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ghassan tueni

  • Ghassan Tueni

    Je reproduis ici un des articles parus dans l'Orient Le Jour à l'occasion de la disparition de Ghassan Tueni, journaliste, diplomate, ancien ministre Libanais, un sage, un trésor de l'humanité, ami notamment de Jean Lacouture, avec lequel il avait écrit "un siècle pour rien".

    Le convoi funèbre de Ghassan Tuéni est passé samedi par les trois hauts lieux de sa passion journalistique, de sa foi chrétienne et de sa douleur d’homme. À la troisième de ces stations, il s’est arrêté pour toujours. La dépouille mortelle du grand journaliste a été enterrée samedi au cimetière Mar Mitr, au terme d’obsèques hautement symboliques au cours desquelles sa grande famille lui a fait visiter l’entrée du Nahar, la cathédrale Saint-Georges, place de l’Étoile, et le cimetière Mar Mitr, qui abrita pour lui, de son vivant, ses deux fils décédés tragiquement.
    Les obsèques de celui qui fut d’abord un très grand journaliste – et qui s’engagea ensuite comme diplomate et ministre au service de son pays – ont soulevé l’émotion de tous les Libanais épris de justice, de vérité et de liberté.

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    Pour défendre ses idéaux, Ghassan Tuéni endura tout : l’adversité, la peur, la prison, la guerre, les contradictions de la vie politique, la maladie, le deuil, la violence et la terreur qui faucha, en pleine force de l’âge, son fils Gebran. Il reçut en retour la présence d’une femme à ses côtés dans le grand âge, Chadia, la grâce de pardonner aux assassins de son fils, l’admiration de toute une génération de journalistes qui le prenaient pour modèle, sans compter la grande famille humaine du quotidien qu’il a fondé et l’engagement – renouvelé dans une cathédrale – de deux petites-filles intrépides prenant chacune à sa manière la relève de son combat.
    C’est sans doute les paroles du métropolite grec-orthodoxe du Mont-Liban, Georges Khodr, qui ont le mieux rendu compte de ce qu’il y avait de complexe, d’éclectique, d’unique dans la personnalité de Ghassan Tuéni forgée aux confluents de l’esprit grec, occidental, levantin et arabe, un héritage qu’il portait « avec fierté et austérité ».
    Le métropolite du Mont-Liban devait également relever l’étonnante capacité de Ghassan Tuéni à « s’opposer sans haïr ».

    « Un cœur de maître »
    « Tu n’as pas été ébloui par la futilité de ce monde, a dit le métropolite, mais tu as accueilli avec avidité les valeurs qui se répandaient sur toi. Ton cœur était celui d’un maître, et c’est la raison pour laquelle je t’ai dit un jour que tu n’étais pas un homme politique, mais un philosophe de l’action politique dont la sagesse pouvait inspirer les hommes sincères qui apprenaient ainsi à s’opposer sans haïr. »
    Le métropolite a rendu en outre hommage à un homme libre qui détestait les régimes militaires, dans la conviction que la liberté triomphe toujours de la répression, et à un homme dont la foi en la Résurrection n’a pas ployé sous les épreuves crucifiantes de la mort.
    « Tu es plus grand qu’on ne peut le dire », avait affirmé, avant que le métropolite Khodr prenne la parole, le patriarche Hazim, condisciple de Ghassan Tuéni à l’AUB, aux yeux duquel le journaliste disparu était « un camarade impressionnant de serviabilité et un modèle ».
    Déposant au nom du président de la République l’étoile dorée du grand cordon de l’ordre du Cèdre sur le cercueil, le Premier ministre Nagib Mikati a dit « sa tristesse » de rendre hommage à un homme « en constant mouvement » qui a excellé dans tous les domaines qu’il a abordés, que ce soit comme journaliste, diplomate, penseur ou ministre, et qui a infatigablement défendu « la liberté d’expression et le pardon, le dialogue et l’acceptation de l’autre ».

    « Un Sisyphe arabe »
    Comparant son grand-père à un Sisyphe « libanais, palestinien, syrien, et somme toute arabe », la petite-fille de Ghassan Tuéni, Nayla Tuéni-Maktabi, PDG du quotidien an-Nahar, devait prendre ensuite le serment « devant le Père et la communauté impressionnante de fidèles » présente dans la cathédrale de poursuivre le combat pour les idéaux défendus par son grand-père : ceux de faire prospérer le Nahar et « de défendre le Liban démocratique, républicain, civil, pluraliste, souverain, libre et indépendant, la civilisation arabe, la modernité et la liberté ».
    Le président de l’ordre de la presse, Mohammad Baalbacki, un compagnon de route et un ami du grand disparu, a lui aussi rendu hommage aux multiples facettes de la personnalité de Ghassan Tuéni, « qui cumulait les qualités de journaliste à celle d’homme politique, de penseur et d’intellectuel et de militant ». « Il était tout cela la fois, a dit M. Baalbacki, inséparablement journaliste, homme politique, diplomate, intellectuel et militant, dans une synthèse unique qui lui vaut probablement cette gloire, lui le jeune homme venu de Harvard vers les tribulations et les fatigues inhérentes au métier de journaliste auquel, en homme entier, il s’est donné entièrement. »
    C’est avec un mélange de douleur et de dignité que les condoléances d’une foule innombrable de parents, d’amis et de personnalités de tous horizons ont été prises, après les obsèques. Le cérémonial s’est poursuivi hier, en l’église Saint-Nicolas, et se conclura aujourd’hui.