Le feu (Journal d'une escouade)
D'après ma liseuse, j'ai passé quatorze heures dans les tranchées aux côtés d'Henri Barbusse (1873-1935) à lire son roman autobiographique qui lui valu le prix Goncourt en 1916. C'est peu finalement à côté des épreuves vécues par l'auteur du Feu.
Henri Barbusse c'est un nom que je connais depuis ma tendre enfance : il y a des rues Henri Barbusse dans toutes les villes qui ont été gérées par une mairie communiste et dans bien d'autres. L'homme, un littéraire, s'est engagé à 41 dans l'infanterie en 1914 et a fait la guerre au front pendant 22 mois. De cette période, à partir du journal qu'il a tenu, il a publié Le feu en feuilleton puis chez Flammarion.
L'homme deviendra communiste dès 1923 puis sera un des fondateurs du mouvement pacifiste, il ira jusqu'à écrire une biographie de Staline. il voulait créer une littérature prolétarienne.
Mais peu importe, son roman est d'abord un roman autobiographique, celui de son escouade, avec les différents épisodes qui font la vie d'une escouade, les combats en première ligne, les travaux de terrassement, l'attente, le barda, la permission, le poste de secours, l'idylle, la virée en ville, l'arrière... le tout avec le vocabulaire des poilus incroyablement riche, scrupuleusement noté par l'auteur.
Un extrait :
Plus que des charges qui ressemblent à des revues, plus que les batailles visibles déployées comme des oriflammes, plus même que les corps à corps où l'on se démène en criant, cette guerre c'est la fatigue épouvantable, surnaturelle, et l'eau jusqu'au ventre, et la boue et l'ordure et l'infâme saleté. C'est les faces moisies et les chairs en loques et les cadavres qui ne ressemblent même plus à des cadavres, surnageant sur la terre vorace. C'est cela, cette monotonie infinie de misères, interrompue par des drames aigus, c'est cela, et non pas la baïonnette qui étincelle comme de l'argent, ni le chant du coq, du clairon au soleil.
Et sur les embusqués, les planqués, ce dialogue, à la fin d'une virée à l'arrière :
- Y a pas un seul pays, c'est pas vrai, y en a deux. J'dis qu'on est séparés en deux pays étrangers: l'avant, tout la-bas, où il y a trop de malheureux, et l'arrière, ici, où il y'a trop d'heureux.
- Que veux-tu! ça sert...l'en faut...c'est l'fond...Après...
- Oui, j'sais bien, mais tout d'même, tout d'même, y en a trop, et pis i's sont trop heureux, et pis c'est toujours les mêmes, et pis y a pas de raison...
-Dans huit jours on s'ra p'r'êt crevés...
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