Je viens de passer une dizaine de jours à La Réunion à l'occasion d'un déplacement professionnel. Impressions non exhaustives.
C'est en ce moment l'hiver austral, les températures sont très agréables même si les habitants se plaignent de la fraîcheur. Le soleil se lève vers 6h30 et se couche brutalement 12 heures plus tard. On s'y fait rapidement mais à la longue on doit regretter l'absence de longues soirées d'été.
L"Ile est volcanique et n'est donc pas entourée de longues plages de sable blanc. Il y des plages de sable à Saint Gilles et Saint Pierre mais pour le reste c'est plutôt des résidus volcaniques, la montagne, les volcans, tombe littéralement dans l'océan, dès qu'on cesse de longer la côte il faut monter, on monte dans "les hauts" et l'altitude s'élève rapidement à plus de 1000 m les points culminants tutoient les 3000 m. Initialement, les hauts ont été peuplés pour éviter le paludisme.
A l'est il pleut très souvent, à l'ouest rarement, le climat serait même plus favorable à Saint Gilles qu'au Port. Toutes les villes ou presque ont des noms de saints catholiques : Saint Denis, Saint Paul, Saint Gilles, Saint Pierre, Saint Benoit, Saint Leu, Saint Louis, Saint Philippe, Saint André, Sainte Rose... Il y a des exceptions comme le Tampon, Trois bassins, le Port...
En visitant le Conservatoire botanique de Mascarin http://www.cbnm.org/ on apprend que si l'île a émergé dans l'océan indien il y a trois millions d'années, l'homme ne l'habite que depuis un peu plus de trois siècles et qu'au cours de cette période il a déjà fait disparaitre du fait de ses activités la moitié de la biodiversité!
Des hommes et des femmes il y en a pas loin de 900 000. Ils sont venus de partout, de gré ou les plus nombreux de force : France, Europe de l'ouest, Afrique de l'est, de l'ouest, Madagascar, Rajasthan, Comores, Malaisie, Tamouls, Chine...
Longtemps l'Ile, sans doute découverte par les arabes puis les portugais, n'a servi que d'escale, pour se ravitailler, cueillette, chasse, puis elle a été peuplée dès lors que des colons ont réussi à la valoriser par la culture du café http://www.cafe-reunion.com/ puis au XIX de la canne à sucre. C'est la culture du café qui explique le recours initial à l'esclavage. On peut se faire une idée de la vie de ces exploitations en visitant le Musée Villèle à Saint Gilles les hauts. on y découvre la propriété de la famille Desbassyns telle qu'elle était au XVIII° et XIX° siècle, maison de maître, cuisine, infirmerie, chapelle, les habitations des esclaves ont disparu, mobiliers d'époque. L'esclavage a été aboli plus tardivement à La Réunion qu'en métropole, sans esclave pas de café puis pas de canne...
Aujourd’hui la canne reste dominante, c’est le principal produit d'exportation. On peut utilement visiter les sucreries du Gol à Saint-Louis ou celle de Bois rouge à Saint André. Toutes deux appartiennent au groupe sucrier Teréos, groupe coopératif qui fait surtout du sucre de betterave, acheteur de Beghin-Say, quatrième sucrier mondial, implanté au Brésil...Chaque ville avait sa sucrerie, il en reste deux, on voit encore se dresser les cheminées noires de ces vestiges industriels à l'entrée des bourgs
Qui dit canne à sucre dit rhum, on peut aussi visiter le musée La saga du rhum à Saint Pierre http://www.sagadurhum.fr/-Le-musee-.html, très bien fait, comprendre les distinctions entre rhum agricole et rhum traditionnel, déguster différents rhums arrangés. Ces rhums dans lesquels macèrent au sein de grands bocaux des fruits de toutes les sortes sont omniprésents dans les bars et les restaurants.
La canne est partout, tout autour de l'ile le long des côtes, à l'est comme à l'ouest, où l'on irrigue, la canne consomme beaucoup plus d'eau que le maïs. A se demander si la ressource en eau est suffisante. On rencontre en cette période de campagne sucrière de juillet à décembre, à tout instant les cachalots, gros camions, qui drainent les cannes, le plus souvent toujours coupées à la machette, vers les deux sucreries. Pour combien de temps? le sucre est subventionné aux deux tiers par l'Union européenne et la France. Comment s'en sortir? Comment préparer la reconversion qui devra intervenir tôt ou tard du fait de la pression des pays émergents qui eux ne sont pas subventionnés et peuvent s'estimer victime d'une concurrence déloyale...
Il y a le tourisme mais il a baissé depuis quelques années. En cause, le chikungunya, les requins... A quoi bon se rendre à La Réunion, si c'est pour ne pas pouvoir se baigner ou attraper une maladie tropicale qui détériore les articulations et qui a atteint un tiers de la population en 2006?
Les activités maritimes sont faibles, peu de plaisance, peu de pêche, on peut en trouver dans les restaurants DCP (Dispositif de concentration de poissons) au Port, à Saint Gilles et Saint Pierre, mais cela reste marginal. Pourtant, La Réunion est le seul endroit, la seule présence européenne dans l'Océan indien sur les routes maritimes qui relient l'Asie à l'Afrique et au Moyen Orient, un endroit stratégique donc. La Porte de l'Europe dans l'océan indien.
Il y a la randonnée. La Réunion est un paradis pour les randonneurs. les cirques de Mafate, de Cilaos, le piton des neiges, le volcan de la fournaise offrent des itinéraires de randonnées infinis. Dormir au gite du volcan http://legiteduvolcan.com/ et partir au lever du soleil pour en faire l'ascension, grimper depuis Maido tout en haut du Grand Benare et contempler Mafate et Cilaos à près de 3000 m d'altitude est somptueux.
On peut éprouver les mêmes sensations que Chateaubriand sur le Vésuve en janvier 1804 : "La lave couvre la plaine où je marche. C'est un désert ou les laves jetées comme des scories de forge, présentent sur un fond noir leur écume blanchâtre tout à fait semblable à des mousses desséchées"
Sur les pentes du volcan on peut, tôt le matin, avant le ballet des hélicoptères, éprouver le silence absolu, n'entendre que le bruit de ses artères e le battement de son cœur.
La Réunion vaut le voyage et même plusieurs voyages.