"... Moi je montais dans un train, un matin, chargée d'un sac à dos qui contenait des vêtements, une couverture, un réveil, un Guide bleu, et un jeu de cartes Michelin. Je partis de La Chaise-Dieu et, pendant trois semaines, je marchai. J'évitais les routes, coupant au vif des prés et des bois, aspirée par tous les sommets, dévorant des yeux les panoramas, les lacs, les cascades, les secrets des clairières et des vallons. Je ne pensais à rien, j'allais, je regardais. Je portais tous mes biens sur mon dos, j'ignorais où je dormirais le soir, et la première étoile ne brisait pas mon aventure...je manfais une soupe, je buvais du vin rouge dans une auberge. souvent je répugnais à me séparer du ciel, de l'herbe, des arbres, je voulais en retenir au moins l'odeur ; au lieu d prendre une chambre dans un village, je faisais encore sept à huit kilomètres et je demandais l'hospitalité dans un hameau : je dormais dans une grange et la senteur du foin bourdonnait à travers mes rêves."
Simone de Beauvoir (1908-1986) dans son livre mémoires, La force de l'âge, 1960, décrit l'enchantement qui fût le sien lorsque jeune professeur à Marseille elle consacre au tout début des années 1930 tous ses temps libres et ici ses vacances d'été à la marche, à la découverte de la nature qui la laisse "gavée de chlorophylle et d'azur".
Simone de Beauvoir est donc passée à La Chaise-Dieu, en 1930 on pouvait y accéder en train, munie de son Guide bleu, elle n'a sans doute pas manqué de visiter l'Abbatiale, la danse macabre, les tapisseries, le jubé, le buffet d'orgue. Qu'en a-t-elle pensé, peut être ses impressions se nichent-t-elles quelque part dans sa correspondance.