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  • L'art de perdre

    Elle tombe bien cette parution en poche de l'Art de perdre d'Alice Zeniter au moment où peut-être l'Algérie s'éveille de nouveau. Le livre comprend trois parties que nous parcourons accompagné par la narratrice, Naïma, une jeune femme contemporaine qui revient sur ses origines à la recherche de son identité. L'occasion de revivre ce qu'à vécu l'Algérie et les algériens.

    La première partie est centrée sur la vie d'Ali, un agriculteur kabyle, qui règne sur son village, ses oliviers, sa famille, donne du travail, règle les affaires avec les autorités. Les enfants s'accumulent. les premières hostilités entre français et militants du FLN apparaissent, il fat choisir son camp, sous les menaces, les assassinats, la torture, des deux côtés, pour des intérêts qui le dépasse, il va choisir la France, réussir à sauver sa famille et se retrouver dans un camp au delà de la méditerranée,il est harki pour le reste de sa vie.

    Son fils Hamid, brillant, devient rapidement au sein des camps de Rivesaltes pus de la cité HLM de Flers, le pilier indispensable de la Famille, il sait lire, Ali et Yema, sa mère, sont illettrés en arable et en Français, le père est épuisé par le travail d'OS, il a la nostalgie du pays où il n'a pas le droit de revenir, il s'enferme, il n'est plus algérien et pas vraiment français. Hamid va s'émanciper, de cette faille, réussir des études, trouver un emploi à la CAF, rencontrer sa femme Clarisse, s'intégrer mais pas plus que cela finalement. Il est né en Algérie mais lui non plus n'a pas le droit d'y aller.

    Ce sont les deux parties les plus intéressantes, la troisième voit Naima, la trois!ème génération, complètement émancipée, intégrée partir à la recherche de son identité, essayer de comprendre ce dont on ne parle pas chez elle, chez ses parents, et ses grands-parents, elle rencontrera ses grands oncles et tantes là-bas au pays, ses cousins.

    L'Algérie si lointaine et si proche, je n'y suis jamais allé, j'aimerai y aller mais il y a un tel contentieux entre nos pays. Un tel gâchis!

  • Tous des oiseaux

    J'avais beaucoup aimé il y a quelques années Littoral, Incendies et Forêts, de Wajdi Mouawad, auteur libano-canadien qui raconte des histoires au théâtre de façon formidable.

    Ici, au TNBA de Bordeaux,  le spectacle est sur- titré parce que en Allemand, en anglais, en yiddish, en hébreu en arabe, c'est fabuleux. De quoi s'agit t'il? d'une histoire abracadabrante que seulMoawad peut inventer, un jeune chercheur allemand en génétique, dont les parents sont juifs et le grand-père, rescapé des camps, israélien, est amoureux d'une américaine, d'origine arabe, qui fait une thèse sur Léon Africain, un musulman qui se serait converti au catholicisme, puis l'aurait secrètement renié, du moins si j'ai bien compris, bref une thèse sur la conversion.

    Le jeune chercheur qui s'aperçoit que son père n'est pas le fils de son grand-père part à la recherche de sa grand-mère qui vit toujours en Israël pour avoir une explication, il y a va avec sa belle, qui va c'est le plus surprenant dans la pièce découvrir son identité arabe après avoir franchi le Jourdain en direction de la Jordanie, sur le pont Allenby...

    Je passe sur les détails, les révélations successives qui permettent de comprendre un imbroglio improbable avec des personnages un peu trop stéréotypés, la grand-mère juive, à la fois cynique et passionnée, le père anti-palestinien, la mère psychiatre un peu raide, le grand-père revenu de tout et en arrière plan , le conflit isarélo- palestinien, les attentats à la bombe, les massacres de Sabra et Chatila

    C'est didactique, captivant, pendant quatre heures, les acteurs sont épatants et c'est en tournée en France jusqu'en septembre.

     

  • A son image

    Antonia, jeune photographe pour un quotidien local corse a eu un accident de voiture entre Calvi et Ajaccio. elle est morte, nous sommes à son enterrement en présence de ses parents, ses amis, ses anciens amants, son parrain, prêtre, qui procède aux obsèques religieuses. Dans ce moment de recueillement, chacun se souvient.

    Le livre est articulé sur les différentes étapes de la cérémonie, Kyrie, Sanctus... un beau choeur corse ajoute à la gravité du moment.

    Antonia a toujours été photographe, rapidement elle s'est liée à un nationaliste, Pascal B, qui ne réalisera que trop tard qu'il s'est fourvoyé, après quelques années d'attentats, de conférences de presse en cagoule, de prison et de luttes fratricides, il sera abattu dans un bar. Antonia n'arrivera que difficilement à s'en détacher. Elle dit elle même qu'elle ne sait faire que de la photo mais la photo qu'elle aime, le coup d'oeil, l'instant décisif, cela n'intéresse pas son employeur qui l'envoie en reportage sur les inaugurations, les lotos, les compétitions sportives, faire du grand angle afin que les lecteurs se voient sur la photo.

    Las de cette vie entre amant nationaliste éconduit, substitut un peu lâche, elle part en Yougoslavie, en guerre civile,  sur le front, rencontre Bogdan, un jeune partisan serbe idéaliste, enfiévré, qui découvre ce qu'est la guerre, la misère des soldats, la mort des camarades, celle des ennemis, la violence, la sauvagerie. il parviendra à s'échapper à rejoindre la France, pour incorporer la Légion, qui l'enverra à ... Sarajevo.

    Le seul qui comprenne Antonia, mais sans pouvoir l'aider, c'est son parrain, le prêtre, lui qui lui a offert son premier appareil photo, lui qui n'a sans doute plus la foi, et qui fait le décompte des victimes, de cet enfer, cet enfer qui est notre quotidien, qui conduit tous les personnages de ce roman à l'échec.

    Pas très optimiste le monde de Jérome Ferrari!.

  • Desert solitaire

    Si vous avez envie de changer de vie, ce livre peut être une solution! Il est paru pour la première fois en 1968. Ecrit par Edward Abbey (1927-1989), il a eu un retentissement extraordinaire.

    Ce livre est d'abord d'une grande qualité littéraire, très bien écrit, avec bien sûr des pages magnifiques sur le désert américain de l'Utah.

    Edward Abbey y  a travaillé plusieurs saisons, du printemps à l'automne, comme ranger, précisément dans le parc national des arches. A une époque, les années 50 et 60, où les parcs nationaux étaient d'abord des parcs de conservation de la nature et non pas des parcs de loisirs avec des routes goudronnées.

    Edward Abbey a une conscience écologique claire, son livre est un manifeste contre la croissance, l'industrialisation, la civilisation moderne, il est d'abord épris de liberté, de liberté individuelle, il était favorable au port d'arme sans restriction,  et n'a que mépris pour les touristes qui viennent visiter son parc, ne quittent pas leurs boites à sardine pour marcher pieds nus dans le sable bouillant , aller explorer les canyons, se frotter aux genévriers, avoir soif...se perdre escalader les rochers, chasser les scorpions, les fourmis rouges...descendre le Colorado et ses affluents... Tout ce qu'il fait pendant ses jours de repos

    S'il voyait ce que sont devenus les parcs aujourd'hui, Edward Abbey serait on ne peut plus malheureux d'avoir eu raison.

    Edward Abbey est aussi philosophe, il définit la civilisation comme la force vitale de l'histoire humaine et la culture comme la masse inerte d'institutions et de règles qui s'accumulent et deviennent un fardeau pour le progrès de la vie et comme exemple, j'en cite deux, il écrit : la civilisation c'est Giordano Bruno affrontant la mort par le feu et la culture le cardinal Bellarmino l'envoyant au bûcher après dix ans d'inquisition, ou, la civilisation c'est  le soulèvement, l'insurrection, la révolution, la culture c'est la guerre Etat contre Etat, machines contre peuple comme en Hongrie ou au Viet-Nam, voire le juge, le policier...

    Aujourd'hui Edward Abbey aurait peut-être un gilet jaune! quoique? il était trop individualiste pour suivre aveuglément des mots d'ordre et il détestait les comportements moutonniers...