Moisson rouge
Autant le dire tout de suite, je ne suis pas particulièrement amateur de roman policier. Mais je me suis laissé tenter par la nouvelle traduction que vient de faire paraître la fameuse collection Série noire du roman de Dashiell Hammet, Moisson rouge, Red Harvest dans la version américaine, roman paru en 1929 quelques mois avant le krach boursier.
J'ai été séduit par la présentation qui en est faite par l'éditeur et la plupart des critiques : un regard au scalpel sur la société américaine, une vision crue sur les rapports de forces et d'argent, les contradictions de la société américaine et les méfaits du capitalisme sauvage.
L'action se déroule dans une petite ville minière du Montana de quarante mille habitants. Le vieux Elihu Wilson qui a bâti cette ville la possède corps et âmes, cœurs et tripes, mais pour casser les grèves répétées menées par un syndicat révolutionnaire, il a fait appel à la pègre, laquelle a mis la ville en coupe réglée et permis à la corruption de s’infiltrer dans tous les corps de la société. Le fils d’Elihu Wilson, directeur du seul groupe de presse, est chargé par son père de remettre de l’ordre et va faire appel à un détective privé. S’en suit, et c’est là l’essentiel du roman, une kyrielle d’assassinats, de règlements de compte, de chantages, de complots que notre détective, sans nom, ne fera que décupler s’acharnant à monter les uns contre les autres jusqu’à ce que la plupart des acteurs soient éliminés et que la garde nationale vienne achever le travail…
C’est un excellent roman policier, il y a du suspense, le détective est machiavélique, tout le contraire de l’homme honnête, sans scrupules sur les méthodes, mais j’ai tout de même été déçu car il n’y a pas d’analyse de la société américaine, pas un syndicaliste, pas même un ouvrier, le décor est simplement planté au début du roman, mais les seuls personnages sont ceux qui appartiennent aux gangs, à la police, ou qui gravitent dans leur orbite, une seule femme par exemple.
L’analyse du capitalisme sauvage est absente, en revanche les amateurs de meurtres et d’énigmes policières seront satisfaits par un roman qui dans le fond n’a pas pris une ride malgré ses 80 ans.
Raymond Chandler, disciple de Hammet, aurait de lui qu’il avait sorti le crime de son vase vénitien pour le remettre à sa place, le caniveau. C’est le cas ! Ceci dit à l’occasion, je lirai un ou deux autres romans d’Hammet comme le Faucon maltais pour parfaire mon opinion sur le père du style hard boiled, dur à cuire.