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  • Barbera d'Asti

    barbera.jpgS'ils créaient des vêtements, Lafite serait Armani et Mouton Versace"), le barbera d'asti ("c'est Angelina Jolie, tandis que le barbera d'alba, c'est Grace Kelly") ou le condrieu ("il me fait penser aux Gauguin de la période tahitienne").

    J'ai lu cet article dans le Monde de samedi dernier à propos de la sortie du prochain livre de Jay McInerney, Bacchus et moi, le 3 octobre. L'auteur a une bibiothèque de 4000 volumes et une cave de 4000 bouteilles, au lieu de faire des anlogies entre le vin et les fruits, il fait des analogies avec les autres arts, littérature, cinéma, peinture...

    Et hasard, prémonition, le midi en déjeunant à la Tavola di Gio, Boulevard Raspail, à Paris, Angelina Jolie apparaissait soudain sur la carte, sous la forme d'un Barbera d'Asti. Inutile de dire que le sommelier a été surpris mais ce vin du Piémont s'est révélé délicieux.

  • Michaël Kohlhaas

     

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    Il y a le livre et il y a le film. J'ai d'abord vu le film et ensuite lu le livre. Affaire de circonstances car j'avais l'intention de faire le contraire, le livre a été publié en 1808 par Heinrich von KLeist (1777-1811), le film d'Arnaud de Pallières est de 2013, deux siècles après!

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    L'action du livre se situe au milieu du XVI° siècle du côté de la Saxe et du Brandebourg, l'action du film à la même époque mais dans les Cévennes au temps de la toute jeune reine Margot. Dans les deux cas Michael Kohlhaas est un marchand de chevaux qui subit un préjudice de la part d'un jeune seigneur féodal effronté qui se croit encore au siècle précédent. Kohlhaas va réclamer justice mais elle lui est refusée par les autorités du fait de juges corrompus à la solde du jeune seigneur. Kohlhaas décide de tout abandonner, lève une petite armée de brigands et se fait justice lui-même. Il n'a qu'une idée en tête qu'on lui rende les deux chevaux qu'il avait confié à la garde du jeune seigneur et qu'il lui a rendu à l'agonie. C'est obsessionnel.

    La justice, il l'obtiendra mais au prix de sa vie.

    Kohlhaas est il un homme de la Renaissance, des lumières, un révolutionnaire ou un terroriste exalté, c'est le dilemme du livre, dilemme toujours actuel.

    Le film est centré sur cette problématique, dans le livre l'action est plus compliquée, les hésitations des différentes autorités plus détaillées, l'intervention de Luther qui à l'époque remettait en cause l'ordre établi est précise et il y a en plus une histoire de bohémienne peu fantastique sans trop d'intérêt si ce n'est de montrer la détermination à tout prix de Kohlhaas.

    Von Kleist a écrit sa nouvelle sur la base d'une histoire réelle, celle de Hans Kohlhase, bien documentée en particulier pour ce qui concerne l'intervention de Luther. Il l'a écrite au moment où Napoléon mettait les États allemands à feu et à sang, où un nouvel ordre, celui des Nations allait se mettre en place en Europe, un nouvel ordre que von Kleist ne verra pas puisqu'en 1811 il se suicide avec Henriette sa bien aimée, près de Postdam.

  • La mer

    esprit.gifJe signale, avec retard, ce très bon numéro de la revue Esprit (juin 2013) sur le thème de la mondialisation par la mer. De très bonnes contributions sur les enjeux du transport maritime, la révolution du conteneur et aussi des arricles éclairants sur les villes du Havre et surtout de Marseille.

    L'entretien avec Jean Viard, sociologue aujourd'hui engagé puisque vice président de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole va bien au delà des questions maritimes. Elle explique la position unique de Marseille en France et en Méditerranée. Et elle permet de bien comprendre beaucoup des difficultés que connait la ville aujourd'hui.

    La Méditerranée, elle se transforme, discrètement, avec l'émergence d'un très grand port à Tanger.

    Notre système national, cohérent en son temps mais qui s'est progressivement transformé en une mauvaise assurance vie de quelques intérêts particuliers va alisser place dans la douleur à l'ouverture inéluctable à la concurrnce internationale. autant l'affronter. Ce jugement d'Antoine Frémont est criant de vérité.

  • Ecrivains randonneurs

    rando.pngVoici un gros livre, près de 900 pages, qui donne une envie irrésistible de marcher, de marcher, mais aussi  d'écrire, de penser, de lire.

    On peut bien sûr être réticent devant cette juxtaposition de textes compilés sur une idée assez simple somme toute.

    Mais la lecture des textes choisis par Antoine de Baecque est à l'usage particulièrement réjouissante.

    L'ouvrage est organisés en chapitre thématiques, chaque chapitre et chaque auteur est l'objet d'une brève introduction.

    On commence très judicieusement par Diderot et d'Alembert qui dans l'Encyclopédie  (1751-1772) nous expliquent la mécanique de la marche.

    Des peuples et métiers marcheurs, aux anglais qui partent à l'assaut des Alpes en passant par les flâneries à Paris, les marches de survie, les pèlerinages, les méditations, chaque démarche  y trouve son compte.

    La démarche d'ailleurs fait l'objet d'un texte très savoureux de Balzac (théorie de la démarche 1833), de même pour la contribution de Jacques Lanzman (Fou de la marche 1985), dont le frère Claude arpentait les montagnes avec Simone de Beauvoir mais il n'est pas partie de cet ouvrage.

    Je termine ici en citant Rousseau : la chose que je regrette le plus dans les détails de ma vie dont j'ai perdu la mémoire est de n'avoir pas fait des journaux de mes voyages. Jamais je n'ai tant pensé, tant existé, tant vécu, tant été moi, si j'ose ainsi dire, que dans ceux que j'ai fait seul et à pied.

    Alors partez à pied et n'oubliez pas un peu de papier, un crayon ou une tablette...

  • Gavée de chrorophylle et d'azur

    gbleu.jpg"... Moi je montais dans un train, un matin, chargée d'un sac à dos qui contenait des vêtements, une couverture, un réveil, un Guide bleu, et un jeu de cartes Michelin. Je partis de La Chaise-Dieu et, pendant trois semaines, je marchai. J'évitais les routes, coupant au vif des prés et des bois, aspirée par tous les sommets, dévorant des yeux les panoramas, les lacs, les cascades, les secrets des clairières et des vallons. Je ne pensais à rien, j'allais, je regardais. Je portais tous mes biens sur mon dos, j'ignorais où je dormirais le soir, et la première étoile ne brisait pas mon aventure...je manfais une soupe, je buvais du vin rouge dans une auberge. souvent je répugnais à me séparer du ciel, de l'herbe, des arbres, je voulais en retenir au moins l'odeur ; au lieu d prendre une chambre dans un village, je faisais encore sept à huit kilomètres et je demandais l'hospitalité dans un hameau : je dormais dans une grange et la senteur du foin bourdonnait à travers mes rêves."$(KGrHqN,!p0FBg6dmWlIBQo7Zk,)Pg~~60_12.JPG

    Simone de Beauvoir (1908-1986) dans son livre mémoires, La force de l'âge, 1960, décrit l'enchantement qui fût le sien lorsque jeune professeur à Marseille elle consacre au tout début des années 1930 tous ses temps libres et ici ses vacances d'été à la marche, à la découverte de la nature qui la laisse "gavée de chlorophylle et d'azur".

    Simone de Beauvoir est donc passée à La Chaise-Dieu, en 1930 on pouvait y accéder en train, munie de son Guide bleu, elle n'a sans doute pas manqué de visiter l'Abbatiale, la danse macabre, les tapisseries, le jubé, le buffet d'orgue. Qu'en a-t-elle pensé, peut être ses impressions se nichent-t-elles quelque part dans sa correspondance.

  • La Réunion

    Je viens de passer une dizaine de jours à La Réunion à l'occasion d'un déplacement professionnel. Impressions non exhaustives.

    C'est en ce moment l'hiver austral, les températures sont très agréables même si les habitants se plaignent de la fraîcheur. Le soleil se lève vers 6h30 et se couche brutalement 12 heures plus tard. On s'y fait rapidement mais à la longue on doit regretter l'absence de longues soirées d'été.

    L"Ile est volcanique et n'est donc pas entourée de longues plages de sable blanc. Il y des plages de sable à Saint Gilles et Saint Pierre mais pour le reste c'est plutôt des résidus volcaniques, la montagne, les volcans, tombe littéralement dans l'océan, dès qu'on cesse de longer la côte il faut monter, on monte dans "les hauts" et l'altitude s'élève rapidement à plus de 1000 m les points culminants tutoient les 3000 m. Initialement, les hauts ont été peuplés pour éviter le paludisme.

    A l'est il pleut très souvent, à l'ouest rarement, le climat serait même plus favorable à Saint Gilles qu'au Port. Toutes les villes ou presque ont des noms de saints catholiques : Saint Denis, Saint Paul, Saint Gilles, Saint Pierre, Saint Benoit, Saint Leu, Saint Louis, Saint Philippe, Saint André, Sainte Rose... Il y a des exceptions comme le Tampon, Trois bassins, le Port...

    En visitant le Conservatoire botanique de Mascarin http://www.cbnm.org/ on apprend que si l'île a émergé dans l'océan indien il y a trois millions d'années, l'homme ne l'habite que depuis un peu plus de trois siècles et qu'au cours de cette période il a déjà fait disparaitre du fait de ses activités la moitié de la biodiversité!

    Des hommes et des femmes il y en a pas loin de 900 000. Ils sont venus de partout, de gré ou les plus nombreux de force : France, Europe de l'ouest, Afrique de l'est, de l'ouest, Madagascar, Rajasthan, Comores, Malaisie, Tamouls, Chine...

    Longtemps l'Ile, sans doute découverte par les arabes puis les portugais, n'a servi que d'escale, pour se ravitailler, cueillette, chasse, puis elle a été peuplée dès lors que des colons ont réussi à la valoriser par la culture du café http://www.cafe-reunion.com/ puis au XIX de la canne à sucre. C'est la culture du café qui explique le recours initial à l'esclavage. On peut se faire une idée de la vie de ces exploitations en visitant le Musée Villèle à  Saint Gilles les hauts. on y découvre la propriété de la famille Desbassyns telle qu'elle était au XVIII° et XIX° siècle, maison de maître, cuisine, infirmerie, chapelle, les habitations des esclaves ont disparu, mobiliers d'époque. L'esclavage a été aboli plus tardivement à La Réunion qu'en métropole, sans esclave pas de café puis pas de canne...

    Aujourd’hui la canne reste dominante, c’est le principal produit d'exportation. On peut utilement visiter les sucreries du Gol à  Saint-Louis ou celle de Bois rouge à Saint André. Toutes deux appartiennent au groupe sucrier Teréos, groupe coopératif qui fait surtout du sucre de betterave, acheteur de Beghin-Say, quatrième sucrier mondial, implanté au Brésil...Chaque ville avait sa sucrerie, il en reste deux, on voit encore se dresser  les cheminées noires de ces vestiges industriels à l'entrée des bourgs

    Qui dit canne à sucre dit rhum, on peut aussi visiter le musée La saga du rhum à Saint Pierre http://www.sagadurhum.fr/-Le-musee-.html, très bien fait, comprendre les distinctions entre rhum agricole et rhum traditionnel, déguster différents rhums arrangés. Ces rhums dans lesquels macèrent au sein de grands bocaux des fruits de toutes les sortes sont omniprésents dans les bars et les restaurants.

    La canne est partout, tout autour de l'ile le long des côtes, à l'est comme à l'ouest, où l'on irrigue, la canne consomme beaucoup plus d'eau que le maïs. A se demander si la ressource en eau est suffisante. On rencontre en cette période de campagne sucrière  de juillet à décembre, à tout instant les cachalots, gros camions, qui drainent les cannes, le plus souvent toujours coupées à la machette, vers les deux sucreries. Pour combien de temps? le sucre est subventionné aux deux tiers par l'Union européenne et la France. Comment s'en sortir? Comment préparer la reconversion qui devra intervenir tôt ou tard du fait de la pression des pays émergents qui eux ne sont pas subventionnés et peuvent s'estimer victime d'une concurrence déloyale...

    Il y a le tourisme mais il a baissé depuis quelques années. En cause, le chikungunya, les requins...  A quoi bon se rendre à La Réunion, si c'est pour ne pas pouvoir se baigner ou attraper une maladie tropicale qui détériore les articulations et qui a atteint un tiers de la population en 2006?

    Les activités maritimes sont faibles, peu de plaisance, peu de pêche, on peut en trouver dans les restaurants DCP (Dispositif de concentration de poissons) au Port, à Saint Gilles et Saint Pierre, mais cela reste marginal. Pourtant, La Réunion est le seul endroit, la seule présence européenne dans l'Océan indien sur les routes maritimes qui relient l'Asie à l'Afrique et au Moyen Orient, un endroit stratégique donc. La Porte de l'Europe dans l'océan indien.

    Il y a la randonnée. La Réunion est un paradis pour les randonneurs. les cirques de Mafate, de Cilaos, le piton des neiges, le volcan de la fournaise offrent des itinéraires de randonnées infinis. Dormir au gite du volcan http://legiteduvolcan.com/ et partir au lever du soleil pour en faire l'ascension, grimper depuis Maido tout en haut du Grand Benare et contempler Mafate et Cilaos à près de 3000 m d'altitude est somptueux.

    On peut éprouver les mêmes sensations que Chateaubriand sur le Vésuve en janvier 1804 : "La lave couvre la plaine où je marche. C'est un désert ou les laves jetées comme des scories de forge, présentent sur un fond noir leur écume blanchâtre tout à fait semblable à des mousses desséchées"

    Sur les pentes du volcan on peut, tôt le matin, avant le ballet des hélicoptères, éprouver le silence absolu, n'entendre que le bruit de ses artères e le battement de son cœur.

    La Réunion vaut le voyage et même plusieurs voyages.

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  • Le loup des steppes

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    Ce numéro de la revue L'Histoire de cet été est passionnant. Il revisite les différents albums de bande dessinée d'Hugo Pratt (1927-1995) consacrés à Corto Maltese. Chaque album revisité par les historiens est l'occasion de consacrer quelques pages à un épisode historique du premier quart du siècle dernier.

    Chaque chapitre est illustré par une belle carte, un encadré consacré à l'album et des personnages dessinés par Hugo Pratt. J'ai commencé à constituer ma collection complète de Corto Maltese avec Fable de Venise, l'un des ses albums les plus célèbres.

    On découvre aussi, l'univers d'Hugo Pratt, né en Italie, avec des ascendants originaires de toute l'Europe, marqué par la guerre de 1940-1945, amoureux des voyages, franc-maçon, grand mélancolique.

    C'est sans doute cette mélancolie qui le fit admirer Hermann Hesse, prix nobel de littérature (1877-1962).

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    J'ai donc lu Le loup des steppes publié en 1927. Étrange roman, à la fois philosophique et fantastique, initiatique aussi.

    Il fait le portrait d'Harry Haller (Hermann Hesse en fait), un écrivain d'une cinquantaine d'année revenu de tout, taciturne, qui n'attend plus rien de la vie, de la vie moderne surtout, qui attend la prochaine guerre, dans une petite chambrée où tous les jours se suivent et se ressemblent. lui -même se qualifie de Loup des steppes.

    Mais en fait, Harry Haller est aussi un peu schizophrène, il n'a pas renoncé à la vie et il va rencontrer Hermine, dans un bar, sorte d'alter égo, tout aussi désespérée au fond mais qui a choisi une autre voie pour échapper à la tragédie de la vie, celle de la prostitution.

    Hermine va lui rendre goût à la vie, l'initier au fox trot, puis au boston et l'emmener au bal masqué.

    A partir de là le roman navigue entre réalité et rêve éveillé. Harry parcourt un théâtre magique qui va lui faire découvrir les multiples facettes de sa personnalité, retrouver les personnes qui ont marqué son enfance et son adolescence et lui faire accomplir l'irréparable, en présence de Mozart!

    Étrange roman donc, difficile car sans doute empli de clefs que le lecteur ne perçoit pas forcément. Roman prémonitoire aussi que tous ceux qui sont hostiles à la vie moderne apprécieront pour sa critique des moyens de communication, ici la radio, mais aujourd'hui Twitter ou facebook. Hermann Hesse était d'une lucidité perspicace sur la société.