Combat de nègre et de chiens
Très belle pièce de Koltes à La Colline, près de la place Gambetta, jusqu'au deux octobre. La mise en scène de Michael Thalheimer de cette pièce créée en 1983 par Patrice Chéreau avec Michel Picoli et Philippe Léotard est superbe.
Les chiens, ce sont les blancs qui gérent un chantier quelque part en Afrique, ils sont deux et n'attendent plus rien de la vie tant ils sont désabusés. Le nègre qui fait irruption au début de la pièce dans leur camp retranché bien gardé vient au nom de sa mère chercher le corps de son frère, un ouvrier qui a été victime d'un accident et dont le coprs a eté jeté à l'égoût. Et puis il y a une femme blanche venu en Afrique à la demande du chef de chantier pour voir.
Bien sûr il est impossible de retrouver le corps. Que faire? Se débarasser de ce nègre importun par un accident simulé, le faire disparaitre ni vu ni connu, en abattre un autre, ils sont si nombreux, le défigurer et lui donner ce corps anonyme, le faire boire, l'enivrer, l'acheter à l'aide de quelques dollars. Rien n'y fait. Il est venu chercher le corps de son frère et n'en démord pas, rien n'est plus important. Même la femme blanche amoureuse de ce noir se perd en tentant de l'amadouer... puisqu'il est possible de s'arranger. Les trois personnages blancs pour des raisons diverses perdent progressivement le peu de dignité qui leur reste, alors que l'africain reste lui-même, fort digne dans la douleur.
Ces blancs c'est nous. Même si les personnages sont des colons caricaturaux, alcooliques, meurtriers, on se prend de pitié pour eux, car ces blancs c'est bien nous. Qu'on le veuille ou non, la traite des noirs, la colonisation, c'est nous. C'est nous qui avons perdu notre dignité dans ce passé qui ne se dissipe pas et c'est nous qui aurons toujours vis à vis de l'Afrique et de ses immigrés un sentiment de culpabilité qui ne nous lâche pas.
"En 1945, l'armée rouge , sur la route de l'ouest viola et pilla. Ce sont de loin les allemandes qui endurèrent le pire. Entre 150000 et 200000 "bébés russes" devaient naitre dans la zone d'occupation soviétique entre 1945 et 1946 et ce chiffre ne tient pas compte du nombre inconnu des avotements" (Après guerre - Tony Judt).


Lorsqu'on découvre Kinshasa en arrivant par le bac de Brazzaville on ne peut échapper au spectacle que donnent les handicapés, pour beaucoup victimes de la polio. Exonérés de droits de douane, ils dominent en effet le trafic de petites marchandises entre Brazzaville et Kinshasa. Avec Benda Bellili c'est par la musique que les handicapés s'en sortent.
Une vieille femme, une vieille fille, est allongée dans son lit, dans la chambre où elle est née, elle se meurt et se souvient de ses proches, presque tous disparus, trois générations d'afrikaners, des pionnniers blancs, des fermiers pauvres, au coeur du Roggeveld, une région rude, pauvre, enneigée l'hiver, sèche et aride l'été, au XIXème siècle.
Beaucoup d'effervescence au cinéma Jean Eustache de Pessac en cette fin d'après-midi de dimanche. On y projetait le beau film de Xavier Beauvois sur les moines de Tibéhérine et surtout, à l'initiative du Secours catholique cette séance était suivie d'une débat avec Mgr Henri Teissier, archevêque d'Alger de 1988 à 2008 (évêque d'Oran à partir de 1972 puis coadjuteur du cardinal Duval à Alger de 1980 à 1988) . Il y a 600 bénévoles du Secours catholique en Gironde, la grande salle du cinéma était pleine d'un public conquis d'avance.
Le débat avec Mgr Henri Teissier a été d'une grande tenue. Qu'en retenir? Que les moines de Tibéhérine n'ont pas été les seules victimes chrétiennes de cette guerre civile en Algérie. Religieuses, pères blancs, institutrices, l'évêque d'Oran, les martyrs chrétiens se comptent par dizaines. Et les victimes musulmanes par milliers. Que le danger, l'insécurité étaient partout, pas spécifiquement dans la région où se situe le monastère. Les moines ne sont pas restés sachant qu'ils allaient mourir, c'était une hypothèse, pas une certitude. Que les chrétiens d'Algérie ont reçu des témoignages individuels de musulmans déchirés, humiliés, honteux de l'image de leur pays, de leur religion, donnée par les groupes terroristes et l'armée, les moines appelaient les premiers nos frères de la montagne et les seconds nos frères de la plaine. Que l'Eglise en Algérie est encore vivante, qu'elle a survécu à ces drames. Et puis, que l'intolérance n'est pas musulmane, Mgr Henri Teissier a rappelé que jeune séminariste à la Catho de Paris au 21 rue d'Assas, il voisinait avec l'ossuaire des 120 religieux assassinés au nom de la Liberté par les révolutionnaires en 1792...
Oui, au fait, comment Jésus est-il devenu Dieu? De quand datent les évangiles? Jésus, fils de l'homme, fils de Dieu, homme et Dieu? Et le Saint Esprit? Que vient il faire dans cette affaire? Sans parler bien sûr des mystères de l'incarnation et de la résurrection! Bien compliqué tout cela, surtout beaucoup plus compliqué qu'on ne le croit si l'on ose dire. Le dogme actuel de l'église catholique a mis des siècles à se stabiliser au prix de milliers de banissements, d'excommunications, de châtiments, de victimes, parmi les hérétiques désignés par un camp après l'autre.


