Formidable! Deux pleines pages et la couverture du Monde des livres la semaine dernière consacrées au Congo, l'ancien Zaire, à l'occasion de la sortie du dernier livre de John Le Carré, Le chant de la mission (the Mission song).

Formidable, parce qu'il est rare que l'on parle de ce grand pays francophone, près de 60 millions d'habitants, sans doute parce que ce n'est qu'une ancienne colonie belge et que nous nous sentons en conséquence dénués de responsabilité à son égard.
Pourtant les congolais sont formidablement attachants, il suffit d'écouter les classiques de la rumba congolaise ou le célèbre Indépendance cha cha...

Alors ne nous plaignons pas. Le plus intéressant n'est peut-être pas le roman lui-même mais plutôt l'arrière plan. Des deux pages, c'est celle qui relate le témoignage de Le Carré qui estime que ce voyage fut et restera le voyage le plus étrange de sa vie, une réalité stupéfiante, qui est la plus intéressante.

Dommage cependant que son antiaméricanisme, qu'il faut bien qualifier de primaire, le conduise à considérer qu'on rencontre moins de gens déprimés à Bukavu qu'à New-York. Impression totalement subjective évidemment mais soulignée à plaisir par la mise en page. Faut-il rappeler qu'au Congo l'espérance de vie à la naissance est de 40 ans, que la moitié de la population n'a pas accès à l'eau potable et qu'à Bukavu on voit dans le cadre de campagnes de prévention conduites par les ONG humanitaires des banderoles indiquer "celui qui viole une femme viole sa propre mère."

Le prix payé par les congolais pour échapper à la dépression est élevé, je ne suis pas sûr que les newyorkais consentent à le payer.

La réunion du G8 s'ouvre officiellement ce mercredi soir à Heiligendamm en Allemagne. Avant de se séparer vendredi en début d'après-midi, les chefs d'Etat vont consacrer vendredi à partir de neuf heures une heure quarante cinq minutes à l'Afrique en présence de représentants d'Egypte, d'Algérie, du Nigeria, du Sénégal, d'Afrique du Sud, d'Ethiopie, du Ghana, du président de la Commission de l'Union africaine et du Secrétaire général de l'ONU.

L'occasion d'évoquer quelques souvenirs d'Afrique et notamment de ce grand pays francophone qu'est la République démocratique du congo, l'ancien Zaïre. Voici quelques extraits de ce que j'écrivais en 2003 à la suite d'une mission d'une dizaine de jours dans ce pays magnifique et oublié des caméras de télévision françaises, ce n'est après tout qu'une ancienne colonie belge...

Gbadolite, ville natale de l’ancien président Mobutu, est une ville fantôme, aujourd’hui dépourvue de tout équipement scolaire ou de santé en mesure de fonctionner. Les habitants continuent de détruire les infrastructures pour se fabriquer des outils. La première demande porte sur le dragage de la rivière Oubangui afin de restaurer la liaison avec Kinshasa.



o Kisangani, « ville martyre » souffre elle aussi d’abord de son enclavement. Elle se félicite de la réouverture récente de la voie fluviale vers Kinshasa (cela a permis de ramener le prix du litre de gasoil de 1,7 USD à 0,85 USD) et aspire à retrouver son rôle de place pour les échanges commerciaux vers la Méditerranée et l’Océan indien.

o A Goma et à Bukavu, la priorité est d’abord à la restauration de la sécurité. Les combats ont fait place à une insécurité dans les zones rurales du fait d’hommes en armes inorganisés qui continuent de piller et de violer. Cette situation empêche toute reprise de l’activité économique. La réforme de l’armée et de la police et la reprise de la paye des militaires apparaissent indispensables aux représentants du secteur privé et aux ONG locales. A Goma, le volcan Niragongo, dont l’éruption de janvier 2002 a rasé 13 % de la ville continue de menacer la population, en raison des risques d’une nouvelle éruption, des émissions de dioxyde de soufre et de la pollution au fluor. A Bukavu, les eaux de ruissellement menacent de provoquer des effondrements de terrains dans les quartiers construits sur les collines, quartiers en forte expansion démographique du fait des déplacements de population. En ville des banderoles indiquent : « celui qui viole une femme viole sa propre mère ». Selon plusieurs ONG, les dénonciations des viols par les femmes se heurtent à des représailles de la police ou de l’armée.


o Comparée aux deux villes précédentes, la situation de Lubumbashi apparaît prospère au premier abord. Elle en fait très contrastée. Les infrastructures qui datent de l’époque coloniale ne permettent pas d’assurer les services publics de base. Il y a eu des épidémies de choléra au cours des trois dernières années. Il y a deux femmes par lit à la maternité du centre hospitalier, lequel ne compte que dix médecins pour 950 lits installés. La ville est confrontée à une fuite des cerveaux vers l’Afrique australe (médecins, chercheurs, enseignants). Les investissements réalisés par le groupe Forrest (société STL) montrent cependant qu’il est possible de créer en RDC des entreprises capables de valoriser le patrimoine minier, de mettre en œuvre des innovations technologiques et de créer des emplois. Les entreprises s’estiment en situation de concurrence déloyale vis à vis de celles de Kinshasa en matière d’appel d’offre et dénoncent le fonctionnement actuel des services fiscaux et douaniers.

o L’exploitation du diamant à Mbujimayi ne s’est pas traduite par la prospérité pour la capitale du Kasai oriental. La société d’Etat Miba, qui exploite le diamant depuis plus de 80 ans, a été mise à contribution à l’excès par les autorités publiques et a vu de ce fait son activité et sa rentabilité diminuer constamment depuis 1961. De son côté, l’exploitation artisanale du diamant va jusqu’à détourner les enfants de l’apprentissage scolaire de base. La ville est dépourvue d’eau et plongée toutes les nuits dans les ténèbres faute d’énergie électrique.