois réveur. Par exemple devant le constat que beaucoup de personnes peu qualifiées risquent de se trouver inutiles à l'avenir, irrelevant, Harari juge que le plus beau des jobs est sans doute de s'occuper des enfants, certes, mais avec quelles ressources?

    La principale leçon est sans doute que Sapiens n'est pas raisonnable : pourquoi par exemple Sapiens a-t-il autant peur du terrorisme, qui fait très peu de morts chaque année et n'a pas peur du sucre, du tabac ou de la pollution, beaucoup plus meurtriers?

    Harari dans le dernier chapitre propose comme solution la méditation, il la pratique deux heures par jour et fait une retraite par an.

    Au total le livre est assez pessimiste compte tenu des enjeux qui nous attendent : intelligence tificielle, bio technologies et notre addiction à nous raconter des histoires, qu'il s'agisse des religions ou autres storytelling qui

    n'ont de réalité que ce que nous voulons bien leur reconnaitre.

    Donc s''attacher à regarder la réalité en face est sans doute la seule conduite à tenir et il faut s'y tenir.

    Et puis, et la période s'y prête, se poser régulièrement pour réfléchir : diagnostic de la situation, opportunités, menaces, actions, les vieilles recettes autrement dit.

  • Lisière

    voici un bel ouvrage de Kapka Kabassova, une actrice comme on dit maintenant, bref une auteure bulgare aujourd'hui âgée de 47 ans qui émigra à la fin de son adolescence en Nouvelle-Zélande où elle étudia la français à l'université et qui vit lorsqu'elle ne voyage pas en Ecosse.

    Avec ce récit elle revient en Bulgarie, dans le sud aux confins de la Grèce et de la Turquie. Et c'est l'occasion d'une suite de récits qui mêlent histoire, mythologie, légendes, philosophie, géographie.

    Cette région méconnue aux frontières qui ont été déplacées maintes fois a vu passer des milliers de pauvres gens, réfugiés, fugitifs, militaires, garde-frontières, passeurs. Les populations ont été islamisées, christianisés, ont été obligées de changer de nom, de nationalité, ont dénoncé, été dénoncées, assassinées par les pouvoirs en place, les voisins, les mafias, les chercheurs de trésor. Les rappels historiques sont illustrées des témoignages des héros anonymes rencontrées par l'auteure, des personnes attachantes, d'une grande simplicité si ce n'est toujours dune grande moralité.

    La forêt, profonde, garde trace des thraces, ses premiers occupants, les rivières sont vivantes, les sources magiques mais tout cela sera bientôt du passé car les progrès est là qui arrive...

    Et pour ne rien gâcher, l'écriture est belle.

  • Guerre et paix

    Ce n'est pas une relecture mais un découverte. J'ai mis longtemps à m'y mettre et si vous êtes comme moi allez y, surtout en cette période de confinement. Les éditions Points ont retenu une version courte, Tolstoi a publié ce roman d'abord en feuilleton puis en plusieurs éditions toutes différentes. Cette version, ramassée, met l'accent sur les aspects romanesques au détriment de passages philosophiques prétendument trop longs.

    Peu importe, c'est une oeuvre brillante et attachante que l'on abandonne une fois lue avec regrets tant les personnages au fil des pages nous sont devenus familiers.

    Il y a bien sûr l'aspect historique, les conquêtes de Napoléon en Europe, Austerlitz, Borodino, la prise de Moscou, son incendie et la débâcle des français. L'opposition entre deux empereurs. L'un issu de la révolution française, Alexandre porté par une aristocratie rétrograde, autant que brillante.

    Il y a les batailles, sabre au clair, les stratégies militaires, dont Tolstoi nous explique qu'elle ne sont qu'apparentes, bricolées par les circonstances, l'essentiel étant de faire peur à l'adversaire pour qu'il fuit... les mesquineries entre les généraux, des deux côtés, la recherche de la gloire, des places, des honneurs, la misère des blessés...

    Il y a les salons de l'aristocratie russe à Petersbourg, on y parle français, on y est bienveillant chez les Rostov, fiers chez les Bolkonski,il y a les mariages à arranger, les dots à saisir pour les nobles désargentés, les planques dans les Etats-majors pour les fils de bonne famille, les vrais héros romantiques comme le prince Andrei, les bandits comme Dolokhov, les illuminés comme Pierre Bezooukhov, héritier richissime qui ne parvient à rien faire de sa vie, même si c'est une pure intelligence, les francs maçons, les grenouilles de bénitiers, les serfs oppressés par leur maîtres tout puissant.

    Il y a du fatalisme chez Tolstoi, l'homme est le jouet du destin et n'a guerre de prise sur lui. on vit, on meurt, on flirte, on se bat, on trahit, on pardonne...mais on ne fait pas l'histoire.

    Et il y a de la poésie : 

    "Comme les nuages glissent paisiblement, pendant que nous sommes là, à courir, lutter et crier. Pourquoi n'avais-je encore jamais remarqué la profondeur du ciel ? Comme je suis heureux d'avoir découvert cela. La guerre, la gloire, toutes ces choses auxquelles j'aspirais tant n'ont plus aucun sens. Tout est vanité, tout est tromperie, hormis l'immensité du ciel." Le Prince Andrei blessé sur le champ de bataille à Austerlitz.