Au commencement était...
Livre très stimulant! Les deux David cherchent au fil de ces quelques 660 pages à nous convaincre que l'évolution classique de l'humanité : chasseurs cueilleurs, tribus, chefferie, découverte de l'agriculture, néolithique, propriété privée, commerce, surplus agricole, formation des États, patriarcat, dictatures, affrontements armés...n'était pas inéluctable. Des bifurcations, comme on dit aujourd'hui, étaient possibles et même ont eu lieu dans le passé mais ces épisodes ont été oubliés car contraires à la vulgate dominante.
David Graeber (1961-2020) et David Wengrow (1972-)- s'appuient sur des recherches fouillées de populations ou de groupes humains méconnus qui ont laissé quelques traces archéologiques découvertes ces derniers décennies et qui seraient sous-exploités. On côtoie beaucoup les Iroquois, les Hurons, des indiens des Etats-Unis avant la "découverte" hispanique ou eurasiatique, mais aussi les Incas, les Aztèques, les Olmèques, les Mayas, le peuples de Teotihuacan, celui de Tlaxcala...
Certains de ces peuples ayant compris que l'agriculture allait les asservir auraient repoussé ce progrès, n'auraient pratiqué la culture qu'en dilettante afin de préserver leur liberté, d'autres auraient tout fait pour éviter l'apparition de chefs, de seigneurs, de rois... pour préserver leur liberté individuelle, avoir le droit de ne pas recevoir d'ordre, de s'en aller ailleurs sans être poursuivis par leur communauté...
On aura compris que nos deux David sont un tantinet anarchistes, féministes...il ne cessent de dénoncer les thèses de Jared Diamond (l'effondrement) ou de Huval Harari (Sapiens). On soupçonne de tant à autre une certaine mauvaise foi dans ces propos qui reviennent régulièrement.
Par ailleurs l'ouvrage est un peu touffu, on a l'impression de parfois tourner en rond et on n'échappe pas à de multiples redites.
Mais la lecture est toutefois hautement recommandable car sans mettre à terre notre appréhension de l'évolution humaine elle a le mérite de souligner la diversité des cheminements de Sapiens dans sa recherche d'organisation de la société, des sociétés, un petit peu comme pour l'apparition d'homo sapiens, on a le sentiment d'un buissonnement de solutions qui ont souvent débouché sur des impasses au profit du modèle des États que l'on connait aujourd'hui. Est ce à dire qu'il n'y plus rien à inventer? Qui sait ce que nous réserve demain.