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Liban - Page 3

  • L'olivier

    Ils sont rares les oliviers sur les trottoirs de Beyrouth. Les arbres les plus répandus en bordure de voie sont le laurier rose, le ficus, l'acacias, le jacaranda,  le pin, le palmier dattier sur la corniche... Les cèdres, ceux qui restent, sont dans la montagne

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    Cet olivier, dans la rue qui descend de la place Sassine à l'Université saint Joseph, a été planté il y a un peu moins de cinq ans.

    Il perpétue la mémoire de Samir Kassir, historien et journaliste, français et libanais, études d'histoire et de philosophie à la Sorbonne, éditorialiste à An Nahar, fondateur de la version arabe du Monde diplomatique, assassiné à cet emplacement le 2 juin 2005 dans un attentat à la voiture piégée.

    Il n'est jamais trop tard pour lire son Histoire de Beyrouth et surtout son dernier livre, toujours actuel : Considérations sur le malheur arabe.

  • Vacarme

    Tôt le matin, on entend l'appel du muezzin et les cloches au son aigrelet des églises chrétiennes, à moins que ce ne soient les camions de Suckleen qui réveillent le visiteur, ils vident les grandes bennes à ordure, en tôle verte, puis on entend les premiers klaxons, les premières sirènes hurlantes des FSI, Beyrouth s'éveille. Un peu plus tard les chantiers se mettent en route. Ici les ouvriers, syriens la plupart, démolissent une vieille demeure de style ottoman, là, on creuse des trous profonds pour abriter les parkings souterrains, plus loin, on construit des tours toutes sur un modèle quasi identique, 10 à 30 étages, des appartements de 300 à 500 mètres carrés pour des arabes du Golfe ou des émigrés libanais, enrichis qui en Afrique qui au Moyen-Orient, qui aux Amériques... Les pelleteuses, les marteaux piqueurs, les bulldozers, les camions remplis de gravats s'en donnent à coeur joie. Impossible d'y échapper, il y a un chantier dans chaque pâté de maison, Beyrouth, le vieux Beyrouth, du moins ce qu'il en reste, disparait.

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    C'est l'été ou presque, il fait déjà très chaud, ouvrir les fenêtres, c'est s'exposer à la poussière des chantiers, omniprésente, et au bruit, alors va pour la clim, mais il y a les coupures d'électricité, annoncées désormais sur Internet par EDL, l'EDF locale, les générateurs privés d'électricité de quartier tournent à plein régime, ils fonctionnent au fuel, d'où, avec la circulation automobile, le nuage de pollution qui domine la ville en permance et qu'on découvre lorsqu'on descend de la montagne.

    La circulation est toujours infernale, il y a plus de feux rouges et même, quelle audace, des signaux lumineux pour les piétons mais traverser la rue Charles Malek à pied relève de l'aventure périlleuse, tant l'automobiliste libanais est impatient d'arriver, désireux de montrer qu'il va vite avec son 4x4. Et il faut aussi compter avec les scooters qui filent à toute allure dans tous les sens et les livreurs de pizzas payés à la course qui risquent leur vie à tout instant au point qu'on les appelle parfois les livreurs de greffons...

    Le soir, rien ne se calme, c'est le Mondial de foot-ball et donc, à chaque but, s'élèvent des clameurs, en fin de match, des feux d'artifice, quand ce ne sont pas dans certains quartiers des tirs de Kalachnikov en l'air. Heureusement les pays de la région ne sont pas de la partie.

    De ce point de vue l'équipe de France a jusqu'ici contribué au calme, qu'elle en soit remerciée!

  • Savoir vivre

    savoir vivre.jpgCet hiver, Hedi Kaddour a publié deux livres en même temps, les pierres qui montent, journal d'un lecteur, d'un cinéphile, sorte de guide de lecture et d'écriture (cf. chronique du 5 mars 2010 ) et ce roman, Savoir vivre, que l'on lit forcément avec en tête ce que l'on a retenu du journal.

    Hédi Kaddour situe l'action de son roman dans le Londres des années d'après la première guerre mondiale sur fond de montée du fascisme, mais un fascisme british. Kaddour nous promène un petit peu sans que l'on sache très bien ou l'on va. On rencontre successivement, Lena, une cantatrice américaine, Max, un journaliste français, son ancien amant, Thibaut, un jeune joueur de piano, le colonel de réserve Strether, aujourd'hui maitre d'hôtel, Gladys, une veuve de guerre éplorée...

    La promenade est fort agréable car l'écriture est travaillée, ciselée, on de demande comment tout cela va bien pouvoir finir et Hedi Kaddour nous réserve une fin vertigineuse ou tout s'articule enfin. Tout était là, déjà, une très belle construction.

    Un petit mot pour finir pour saluer la mémoire de Denis Guedj, professeur d'histoire des sciences et d'épistémologie à Paris VIII, l'auteur du Théorême du Perroquet (cf. chronique du 1er juillet 2009), ou l'histoire endiablée des mathématiques expliquée aux adolescents... et aux adultes. Il vient de disparaître.

  • Un petit tour au Proche-Orient

    veloPO.jpgComment ne pas acheter ce livre aperçu à Bordeaux à La machine à lire, place du Parlement? Tout à la fin, il y a une photo de James, l'oenologue des vins de Ksara, au Liban, avec son fils et sa fille. James que l'on a rencontré à maintes reprises lors de notre séjour au Liban entre 2005 et 2008. Et puis l'éditeur, Du bleu autour, petite maison, a son siège en Auvergne, à Saint Pourçain sur Sioule, dans l'Allier. Cela ne peut laisser indifférent.

    James, après beaucoup d'autres, dont le portrait est tracé à petites touches dans cet ouvrage, a hébergé Raphaël Krafft, journaliste, à la fin de son périple à bicyclette qui l'a conduit du Caire à Beyrouth, en passant par Israël, la Jordanie et la Syrie. Le récit de ce périple est illustré de très nombreuses  et belles photos en couleur de paysages et des personnes rencontrées, d'anciennes connaissances ou au hasard de la route. Le tout sur papier glacé, très élégant.

    Se dégage de ce carnet de route, un portrait tout en nuances de la région, du conflit israélo-palestinien, avec en arrière-plan, la censure, les services secrets, les frontières, la police omniprésente, mais aussi une certaine désespérance, la fatigue d'une situation inextricable, l'envie d'Europe et d'Amérique, bref de liberté. Tout cela est écrit sans parti pris, simplement exposé, une approche amoureuse de cette région et de ses habitants.

  • La petite montagne d'Elias Khoury

    petite_montagne.gifLa petite montagne est le deuxième roman d'Elias Khoury, paru en 1977, traduit en 1987 et réédité en 2009 par les éditions Actes-Sud, ce qui explique sans doute que je sois tombé dessus par hasard à la La Librairie l'Oie bleue à La Chaise-Dieu, excellente petite librairie au demeurant mais dont la clientèle est a priori peu intéressée par cet ouvrage.

    Elias Khoury est un écrivain libanais né en 1948, chrétien orthodoxe, élevé sur la colline d'Achrafié, la petite montagne, à  l'est de Beyrouth dans le quartier chrétien. Il effectue des études de sociologie en France qu'il achève en 1970, rejoint les rangs de la résistance palestinienne au sein du Fatah et combat à ses côtés, d'abord en Jordanie, puis à Beyrouth, contre les milices chrétiennes, en 1975. Au yeux de sa "communauté" il est un traître. Toujours empreint de l'esprit de résistance, il est aujourd'hui éditorialiste au sein du grand quotidien libanais An Nahar. Son ami et collègue Samir Kassir et son patron Gebran Tueni ont été assassinés dans des attentats anonymes à la voiture piégée en juin et décembre 2005 .

    Difficile d'évoquer la petite Montagne. Il y a au début un portrait d'Achrafié avant 1975, ses rues en pentes et ses sentiers qui montent dans la montagne, le quartier de Sioufi, les odeurs d'arak, les palmiers, les cactus et puis, très rapidement, le récit bascule parceque cinq hommes, fusil mitrailleur à la main, débarquent d'une jeep, cernent la maison du narrateur et interrogent sa mère. Dès lors, l'écriture se destructure, comme la société, la guerre envahit tout. De positions en positions, c'est la longue dérive d'un commando qui ne sait plus pourquoi il se bat, dont l'obsession est de rejoindre la mer, le récit devient onirique, absurde.

    Il n'y a pas d'histoire, la guerre est absurde, cruelle, vaine, mais dans cette région du monde, par saubresauts, elle dure depuis des décennies...

  • Byblos

    un-matin-a-byblos-b_50852760vb.pngSous le titre Un matin à Byblos, Olivier Germain Thomas a écrit un petit livre attachant, un livre d'érudit, une réflexion sur les langues, les livres, les civilisations. Byblos, qui signifie "livre" en grec, passe en effet pour être la plus vielle cité du monde. Elle conserve des traces des civilisations de Babylone, d'Assyrie, de Perse, de Grèce de Rome, de Byzance, arabe bien sûr et franque. Byblos est un mille-feuille, comme l'est le Liban aujourd'hui.

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    "Ah si le Liban avait la force d'incarner l'aspiration de notre époque : une harmonie de cultures multiples. Nulle part, en si petit espace, mythes, religions, langues n'ont formé une si prodigieuise rosace.

    Liban , mémore vivante des créations de l'homme relié, pays frère, n'entends tu pas de toutes parts l'appel à la réconciliation? Un simple transfert de tes passions, de l'identitaire à l'universel enraciné te permettrait d'être à nouveau le rendez-vous de toutes les muses."

  • Retrouvailles libanaises

    Une semaine de vacances, de la fête du travail à la journée de l’Europe, au Liban, là où nous avons  passés quelques unes de nos plus belles années…

    C’était comme si c’était hier, comme si nous retrouvions nos chaussons.  Sur la corniche, après notre footing, le  marchand de jus d’oranges pressées nous a chaleureusement salués, heureux de nous revoir après huit mois d’absence.

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    Alors merci à vous tous avec qui nous avons passé cette belle semaine de rencontres et d’amitiés partagées : Alexandrine, Amine, Antoine, Arlette, Agnès, Carinne, Catherine(s), Charbel ,Christian, Christiane, Diane, Dimitri, Elie(s), Florence, Francis, François, Georges, Gladys, Jean-François, Khalil, Majida, Makram, Mansour, Marie, Marie-Beth, Marie-Yvonne, Max, Micheline, Nada(s), Noha, Patrick, Pierre(s), Rita, Samir, Stéphane, Véronique(s), Vincent…

    Et à très bientôt !

  • Impuissanter

    La grande salle de l'Institut du monde arabe (IMA) était pleine à craquer hier pour une conférence organisée par la Fondation Safadi, (Mohamed Safafi est homme d'affaires et ministre du commerce dans le gouvernement Siniora), l'institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et bien sur l'IMA  sur le thème : le Liban dans l'Union pour la méditerranée.

    A Paris, le Liban fait toujours recette. le détail du programme est sur le site de l'IRIS : www.iris-france.org

    Un Liban virtuel, révé, puisque en quatre heures d'intervention, on a entendu mentionner les expressions Hezbollah, 8 mars et 14 mars une seule fois. Bref peu de choses sur la politique intérieure, les difficultés à mettre en oeuvre des réformes, comme si par exemple, implicitement la production d'électricité était l'otage du conflit israélo palestinien. Une des principales propositions de ce colloque aura été ce créer un centre d'Etudes méditerranéen au Liban, comme s'il était nécessaire de faire de nouveles études alors que ce dont a le plus besoin le Liban, c'est de reconstruire un Etat en mesure de prendre les mesures qui s'imposent pour offrir à la population les services publics de base en matière de sécurité intérieure et extérieure, de justice, d'énergie, d'environnement, de santé et d'éducation.

    Dans le registre des généralités, Jean-Pierre Chevènement a été formidable et nous a gratifié de belles formules : la Méditerranée, joyau sans pareil, la laïcité libanaise qui reste à inventer, le gout des libanais pour le dialogue... parfois musclé. Il a jugé que le Liban paie les pots cassés depuis 1975 du conflit israélo palestinien, un long chemin de deuils et de ruines. Il a qualifié Israël d'Etat-bulle et les palestiniens de société en deshérence sans Etat  et qui ne sait pas ou elle va. Beaucoup d'espoir avec Obama, un homme qui a fait l'expérience de l'humiliation...

    Surtout, Jean-Pierre chevènement a forgé un néologisme dont on verra s'il prend racine, il a regretté que certains éléments mettent en avant la shoah pour chercher à impuissanter (dixit) la diplomatie française, nouveau verbe qu'il a employé trois fois!

  • Je veux voir

    je_veux_voir_fichefilm_imagesfilm.jpgJe veux voir! C'est la réponse de Mademoiselle Catherine Deneuve, venue à Beyrouth pour un gala de bienfaisance après la guerre de 2006 à deux diplomates de l'Ambassade de France, Brigitte et Joseph, qui essaient, c'est leur métier, de la dissuader d'aller dans le sud à la frontière d'Israël, des risques, des ennuis, des moyens à mettre en oeuvre...

    Alors on voit Catherine Deneuve et Rabih Mroue, acteur libanais, au français hésitant, parcourir en voiture Beyrouth et le Sud liban

    C'est un grand plaisir après trois mois de revoir en images le Liban, c'est très familier, à portée de main, l'urbanisme, les paysages, le désordre, les gens...

    On voit l'entrée de l'hôtel Phoenicia.

    On voit une Catherine Deneuve en saharienne, angoissée, allumant cigarette sur cigarette, le danger est partout : l'absence de respect du code de la route, feu rouge, feu vert, c'est pareil...On ne voit pas l'Etat, le grand absent depuis la guerre de 1975!

    On voit les ruines nées des différentes guerres :on parle de la Tour Murr, monument implicite de la guerre de 75-90, on voit les ponts bombardés, les immeubles détruits par la dernière guerre, des gravats...

    On devine, on entend les interventions des milices islamiques dans la banlieue sud : pas le droit de filmer, pas d'autorisation...

    Dans le sud on entend la chasse israélienne passer le mur du son à basse altitude : après les bombardements de l'été, ce n'est rien

    On voit, à Bint Jbeil, Rabih Mroué chercher la maison de sa grand mère dans les ruines sans la trouver, plus rien n'est comme avant! Disparues la rue, la salle à manger, la cuisine, la chambre, parties à la mer avec les débris...

    La mer, cette promesse de départ dont parle justement Rabih Mroué dans la pièce de théatre  l'homme d'hier (cf.chronique précédente).

    On voit les badauds, surtout des hommes, à Bint Jbeil, se demander ce que fait cette femme blanche, seule dans une voiture, la reconnaissent-ils?

    On voit la Finul toute en blanc à la frontière israélienne, on emprunte un moment un petite route tout près de la frontière, à pied histoire de dire qu'on y était, je n'y suis jamais allé...

    On se fait peur en empruntant par inadvertance une route potentiellement minée.

    On revient à Beyrouth, on emprunte les tiunnels, on retrouve le Phoenicia.

    Gala de bienfaisance, le tout Beyrouth est là, les flashs... On voit Mademoiselle Catherine Deneuve, en robe de soirée faire son métier de star aux côtés de Bernard Emié qui fait son métier d'ambassadeur, chacun dans son rôle, de vrais professionnels, Catherine préférerait retrouver son collègue Rabih, tout sourire, mais pas invité à la table d'honneur...

  • L'homme d'hier

    Dans la Salle du haut du théatre de la Bastille, un seul acteur, qui va rester assis derrière un petit bureau pendant un peu plus d'une heure devant un grand écran où vont défiler des images de Beyrouth, des plans, des photos...

    homme d'hier.jpgPari réussi de Tiago Rodrigues, acteur et dramaturge portugais qui à l'occasion d'un voyage à Beyrouth a rencontré Rabih Mroué, acteur libanais que l'on peut voir sur les écrans aux côtés de Catherine Deneuve dans "je veux voir" et Tony Chacar, architecte, libanais lui aussi.

    Tiago Rodrigues nous raconte une fable, celle  de son voyage à Beyrouth où il va chercher à l'aide d'un lhommedhierGd.jpgvieux plan son chemin. Il ne va pas le trouver mais va rencontrer d'autres Tiago, ses doubles d'une autre époque, d'un autre Beyrouth. Dédoublements multiples des identités, sédimentations successives de la ville sur elle-même, sédimentations de nos identités elles-mêmes...

    Dans chaque ville, il y a une autre ville, dans chaque individu un autre individu ; au fil du temps le narrateur confronté à toutes ses identités, à tous ces visages de la ville, ne sait plus trop qui il est. Alors, il cherche la mer, sans la trouver.

    La mer, une promesse de départ! le départ, une solution pour se retrouver soi-même, ce que font de nombreux libanais!