Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • La prospérité du vice

    prospérité du vice.jpgLa prospérité du vice ou une introduction (inquiète) à l'économie est davantage un livre sur l'histoire de l'humanité qu'un livre d'économie. Daniel Cohen, à la suite de beaucoup d'autres, notamment David Landes ou Jared Diamond nous trace un vaste portrait de notre espèce depuis les chasseurs-cueilleurs jusqu'aux traders. On redécouvre l'invention de l'agriculture, l'empire romain, on s'interroge sur la fermeture soudaine de la Chine... un grand voyage au cours duquel l'inquiétude ne fait effectivement que monter.

    Adam Smith, dans son ouvrage sur les sentiments moraux, l'avait déjà souligné, ce qui motive l'individu, ce qui nous meut, c'est d'être un peu plus riche que notre voisin, d'être reconnu, de mériter de la considération, d'où le titre du livre.

    A l'échelle des pays, la prospérité de l'Europe pourrait bien venir de la situation de concurrence dans laquelle se sont trouvées pendant plusieurs siècles les grandes nations  : successivement Venise, Espagne, Pays-Bas, Angleterre, France, Allemagne mais cette émulation a aussi abouti aux deux guerres mondiales du XX siècle. Si l'histoire se répète, l'Asie pourrait être demain menacée du même sort.

    A ces défis classiques, s'ajoute aujourd'hui ceux du réchauffement climatique, d'une planète de neuf milliards d'être humains d'ici 40 ans, de l'épuisement des ressources.

    Comme dans ses livres précédents, Daniel Cohen est d'une grande clarté, économe en chiffres, jamais complexe, un livre à lire avec plaisir pour se convaincre qu'un peu de sobriété pourrait ne pas être inutile.

    En épigraphe de son ouvrage,  Daniel Cohen cite Léonard Cohen : Give me back the Berlin Wall, give me Stalin and Saint Paul, I'va seen the future, brother, It is murder. C'est dire si le monde qui vient risque d'être très éloigné de la fin de l'histoire annoncée par Francis Fukuyama.

  • L'Oedipe d'Henry Bauchau

    oedipe.jpgOedipe sur la route est le second volume du tryptique qu'Henry Bauchau, écrivain belge, né en 1913, a consacré aux récits mythiques de la Grèce antique avec Antigone et Diotime et les lions.

    Antigone m'avait enthousiasmé, il y a en effet dans ce récit d'une grande pureté d'écriture, unité d'action de temps et de lieu... cf. chronique du 21 août dernier. Oedipe sur la route est au contraire un long cheminement.  On accompagne Oedipe, roi de Thèbes déchu, car meurtrier de son père, Laios, époux, dans l'ignorance de sa parenté, de sa mère, Jocaste, qui, l'apprenant, vient de mettre fin à ses jours. Aveuglé volontairement, ses enfants maudits, Oedipe part sur la route seul, en mendiant, suivi par Antigone, sa fille, qui refuse de l'abandonner. C'est une longue marche, marquée par la faim, la soif, le froid, la canicule, la maladie, l'hostilité, mais aussi la musique, la peinture, la sculpture, le chant, la danse, les rencontres, l'amour au sens le plus fort du terme, un chemin vers la clairvoyance, la connaissance de soi, la rédemption...

    Un livre magnifique pour prendre soi-même la route. Ce n'est pas toi qui fait le chemin mais le chemin qui te fait, une belle illustration de cet adage de ceux qui marchent.

  • Evento Kiluanji

    Encore une pépite découverte à EVENTO, la biennale d'art contemporain de Bordeaux qui vient de s'achever. Le Grand Théatre était dévolu à l'Angola et plus particulièrement à Luanda, sa capitale, plus connue pour son scandale de l'Angolagate que pour ses créateurs.

    Dans le hall d'entrée on ne pouvait qu'être frappé par cette belle photo de Kia Hende Kiluanji, jeune photographe, né en 1979, mais aussi musicien, acteur. Le reste de l'exposition, assez inégale, donnait envie de mieux connaitre ce pays lusophone qui émerge enfin d'une guerre civile qui n'a que trop duré et que sa richesse en pétrole risque de faire renaître à tout instant...

    evento 001.jpg

    Une excellente idée que celle d'associer à cette biennale un pays en développement, idée qu'on pourrait étendre aux villes jumelées avec Bordeaux.

  • Jacques Roubaud à Evento

    Evento, la première édition de la biennale d'art contemporain s'est achevée ce dimanche à Bordeaux. Les organisateurs sont satisfaits puisqu'ils ont annoncé la prochaine édition en 2011. Il y a eu le pire et le meilleur au cours de cette dizaine de jours. Parmi le meilleur, la découverte de Jacques Roubaud, venu à 77 ans, sous la tente-chapiteau d'Evento nous parler de la ville, sur le théme marcher méditer...

    roubaud.jpgJacques Roubaud est docteur en mathématique et en littérature, membre de l'Oulipo, l'ouvrage de littérature potentielle, comme Georges Perec ou Raymond Queneau. A l'invitation de Michaël Sheringham, son complice pour cette causerie à Evento, Jacques Roubaud en lisant quelques extraits de ses oeuvres nous a fait de lui un portrait très attachant qui invite à découvrir son oeuvre.

    Arrivé à Paris pendant la guerre à l'adolescence, il a tout de suite detesté cette ville et tout particulièrement ses automobilistes, mais il y est resté depuis et vit dans un appartement de 21 m2, d'où il peut quotidiennement partir marcher, soit selon un programme, soit à l'improviste, le plus souvent en passant par les librairies anglo-saxonnes Smith, Galignani ou Brentano's (qui vient malheureusement de fermer), soit par les librairies, toujours anglo-saxonnes, du quartier latin.

    En marchant, JR compose des poèmes, il a une prédilection pour les sonnets, poèmes qu'il ramène ensuite à la maison, pour les transcrire sur son écran et là soit il les jette soit il les garde... Avec l'âge, JR s'est aperçu qu'il lui devenait de plus en plus difficile de mémoriser un sonnet entier, d'où son attrait récent pour la poésie japonaise. Beaucoup plus courte, elle lui permet de continuer à pratiquer ce qu'il faut bien considérer comme une discipline : marcher, méditer, composer, transcrire et celà à Paris, ou à Londres ou à Tokyo.  Dans la capitale britannique, depuis plus de trente ans, il descend toujours au même hôtel pour aller, là aussi, de librairies en librairies. A Tokyo, il explore la ville toujours à pied en partant à chaque fois d'une des stations de métro de la ligne circulaire Yamanote qui délimite le centre de la capitale japonaise.

    Un bel esprit, indépendant, solitaire, attachant. Merci à EVENTO, pour ce moment de grâce.

  • Die tote Stadt ou la ville morte

    Die Tote Stadt est un opéra d'Erich Korngold (1897-1957) donné à l'Opéra Bastille jusqu'au 27 octobre et qui sera diffusé sur France Musique le 24 octobre au soir.

    tote stadt.jpg

    Au départ, die tote Stadt est un roman de Georges Rodenbach (1855-1898), écrivain belge appartenant au courant symboliste, publié en 1892. Dans ce roman, il y a une sorte d'identification entre Bruges, la ville morte, une ville de Flandres, belle, apaisée, triste, immuable, relgieuse, ses canaux, ses béguinages, où tout se passe derrière les rideaux, et le héros du roman, un homme qui vient de perdre sa jeune épouse et qui vit dans le souvenir de sa bien aimée, conservant ses cheveux dans un reliquaire jusqu'au jour où il rencontre par hasard dans la rue son sosie, une danseuse d'un théatre voisin, Marietta...bruges la morte.jpg

    C'est ce roman qui va servir de livret à Paul Schott, pseudonyme de Julius Korngold, le père d'Erich, pour un opéra que ce dernier compose à l'age de 23 ans, c'est déjà son troisième, attendu avec tant d'impatience qu'il y aura simultanément deux premières à Cologne et à Hambourg le 4 décembre 1920.

    Dans l'opéra, la ville n'apparait qu'en arrière plan de l'intrigue qui n'est dans le roman que le pretexte pour évoquer Bruges, la réelle héroïne de l'ouvrage de Rodenbach. Paul le héros, plongée dans l'affliction, rencontre Marietta, danseuse ravissante, pleine de vie, désirable, la renvoie, mais pour plonger dans un délire schizophrène qui donne lieu à du théatre dans le théatre. Dans son délire, Paul est séduit par Marietta et finit par devenir son amant, sans renier pour autant le souvenir de Marie, sa chère et tendre femme. Pour lui Marietta et Marie ne font qu'un, mais Marietta va refuser la marginalité dans laquelle Paul la confine et va essayer d'éliminer sa rivale.

    Ce thème du veuf affligé, torturé par le souvenir, du combat entre la fidélité aux morts et le désir de vivre nous apparait un peu naif aujourd'hui mais après la première guerre mondiale le grand nombre de situations de veuvage était tel qu'il rencontra un écho enthousiasme en Europe et aux États-Unis.

    La mise en scène de Willy Decker est superbe et rend très bien le côté onirique de l'opéra avec ses plateaux et ses plafonds mobiles d'une grande sobriété. La musique est excellente : Compte tenu de son jeune âge, Erich Korngold a empriunté à son environnement immédiat, les musicologues y reconnaissent Puccini, Strauss, Mahler... une musique du début du XX siècle fort agréable, très bien exécutée sous la direction de Pinchas Steinberg. Citons enfin Robert Dean Smith et Ricarda Merbeth qui jouent et chantent fort bien des rôles exigeants puisqu'ils sont quasiment toujours en scène ce qui expliquerait que cet opéra soit assez peu joué.

    p_korngoldph.gifEn 1935, Erich Korngold, juif, s'exila aux États-Unis où il devient l'un des plus célèbres compositeurs de musique de film à Hollywood, pour la société Warner Bros, carrière qui lui vaudra deux oscars. En Europe sa musique est bannie. Après la guerre, il revient à la musique classique en Europe, avec notamment son concerto pour violon opus 37 de 1947 mais cette musique sérieure n'intéresse plus guerre en Europe. il décéde, paralysé,à la suite d'une attaque à l'âge de 60 ans. La redécouverte de ses oeuvres ces dernières années n'est que justice.

  • Evento

    En ce samedi 10 octobre, au deuxième jour d'EVENTO http://evento2009.org/site/, la nouvelle biennale d'art contemporain concoctée pour 4,5 millions d'euros par le Maire de Bordeaux, Alain Juppé, et par son directeur artistique, Didier Faustino, la ferveur populaire n'avait pas encore atteint le FRAC Aquitaine.
    evento 022.jpg
    Bordeaux, EVENTO, Faustino, cela rime et sent le sud mais, déjà vendredi soir, sur les quais de la Garonne, au pied de la place des Quinconces, les bordelais m'ont paru empreints d'une prudente réserve. Il faut dire que les oeuvres exposées avait de quoi laisser perplexe l'esprit le plus ouvert à l'art contemporain : des chaises posées sur une plaque de béton tournées vers le Pont de pierre, un haut parleur qui projette des bulles de savon, deux BMW amochés, une rampe de skate délaissée par les amateurs, une enseigne RESPUBLICA à belle allure, un semblant de barricade hétéroclite peinte couleur bronze. Tout cela est censé "interroger l'espace urbain...";  une retransmission d'opéra dont le son se mêlait à la musique de la Foire aux plaisirs... Heureusement, il y a eu le feu d'artifice, tout blanc, pour susciter un peu d'enthousiasme et la passerelle de bois de Kawamata qui offre des vues inédites sur le port et les colonnes rostrales de la place des Quinconces... et puis le kiosque de Democratia et ses slogans détournés de supporters des Girondins. Donc à part la passerelle rien qui puisse susciter une adhésion immédiate, un enthousiasme, une émotion nouvelle...
    evento 031.jpg
    Samedi, peu de choses à voir au FRAC, comme d'habitude, l'occasion d'aller à pied ou à vélo à la Base sous-marine voir ce qu'y a fait Amos Gitai. Sur ce parcours, on se dit que c'eut été une bonne idée de faire des Bassins à flots le centre de ces deux premières journées d'EVENTO. L'occasion de faire redécouvrir aux bordelais un lieu aujourd'hui délaissé, en attente d'aménagement. Un parcours allant du CAPC, au FRAC puis à la Base sous-marine aurait été une initiative intéressante, l'occasion peut-être d'achever la piste cyclable qui s'interrompt sans raison à mi-parcours le long des bassins. On me répondra qu'il faut aller au devant du public, lui faire découvrir des formes d'art méconnues...
    Amos Gitaï présente à la base sous marine édifiée par les nazis des fragments de sa filmographie. On esquisse ainsi un voyage de Berlin à Jérusalem, de Tel Aviv à l'Italie... Une installation efficace, impressionante dans ce lieu symbole de la domination, de la barbarie, mais on en ressort frustré de n'avoir vu que des fragments, il aurait fallu imaginer la possibilité de voir les films en entier, assis, plonger vraiment au coeur de l'oeuvre du cinéaste israélien plutôt que l'effleurer seulement.
    Dimanche, beaucoup de monde au CAPC puis sur les quais. Le CAPC, ancien entrepôt de denrées coloniales, est un lieu formidable, l'exposition Insiders propose de "nouveaux modes d'appropriation de la ville" et un "recensement hétéroclite de matériaux culturels"... de belles photos, un bazar sympathique, on peut toucher, manipuler, réaliser sa chaise en bois, planter des clous, arroser des plantes, rêver d'habiter un beau bidonville ou une belle roulotte... Le café du CAPC est très sympathique et l'exposition de Chemetov assez intéressante.
    EVENTO n'est pas terminé, EVENTO va essaimer dans la ville, laissons le se déployer. Un de ses objectifs est atteint : les médias parlent de Bordeaux et Frédéric Mitterand a honoré de sa présence l'évènement culturel... un must!

  • Huis clos iranien

    aproposdelly.jpgEn allant voir A propos d'Elly, le beau film d' Asghar Farhadi, on se rejouit à l'avance de découvrir un autre visage de l'Iran que celui que donne ses dirigeants et plus généralement les journaux qui ne cessent de nous parler du danger que ce grand pays représente avec son programme nucléaire.

    Le scénario du film est attrayant : trois jeunes couples, accompagnés de leurs enfants, mais aussi d'Elly, l'institutrice d'un des enfants et d'Ahmad, travailleur immigré en Allemagne, en vacances pour dix jours, s'en vont joyeusement passer un week-end au bord de la mer Caspienne. On les voit faire le ménage de la villa, chanter, rire, danser, jouer au volley, au mime... tout se passe bien, les iraniens sont comme tout le monde, c'est rassurant.

    Et puis Elly disparait. Et là, le film bascule et l'on découvre, il n'est pas possible de tout raconter, combien le mensonge est au coeur des relations entre ces huit personnes qui passent ces trois jours ensemble. Le mesonge est partout parce que les rôles des hommes et des femmes restent marqués par la tradition, les poids des interdits, du sens de l'honneur, de la famille sont encore beaucoup trop lourds pour que ces jeunes couples qui nous ressemblent par certains côtés soient déjà entrés dans la modernité.

    La société iranienne a encore du chemin à faire même si elle est sans doute sur la bonne voie. 

  • Nuit blanche à Paris

    viewmultimediadocument.jpgLa nuit blanche a de nouveau été un succès à Paris dans le nuit du 3 au 4 octobre. Un million et demi de visiteurs parait-il. On se demande comment ils sont comptés! L'évènement est gratuit. Spectaculaire sans aucun doute. Bling bling diront les méchantes langues.

    En tous cas, si l'on se fit aux embouteillages, il y avait effectivement beaucoup de monde dans les rues cette nuit là et pas que dans les rues puisque, bien que fermé, le jardin de l'observatoire ou des explorateurs, au sud du jardin du Luxembourg, était dimanche matin, jonché de bouteilles d'alcools, de sacs en plastiques...

    Il faut dire que ce jardin, devant les grandes grilles du Luxembourg, constituait un excellent ...observatoire pour admirer la maitresse de la Tour Eiffel, une boule disco géante, suspendue par une grue devant le Sénat, oeuvre de Michel de Broin.

    Dimanche, Les agents de la ville ont nettoyé ce jardin jusqu'à midi, ce qui a privé, pour raison de sécurité, les enfants de leur espace d'agrément habituel.

    Succès populaire d'une manifestation dédiée à l'art contemporain mais qui apparait en décalage croissant avec l'air du temps. Que d'énergie déployée pour montrer des oeuvres éphèmères, le temps d'une seule nuit. Dès dimanche, au Quartier latin, à Châtelet, les ouvriers s'affairaient à démonter ce qui'ls avaient monté l'avant-veille, grues, cables, consoles lumineuses...

    A l'heure où tout un chacun nous invite à transformer nos pratiques au nom d'un développement durable, économe en énergie, la nuit blanche a-t'elle vraiment sa place? Qui calculera l'empreinte écologique de cette manifestation qui coûte par ailleurs un peu plus d'un million d'euros?

    A propos, samedi soir, le clair de lune était superbe!

  • Vers toi terre promise

    gare st jean 017.jpgComment vivre après la shoah? C'est le sujet traité par Jean-Claude Grunberg dans cette magnifique pièce sous-titrée tragédie dentaire, donnée en reprise au théatre Marigny. Quatre acteurs, Philippe Fretun, Antoine Matthieu, Clotilde Mollet et Christine Murillo, superbes de talents qui interprétent sept personnages et comme dans les tragédies le choeur antique.

    Le couple Spodeck, Charles, dentiste, et son épouse Clara, sort de la guerre anéanti, le cabinet dentaire a été racheté à bas prix, usurpé, par de bons français, leurs deux filles ont disparu, l'une gazée à Auschwitz, la seconde dans un couvent de carmélites, qui bien qu'elle soit mineure, l'a convaincue de faire ses voeux...

    Charles sous un humour féroce est enfermé dans sa douleur, sans espérance puisqu'athée mais respecteux des traditions, Clara, pleine de vie, tournée vers l'avenir, est davantage prête au compromis. Christine Murillo est absolument formidable!

    C'est donc une pièce sur la douleur, la douleur lancinante, sans fin, inexprimable, qui conduit au retrait, au silence, à la révolte, vers Israël, la terre promise, pour un nouveau départ...