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Cas@d€i - Page 33

  • Séquelles

    La mode est au polar nordique, alors innovons! Voici un polar australien. on s'imagine déjà sur de belles plages avec de beaux surfeurs, lunettes de soleil, bodybuildés...

    Et bien pas du tout. Peter Temple un sud-africain d'origine né en 1946 qui vit en Australie depuis 1980 nous emmène à Cromarty au sud de l'Australie, en automne, et plus on est au sud, plus il fait froid: il y a de la pluie du vent, des landes, de la boue, on se croirait en Irlande...

    Le roman a été publié en 2006 et a été couronné de nombreux prix, méconnus ici : Ned Kelly Award, Ducan Lawrie Dagger.

    Au départ Joe Cashin, policier qui a été exilé dans un petit commissariat à l'écart de la criminelle à la suite d'une enquête désastreuse coule des jours tranquilles, répare la vielle maison de son oncle, promène ses chiens, sa solitude, son mal de dos... jusqu'à ce qu'il soit appelé pour le meurtre d'un notable local, mort sous la torture. Rapidement trois aborigènes sont inquiétés puis tués par la police dans ce qui ressemble à une embuscade. Tout le monde est content! Sauf Cashin qui trouve que l'enquête est bâclée et les coupables bien commodes.

    On découvre alors peu à peu l'envers du décor du rêve australien : racisme, omerta, policiers véreux, corrompus, drogue, prostitution, pédophilie; on verra qu'il n'est possible de compter sur personne et que les notables ont l'âme bien noire et que ceux qu'on admire le plus sont parfois très décevants.

    Pas très gai ce polar malgré quelques éclaircies d'humanité de temps à autre...

  • A propos de courage

    Tim O'Brien est né en 1946. Un peu plus âgé que moi. Mais il est américain, originaire du Minnesota. A 21 ans, il est envoyé à la guerre au Viet-Nam dans la 23 ème division d'infanterie, celle qui fut impliquée dans le massacre de My-Lai. il sert son pays de 1968 à 1970.

    Après la guerre, il reprend ses études à Harvard et il devient écrivain sans l'avoir prémédité.

    Toute son oeuvre est hantée par la guerre qu'il a livrée. Dans cet ouvrage, écrit 20 ans après, il se remémore son expérience entrecoupée de souvenirs de son enfance et de son adolescence, le temps d'avant. il ne dénonce rien, il ne prend pas partie, il décrit. La pluie, la boue, l'attente, les copains, la peur, la honte, la folie, la nostalgie, le courage, la solidarité...la mort des copains, l'hélico qui les ramène à la maison, les VC, les viet-congs... Tim O'Brien fait revivre les morts, ils ne le quittent pas y compris la petite Linda sa copine dont il était amoureux à l'âge de neuf ans

    La première partie qui donne son titre à l'ouvrage en anglais s'intitule "The things they carried", c'est saisissant, tout ce que porte un soldat, d'essentiel et d'accessoire.

    Le passage où il explique aussi pourquoi il renonce finalement après une semaine de réflexion à la frontière avec le Canada de ne pas déserter est magnifique. Finalement, il y va à la guerre parce qu'il manque de courage...

    Ce livre est vraiment à mettre dans toutes les mains pour comprendre ce qu'est la guerre, ce que sont les guerres et ce qu'est la compagnie des morts.

     

  • ALEP

    Cette photo d'ALEP date du 21 mars 2008. Lors de notre séjour au Liban (2005-2008) nous sommes parvenus malgré les consignes de sécurité strictes à faire quelques incursions en Syrie, à Damas bien sûr mais aussi lors d'un petit voyage organisé par Liban Trek entre Hama et Alep. Avec un guide syrien officiel.

    A Hama par exemple, nous avons admiré les norias sur les rives de l'Oronte, les mosquées,... mais notre guide n'a pas voulu même mentionner, sans les commenter, les "évènements" de 1982, à savoir la répression féroce, plusieurs milliers de morts, des frères musulmans par Hafez el Assad le père de Bachar. C'est un fait historique dont on ne parlait pas.

    J'ai réuni dans un album photo de ce blog (cf. Dans la marge de droite) les clichés d'ALEP pris à cette époque. J'ai le souvenir au premier abord d'une déception, on a beau magnifier Alep, c'était une ville grise, poussiéreuse. Si elle a été une des villes les plus riches du proche-Orient, ce n'était plus le cas. 

    En cherchant derrière les murs crasseux, il y avait cependant des trésors. Le musée archéologique par exemple présentait des pièces qui remontent à plus de dix siècles avant notre ère. Elles seraient en sécurité mais rien n'est sûr, ce sont des pièces fragiles.

    Dans le quartier Chrétien, arménien, de Jdeideh, il y avait des restaurants bien tenus à la réputation mondiale, comme Sissi, des lieux de mémoire qui sont aujourd'hui disparus, brulés, effondrés...

    Je me souviens qu'au moment de notre séjour les arméniens fêtaient Pâques, il y a avait du monde dans les rues, autour des cathédrales, pour aller aux offices. Les chrétiens représentaient environ 10 % de la population d'Alep et depuis le moyen âge, ils servaient d'intermédiaires avec l'occident.

    Les madrassas, les caravansérails... tout est effondré.

    Les souks étaient un des autres joyaux d'ALEP depuis le moyen âge, des ruelles tortueuses, avec leurs porteurs de pain, on y trouvait de tout, même de la viande de chameau, tout est détruit aujourd'hui.

    La citadelle était fière, elle est restée imprenable pendant plusieurs siècles...

    On verra parmi ces photos une mention en anglais qui commémore le génocide arménien. On attend un jour un mémorial dédié au martyr des habitants d'ALEP

     

  • De l'Oie Bleue au Cochon bleu

    La librairie-tisanerie L'Oie bleue avait ouvert en 2003 à La Chaise-Dieu, l'année où nous nous sommes installés dans notre maison de la Place du Monument. Pendant des années, jusqu'en 2015, cette librairie a été un de nos lieux privilégiés à La Chaise-Dieu. Eté comme Hiver, on pouvait y aller fureter, acheter un livre, en commander un, boire un thé, trouver un petit cadeau, un disque.

    En 2015, Fabienne a malheureusement fermé sa boutique et il n'y plus de librairie à La Chaise-Dieu. On y trouve encore quelques livres ici ou là mais essentiellement des guides touristiques ou des livres régionaux.

    Fin 2016, nous avons nous même quitté La Chaise-Dieu, après avoir vendu notre maison, trop loin de Bordeaux.

    Après quelques recherches en Gironde, dans les Landes, en Charente Maritime, nous avons trouvé une nouvelle maison de campagne du côté de Lectoure, en Lomagne gersoise. Et là, clin d'oeil sans doute, il y a une librairie restaurant, sous l'enseigne du Cochon bleu. L'opportunité de nouveau, de boire un café, un chocolat, déjeuner, lire le journal, acheter des livres surtout.

    Nous voici gersois en devenir.

    Notre nouvelle maison n'a rien à voir avec celle de La Chaise-Dieu qui était bi ou tricentenaire. Elle est récente, isolée, dans un hameau de moins de dix feux, dans une petite commune d'une centaine d'habitants, sans aucun commerce. La campagne à perte de vue, des champs de blé, de colza, de tournesol, de maïs, des vignes des Côtes de Gascogne, des petits vallons, les Pyrénées par beau temps à l'horizon. Les Chemins de Saint Jacques (voies du Puy et d'Arles), le Bastion de Lectoure, la collégiale de La Romieu, Condom, l'abbaye de Flarans à portée de bicyclette, et à la belle saison, l'été photographique de Lectoure, Jazz in Marciac, les corridas de Vic...

    Une petite aventure. Le changement c'est maintenant!

  • L'hiver de la culture

    Ce livre est paru en 2011 et n'est donc pas d'actualité mais un de mes amis dont la fille travaille chez Flammarion me l'a prêté, l'occasion de lire un ouvrage qui a fait à l'époque polémique.

    Jean Clair a une biographie qui fait autorité : conservateur des musées de France, au Musée d'art moderne, au Centre Pompidou, au Musée Picasso, il a aussi dirigé la Biennale de Venise, organisé des expositions internationales et écrit de nombreux essais sur l'art.

    Ici, c'est un cri, une dénonciation, une colère qui s'expriment tout au long de l'ouvrage. Inutile de résumer, il faut lire cette écriture ardente, belle, d'un homme déçu, sans doute aigri, qu'on accusera volontiers de ne regarder qu'en arrière, jamais devant, une nostalgie destructrice, sans aucune perspective, une vision réactionnaire sans appel.

    Le propos est brillant, argumenté, cultivé, assorti de nombreuses illustrations et citations, érudit à souhait.

    Jean Clair regrette que la culture se soit substituée au culte, que les oeuvres soient présentées hors du contexte qui les a vu naitre et qui justifiaient qu'elle fassent l'objet d'un culte. C'est l'idée même de musée qu'il conteste, notant que personne ne fait le signe de la croix devant une crucifixion dans un musée alors que c'est encore parfois le cas dans une église, surtout si elle est orthodoxe...

    La culture serait devenue et c'est un peu vrai un divertissement, une affaire de traders, un marché spéculatif ou l'Art occupe peu de place.

    L'art contemporain est vivement dénoncé mais c'est assez facile eu égard à ses excès "je pisse donc je pense"...

    Certes, mais que faire? L'auteur se complait à dénoncer mais ne formule aucune proposition pour remédier à la situation qu'il dénonce.

    Pour se faire je m'en vais lire l'ouvrage que Guillaume Cerutti vient de faire paraitre La politique culturelle, un enjeu du XXIème siècle, 20 propositions.

     

  • Avant la dernière ligne droite

    J'ai découvert Patrice Franceschi en lisant De l'Esprit d'Aventure qu'il a publié avec Gérard Chaliand en 2008. J'ai aussi lu ses nouvelles publiées sous le titre Première personne du singulier qui relatent des situations impossibles dans lesquelles les personnages doivent prendre des décisions rapidement au risque de leur vie. Ces nouvelles, quatre si je me souviens bien ont été distinguées par le prix Goncourt de la nouvelle.

    Avec Avant la dernière ligne droite, Franceschi écrit des mémoires à l'aube de ses soixante ans. Baroudeur, écrivain, cinéaste, combattant, humanitaire, il a déjà vécu des dizaines de vies et il les relate ici.

    D'origine corse, Son père était militaire en Afrique, à l'adolescence il construit des maquettes d'avions et de bateaux, il est scout... avant sa majorité il fuit du domicile familial pour échapper aux études qui l'ennuient et se retrouve en Guyane puis au Brésil, Giscard arrive au pouvoir abaisse la majorité à 18 ans : il est libre. Il va partir dans les forêts équatoriales du Congo avec des amis ou trop inexpérimenté il va échapper par miracle à la mort. Le récit de cette épopée est hallucinant.

    S'en suivent des expéditions le long du Nil, puis en Afghanistan où il va combattre plusieurs années aux côtés des afghans contre les soviétiques, au secours des boat people. Eclectique il va réaliser le premier tour du monde en ULM dans des conditions spartiates incroyables, sans assistance.

    Plus récemment, il s'engage avec son bateau La Boudeuse, plutôt ses bateaux, puisque le premier fera naufrage.

    La Boudeuse fait l'objet d'un petit album photo sur ce blog à l'époque où elle était amarrée face à la Bibliothèque François Mitterand. https://la-boudeuse.org

    Un livre d'aventure sans notes, écrit de mémoire en huit mois. Un livre d'admiration pour toute les personnes rencontrées au cours de ses périples, ses amis, ses soutiens, pas un mot sur ses ennemis, rien sur sa vie privée qui ne regarde que lui, le contraire d'un people.

    Et un titre qui en dit long car non content d'avoir eu mille vies, Patrice Franceschi se dit que dans la dernière ligne droite, comme les athlètes, il faut accélérer, pas question de ralentir avec l'âge, nous n'avons en effet qu'une vie.

  • VIVA

    L'ivresse de la littérature et de la révolution... A vrai dire avec ce livre, je crois que c'est le dernier ouvrage de Patrick Deville paru, il vaudrait mieux parler d'étourdissement.

    Deville utilise le même procédé que dans Equatoria, des allers et retours biographiques de nombreux personnages et les réflexions contemporaines de l'auteur. On est ici au Mexique dans les années trente et quarante et les personnages sont imposants : Léon Trotsky en exil, Frida Kahlo et Diego Rivera, Malcom Lowry, Arthur Cravan.

    Ce qui réunit ces artistes ce n'est pas vraiment l'art mais plutôt l'action politique. En arrière plan, il y a les luttes entre les partisans de la quatrième internationale créée par Trotsky et ceux qui sont restés staliniens et qui veillent au grain.

    On se demande sans le comprendre vraiment pourquoi Mexico est devenu le centre de cette lutte et la destination de tant d'intellectuels, il semble qu'il faille faire le voyage de Mexico, on y croise même André Breton, qui au passage en profitera pour piller un peu d'arts premiers.

    Si on excepte Trotsky, il semble qu'on boive beaucoup, les amitiés et les amours sont fugaces, les trahisons nombreuses et on se demande vraiment comment Malcom Lowry est parvenu à écrire son célèbre roman Au dessous du volcan, ce n'est pas ce livre qui nous l'expliquera vraiment, tant le récit est décousu...

    Petite déception donc...

  • Equatoria

    j'avais adoré La peste et le choléra qui m'avait fait découvrir Alexandre Yersin, le savant français vainqueur de la peste, et c'est donc avec enthousiasme que j'ai abordé les rives du Congo

    Dans Equatoria, Patrick Deville évoque les vies de Savorgnan de Brazza, de Henry Stanley, Albert Schweitzer, Jonas Savimbi, David Livingstone...

    On voyage dans le temps du XIX au XX siècle et d'Ouest en Est de Sao Tomé e Principe à Zanzibar avec une petite excursion par Alger, qualifiée d'une des plus belle baies du monde.

    Alger parce que c'est là qu'avait été inhumé Brazza avant qu'en 2006, soit organisé le transfert de ses restes et de ceux de sa famille dans un mausolée à Brazzaville.

    Pour moi qui ait eu la chance de fréquenter certains de ces pays : Congo, RDC, Gabon, Burundi, Tanzanie, la lecture de cet ouvrage a été particulièrement réjouissante. Au-delà  de la biographie des explorateurs précités, on redécouvre aussi les régimes politiques marxistes qui ont sévi au Congo, à Sao Tomé, en Angola, en Tanzanie, à Zanzibar ...après les indépendances. C'est un peu effrayant...

  • Les impliqués

    Un polar polonais! La mode est au polar nordique alors cap sur la Pologne. J'ai rencontré l'auteur et son traducteur au Salon Lire en Poche à Gradignan (Bordeaux Métropole), une excellente manifestation avec conférence d'auteurs, dédicaces, la présence de toutes les librairies de Bordeaux...

    Zygmunt Miloszewski, l'auteur, a écrit un polar un peu particulier qui relie la Pologne d'aujourd'hui et on le découvrira au cour de l'enquête du procureur, son passé. Le procureur est un peu blasé, au milieu de sa vie, il s'ennuie, supporte mal sa hiérarchie et n'est pas très heureux en couple. l'affaire qui va l'occuper va lui apporter du changement et un trop plein d'émotions.

    Un matin il est appelé dans un monastère qui a été loué par un thérapeute pour un WE de thérapie basé sur la reconstitution de la constellation familiale. Les participants jouent chacun leur tour le rôle de la famille d'un des patients et cette constellation permet de mettre en évidence la cause des troubles, des angoisses... pourquoi pas... et peu importe, l'essentiel est que ce matin là l'un des patients est retrouvé mort avec la broche d'une rôtissoire enfoncé dans l'oeil. Le meurtrier est sans doute parmi les participants à la thérapie, mais lequel?

    Le petit plus : les impliqués a été publié par une maison d'édition basée à Bordeaux :http://mirobole-editions.com

  • Les damnés

    A la Comédie française jusqu'au 17 janvier. Les damnés c'est à partir du scénario de Visconti qui date de 1969 une pièce de théâtre qui conte la descente aux enfers de la famille Essenbeck (les Krupp) à partir de 1933.

    La montée du nazisme, l'appétit du pouvoir, la lâcheté vont déboucher sur l'élimination de tous les membres de cette famille jusqu'au transfert du pouvoir à un jeune malade mental nazi qui à la fin du spectacle tire sur le public à la kalachnikov.

    Les comédiens sont stupéfiants dans ce théâtre augmenté par la vidéo, les recours aux images d'archives, la musique...

    Les spectateurs sont les témoins impuissants de la montée de la barbarie... un peu comme aujourd'hui peut-être.

    Ne manquez pas ce spectacle dérangeant, violent, actuel, si vous en avez l'occasion.