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  • Ce que je ne veux pas savoir et le coût de la vie

    C'est le prix Femina étranger de 2020. Deux ouvrages qui viennent d'être traduits en français. Le premier a été publié en anglais en 2013, le second en 2018.

    Les éditions du sous-sol survendent un peu l'oeuvre. " Ce livre éblouissant d'intelligence et de clarté, d'esprit et d'humour, pas tant récit que manifeste, ouvre un espace où le passé et le présent coexistent et résonnent dans le fracas incessant d'une destinée". Rien de moins!

    C'est autobiographique, dans Ce que je ne veux pas savoir Déborah Levy évoque son enfance en Afrique du sud, son père d'origine juive, blanc, emprisonné entre se première et sa cinquième année pour son opposition à l'apartheid, sa nounou noire, son exil à Londres, son attrait pour les oiseaux.

    Dans le second, la cinquantaine venue, elle a divorcé et se lance dans l'écriture avec comme modèle Marguerite Duras et Virginia Woolf. Si Virginia Woolf a une chambre rosi Déborah Levy a son cabanon pour écrire et son vélo électrique pour se déplacer... Pour échapper au patriarcat. Si manifeste il y a il est féministe.

    Au premier abord, ces ouvrages reposent beaucoup sur des anecdotes, des souvenirs, des réflexions qui peuvent paraitre futiles mais tout est passé au crible d'un discours à visée féministe. Si un homme parle de sa femme, l'autrice souligne qu'il ne cite pas son nom comme si elle n'avait pas d'existence propre, si un vieux monsieur de 70 ans prend un peu de place dans un train en face d'une jeune fille pour installer son journal, sa tablette et sa pomme c'est qu'il est macho. Lorsqu'on fait abstraction de ces petits travers systématiques, la lecture est agréable parfois drôle, parfois amère, tragique, souvent poétique, ce n'est pas facile d'être une femme libre de cinquante ans dans le Londres contemporain et d'écrire suffisamment pour faire vivre ses deux filles. Beaucoup de références au cinema de Godard et à Simone de Beauvoir.

    L'ensemble est assez déconcertant, on passe d'un style à l'autre mais c'est attachant et ses doute très travaillé.

  • Nickel Boys

    Il est écrit roman sur la couverture, et il est vrai que les personnages sont fictifs. Mais la valeur principale de ce récit est documentaire. Colson Whitehead met en scène la vie de deux jeunes noirs Elwood et Turner, dans ce qu'on appelait une maison de redressement et que l'on dénomme aujourd'hui centre éducatif fermé. Elwood y a été interné à la suite d'une erreur judiciaire alors qu'il s'apprêtait à entrer à l'université.

    Peu importe c'est de mauvais traitement, de torture et même de meurtres qu'il s'agit. Il y a des noirs et des blancs mais ils sont séparés et bien entendu les noirs font l'objet de discriminations. Les personnels sont cruels, les dirigeants corrompus.

    Chaque fois qu'il y a un peu d'espoir, que l'on croit voir le bout du tunnel, nos héros retombent plus bas. C'est désespérant. Et ce n'est pas du roman les faits restitués se sont bien déroulés à la Dozier School for boys, à Marianna, en Floride. Et on peut consulter le site Internet des survivants de Dozier à l'adresse : officialwhitehouseboys.org, on y trouvera les histoires édifiantes des anciens élèves.

  • Histoires de la nuit

    Le roman est magnifique, par l'écriture, la narration, le suspense, les personnages. On ne s'ennuie pas une seconde. Le phrases sont longues ciselées au scalpel. Angoissantes.

    On est à La Bassée, dans le centre de la France, quelque part, un hameau oublié de tous au bout d'un chemin de terre. Il y a Patrice agriculteur, chasseur, marié depuis une dizaine d'année avec Marion, qui va fêter ses quarante ans, Ida leur fille de dix ans à qui sa mère raconte le soir avant de s'endormir des histoires de la nuit, et il y a la voisine, Christine une petite soixantaine, peintre, un peu bobo, les cheveux orange, mais seule, qui cherche encore et toujours l'inspiration, qui adore Ida, ne comprend pas bien qui a été Marion, avant, qui a de la compassion pour Patrice et réciproquement. Et le chien Radjah.

    C'est la campagne, l'isolement, l'abandon, le fruit de dizaines d'années d'exode rural et de désindustrialisation.. Et en cette journée d'anniversaire, on attend en fin de soirée le retour de Marion, de son travail, Patrice a invité deux de ses collègues mais il y a aussi des invités, imprévus, qui se sont invités.

    La tension monte, insoutenable, souvent. C'est un thriller et un portrait sans concession de la pauvreté dans tous les sens du terme

     

  • L'homme en rouge

    Radiographie ou anatomie de la Belle époque!. Le docteur Samuel Pozzi (1847 - 1918), l'homme en rouge selon un portrait célèbre de John Sargent, en robe de chambre, chirurgie et gynécologue talentueux, brillant, innovant. Son père Benjamin était originaire d'une famille lombarde et sa mère Inès d'une famille du Périgord. La ville de Bergerac, où il est né,  continue d'honorer la mémoire du docteur Pozzi, l'hôpital local porte son nom ainsi qu'une rue de la ville.

    Mais Pozzi fut aussi un mondain de la Belle époque, fort apprécié de ses patientes dont certaines furent ses maitresses, Sarah Bernhardt au premier rang. Intellectuel raffiné, lettré, il fréquentait les salons les plus huppés de Paris, voyageait beaucoup, aux Etats-Unis, à Londres. Il traduisit Darwin et faisait confectionner ses costumes et ses tentures avec des tissus achetés à Londres.

    Il fut sans doute malheureux en famille, Thérèse, un mariage d'amour au début, une femme rapidement trompée, catholique, fidèle, qui finira par le quitter, une fille qui trouvera difficilement son équilibre, un fils qui fera une carrière diplomatique modeste et un fils atteint de troubles mentaux.

    Julian Barnes dans ce récit fait autant le portrait de ce médecin exceptionnel que celui de la Belle époque, dont on retiendra qu'elle n'était pas si belle que cela. Les portraits du comte Robert de Montesquiou-Fezensac et du prince Edmond de Polignac sont un peu accablants. Cette noblesse décadente dépourvue de vrai talent n'aspire qu'à se mettre en avant, elle continue à pratiquer le duel pour un oui ou pour un non...

    La société française est marquée par l'affaire Dreyfus, la réaction est omniprésente parmi les élites de l'époque. Le contraste entre cette société sur le recul et un homme qu'on peut qualifier de la Renaissance comme Pozzi est assez frappant. On croise Léon Daudet, Marcel Proust, Oscar Wilde, les Goncourt, Jean Lorrain, Colette, Henri de Régnier, Léon Delafosse...

    Un livre très vivant, d'une grande érudition par le plus francophile écrivain anglais.