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Livre - Page 27

  • Parfums

    parfums.gifCe n'est pas un roman. J'avais beaucoup aimé Le rapport de Brodeck et Les âmes grises. Ici ce sont des souvenirs d'enfance, pour l'essentiel, déclinés, en deux ou trois pages, par ordre alphabétique, à partir du parfum qui les caractéristise. Parfum au sens large, car il peut s'agir de puanteur.

    Et puis le parfium est ici un pretexte pour évoquer d'autres sensations, visuelles, auditives, des sensations qui font qu'on se souvient, très bien, de ceci ou de cela.

    Autre charme de ce livre, tout se passe ou presque en Lorraine, le pays des tartes aux mirabelles, un pays de taiseux, que j'aime par fidélité à deux de mes grands parents.

    J'ai un peu plus de dix ans de plus que Philippe Claudel et donc les souvenirs d'enfance et d'adolescence ne sont pas tout à fait les mêmes, il y a un peu de décalage, mais c'est tout de même charmant.

    Et puis l'écriture, le style, sont superbes.

    Mon parfum préféré, celui intitulé "Réveil".

  • Thérèse Desqueyroux

    thereselivre.jpgthéresefilm.jpgJ'ai d'abord lu le livre, je ne crois pas l'avoir lu autrefois, et puis j'ai été voir le film. Difficile de se rendre compte de ce fait de la qualité du film car j'étais encore tout imprégné de la force du roman de Mauriac, un roman qui n'a pas pris une ride. J'en devinais toutes les répliques.

    Famille je vous hais! La famille plus forte que la justice! Quelle peinture accablante de la société!

    Thérèse se voudrait libre, elle a des aspirations de modernité mais au lieu de les réaliser elle empoisonne Bernard, son mari, un  être tout plein de ses certitudes, chasse, pins, bouffe... Accusée par le pharmacien du village, elle s'arrange avec son mari pour obtenir un non lieu afin de sauver les apparences, préserver la sainte famille, le mandat de sénateur de son père, toute une série de renoncements, une vie de recluse, prisonnière sous la garde de ses domestiques...

    On éprouve de la compassion pour cette empoisonneuse, ce monstre au fond, parce que sa famille, par rigidité, par conformisme,  peur du qu'en dira-t-onn'en suscite aucune. Qui est responsable à la fin du naufrage de toutes ces vies?

  • Le sermon sur la chute de Rome

    ferrari.jpgC'est sans aucun doute un bon prix Goncourt. Je l'ai acheté avant que le prix ne soit décerné et cela ne m'a pas dissuadé de le lire. Il y a dans ce livre le portrait  ou le parcours de personnages appartenant à trois générations issues d'un petit village de l'Ile dite de beauté.

    Des gens médiocres dans l'ensemble mais auxquels on s'attache au fil de la lecture, une sorte de compassion pour ces petites vies. Jérome Ferrari utilise plusieurs styles selon les générations auxquelles il s'attache, le style n'est pas linéaire ce qui rend la lecture très agréable.

    Au delà de la chute de Rome et donc de toute civilisation, c'est un portrait de notre humanité qui nous est donné et ce n'est pas encourageant, heureusement, d'autres êtres humains sont là pour relever le niveau et ne pas desespérer de l'espèce.

    Quant à juger si ce livre donne une bonne idée de ce qu'est la Corse aujourd'hui, je ne m'aventurerai pas car je connais mal ces départements ou ce pays comme on voudra.

  • Romanes

    romanes.jpg"Si tu veux dire la vérité, assure-toi que tu as un bon cheval".

    "Si tu es au fond du trou, arrête de creuser".

    C'est avec ces deux citations qu'Alexandre Romanès à la fin de son spectacle fait la promotion de son dernier livre.

    Le Cirque Romanès se donne en effet en spectacle jusqu'au 6 janvier à Bordeaux, Quai Deschamps. Il faut y aller, avec peu de moyens, pas d'animaux ou si peu, la famille Romanes enchaine dans un rythme soutenu les numéros de jonglerie, de trapèze, d'équilibriste, et la musique, tzigane, bien sûr; est omniprésente, avec en particulier un superbe papi violoniste.

    Un peuple de promeneurs c'est bien sûr une réponse au discours de Grenoble de l'ancien président de la république stigmatisant les roms, les roms qui selon Romanès n'existent pas, il préfère parler de gitans et de tziganes.

    Alors pour contribuer à réhabiliter ces populations allons au cirque et surtout lisons Un peuple de promeneurs, ce petit livre écrit par un homme encore illétré la quarantaine venue nous donne à voir le regard porté par les tziganes sur nos sociétés, celles qui ont inventé les frontières, la bombe atomique, la colonisation, l'inquisition...

     "Je suis souvent dans la lune. Il m'arrive de quitter la pompe à essence ou le restaurant sans payer, comment expliquer quand on est gitan qu'on n'a pas voulu voler".

    "Quand un homme présente une façade impeccable,  c'est qu'il ne l'est pas".

    "La télévision est une poubelle et comme dans les poubelles, dès fois, on y trouve quelque chose".

    "Le monde est compliqué, tout est difficile, même vendre des frites au coin de la rue!

  • Le pont des assassins

    assassins.jpgJe l'ai lu à Venise lors du WE de la Toussaint. C'était alta acqua les eaux hautes, et j'ai dû acheter des bottes pour me rendre à ma pension près du ponte del Accademia.

    Il n'y avait pas encore de neige comme cette nuit de Noël de 1627 où Diego Alatriste le désormais célébre capitaine espagnol des romans d'Arturo Perez -Reverte se retrouve en la compagnie de son pire ennemi le traitre Malatesta à la tête d'une conjuration espagnole qui doit assassiner le Doge de Venise en pleine messe de Minuit.

    Au delà de l'intrigue, le plaisir réside dans le cadre et l'époque où elle se situe. Perez Reverte nous fait un portrait de Venise sans complaisance, l'Espagne et la République de Venise ont été ennemies et il en reste quelque chose. Corrruption, espionnage, dénonciations, complots, femmes redoutables, ruelles sinistres, bouges, putains, quelques scènes d'escrimes, une île aux squelettes pour finir. il y a du Alexandre Dumas chez l'académicien espagnol et de belle formules telles ce ciel qui pendait comme une panse d'ane au dessus de la lagune... On revisite le quartier de San Marco, Un Arsenal en pleine activité de construction et de réparation de galères... une Venise disparue aujourd'hui.

    Les groupes de touristes qui se pressent place San Marco ou au pont du Rialto ne se demandent sans doute pas comment toute cette richesse a été accumulée, par qui, au détriment de qui? Notons que s'il est de bon ton de critiquer les riches par les temps qui courrent, le bon peuple continue de les admirer en masse  à Venise , du Palazzio ducale à la Fondation Pinault!

    Bref une agréable lecture.

  • Home

    home.gifEst-on jamais chez soi quand on est afro-américain? Ce court roman, presque une nouvellei raconte de façon très poétique la vie de Frank Money, un ancien combattant de la guerre de Corée qui revient chez lui, at home, à Lotus, en Géorgie, le pire endroit de la terre, et de sa petite soeur, Cyndra.

    Toni Morrisson nous fait toucher du doigt la dure condition et l'adjectif est faible, l'indicible condition des noirs américains dans les années cinquante.

    Ségrégation raciale, crime de guerre, abus de toutes sortes, rien n'est épargné aux deux jeunes gens. Comment se construire dans ces conditions?

    Le roman est écrit comme un puzzle et ce n'est qu'à la fin que toute les pièces s'assemblent comme par miracle. Je vais le relire en français pour en apprécier toute la finesse d'écriture.

  • 14

    cvt_14_4176.jpegCinq hommes, des vendéens, partent à la guerre. Blanche, les mains sur le ventre attend le retour de deux d'entre eux. Qui reviendra, dans quel état? En moins de 120 pages, Jean Echenoz nous taille un portrait des quatre années de la grande guerre dont on va bientôt célébrer le centenaire. Célébrer ou  commémorer, il n'y a pas de quoi pavoiser. En quelques lignes, on comprend rapidement qu'au delà des enjeux stratégiques, c'est une boucherie. Cette guerre on la vit là de l'intérieur, il n'y a pas grand chose à comprendre, au delà du tumulte, du bruit, de la feraille, du sang, des tiques, des poux, de la gadoue, des rats, des blessures franches qui garantissent un retour à l'arrière, des gendarmes, des fusillés, des mutilés, des gaz...

    J'ai revu en lisant ces lignes les visages de mes grands pères, de mes grands oncles, leur dignité de grands blessés, dans leur corps parfois, dans leur âme toujours.

    Un grand merci à Jean Echenoz pour ce livre salutaire.

  • Le bateau Ivre

    Rimbaud avait dix-sept ans lorsque pour la première fois il a déclamé Le Bateau Ivre à ses amis depuis le 1er étage d'un café aujourd'hui disparu, place Saint Sulpice à Paris. C'était en 1871. La Fondation Tegen Beeld de Leyde, aux Pays-Bas, a imaginé que ce jour là le vent soufflait fort depuis la place Saint Sulpice et s'engouffrait dans la rue Férou qui conduit au Sénat. On peut donc lire le fameux poème  écrit à la main sur le mur de pierres de la rue Férou de droite à gauche.

    Vive l'Europe! Le  défi consiste à apprendre  le bateau ivre par coeur... ou à vérifier que l'on s'en souvient!

     

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  • Noces

    albert camusLivre étrange, livre de jeunesse pour partie écrit avant la guerre et livre passionnant.

    Dans Noces, un ensemble de quatre nouvelles ou plutôt d'essais écrits en 1937 et 1938, Camus célèbre son Algérie, le soleil, la mer, Alger, Djémila, Oran, le désert., le vent...

    Dans l'Eté, le propos est plus philosophique avec parfois des jugements étonnants sur l'homme algérien sans histoire et sans intelligence, fait pour jouir du soleil et de la mer au contraire de l'italien ou de l'espagnol par exemple qui sont riches de leur passé...

    Le plus beau texte est celui intitulé Les amandiers, écrit en 1940, il ne fait que quatre pages, une réflexion sur la lutte permanente entre la force et l'esprit. Reprenant Nietzsche, Camus fait l'éloge des vertus conquérantes de l'esprit, la force de caractère, le goût, le monde, le bonheur classique, la dure fierté, surtout la force de caractère...

    On a en bien besoin.

  • Lettre persane 86 - Toujours d'actualité

     

    Lpersanesmarteau.jpgTu sais Mirza, que quelques ministres de Cha-Soliman avaient formé le dessein d'obliger tous les Arméniens de Perse de quitter le royaume, ou de se faire mahométans, dans la pensée que notre empire serait toujours pollué, tandis qu'il garderait dans son sein ces infidèles.
        C'était fait de la grandeur persane, si dans cette occasion l'aveugle dévotion avait été écoutée.
        On ne sait comment la chose manqua; ni ceux qui firent la proposition, ni ceux qui la rejetèrent, n'en connurent les conséquences: le hasard fit l'office de la raison et de la politique, et sauva l'empire d'un péril plus grand que celui qu'il aurait pu courir de la perte de trois batailles et de la prise de deux villes.
        En proscrivant les Arméniens, on pensa détruire en un seul jour tous les négociants, et presque tous les artisans du royaume. Je suis sûr que le grand Cha-Abas aurait mieux aimé se faire couper les deux bras que de signer un ordre pareil, et qu'en envoyant au Mogol et aux autres rois des Indes ses sujets les plus industrieux, il aurait cru leur donner la moitié de ses Etats.
        Les persécutions que nos mahométans zélés ont faites aux Guèbres les ont obligés de passer en foule dans les Indes; et ont privé la Perse de cette laborieuse nation, si appliquée au labourage, qui seule, par son travail, était en état de vaincre la stérilité de nos terres.
        Il ne restait à la dévotion qu'un second coup à faire: c'était de ruiner l'industrie; moyennant quoi l'empire tombait de lui-même, et avec lui, par une suite nécessaire, cette même religion qu'on voulait rendre si florissante.
        S'il faut résonner sans prévention, je ne sais, Mirza, s'il n'est pas bon que dans un Etat il y ait plusieurs religions.
        On remarque que ceux qui vivent dans des religions tolérées, se rende ordinairement plus utiles à leur patrie que ceux qui vivent dans la religion dominante; parce que, éloignés des honneurs, ne pouvant se distinguer que par leur opulence et leur richesses, ils sont portés à en acquérir par leur travail, et à embrasser les emplois de la société les plus pénibles.
        D'ailleurs, comme toutes les religions contiennent des préceptes utiles à la société, il est bon qu'elles soient observées avec zèle. Or qu'y a-t-il de plus capable d'animer ce zèle que leur multiplicité?
        Ce sont des rivales qui ne se pardonnent rien. La jalousie descend jusque aux particuliers: chacun se tient sur ces gardes, et craint de faire des choses qui déshonoreraient son parti, et l'exposeraient aux mépris et aux censures impardonnables du parti contraire.
        Aussi a-t-on toujours remarqué qu'une secte nouvelle introduite dans un Etat était le moyen le plus sûr pour corriger les abus de l'ancienne.
        On a beau dire qu'il n'est pas dans l'intérêt du prince de souffrir plusieurs religions dans son Etat. Quand toutes les sectes du monde viendraient s'y rassembler, cela ne lui porterait aucun préjudice; parce qu'il n'y en a aucune qui ne prescrive l'obéissance et ne prêche la soumission.
        J'avoue que les histoires sont remplies de guerres de religion: mais qu'on y prenne bien garde, ce n'est point la multiplicité des religions qui a produit ces guerres, c'est l'esprit d'intolérance qui animait celle qui se croyait la dominante.
        C'est cet esprit de prosélytisme, que les Juifs ont pris aux Egyptiens, et qui d'eux est passé, comme une maladie épidémique et populaire, aux mahométans et aux chrétiens.
        C'est enfin cet esprit de vertige, dont les progrès ne peuvent être regardés que comme une éclipse entière de la raison humaine.
        Car enfin, quand il n'y aurait pas de l'inhumanité à affliger la conscience des autres, quand il n'en résulterait aucun des mauvais effets qui en germent à milliers, il faudrait être fou pour s'en aviser. Celui qui veut me faire changer de religion ne le fait sans doute que parce qu'il ne changerait pas la sienne quand on voudrait l'y forcer: il trouve donc étrange que je ne fasse pas une chose qu'il ferait lui-même, peut-être pour l'empire du monde.

        A Paris, le 26 de la lune de Gemmadi 1, 17